Leur rêve a une saveur particulière. Les sept skippers originaires de Région Guadeloupe aspirent tous à vivre les joies d’une arrivée « à domicile ». Objectif de ces ambassadeurs des Antilles ? Faire briller les couleurs de l’île, avant et pendant la course, susciter des vocations et être à la hauteur du plus grand événement sportif de la Guadeloupe.
Chez les nombreux Bretons qui s’élancent, ce sont les souvenirs de départ qui sont sans cesse ravivés. Chez leurs confrères guadeloupéens, ce sont logiquement les arrivées qui restent gravées dans les mémoires. David Ducosson (Trilogik-Dys de Cœur, Rhum Multi) dit « en avoir vécu beaucoup », Willy Bissainte (Tradisyon Gwadloup, Rhum Mono) assure « vivre cette course depuis l’enfance ». Thibaut Vauchel-Camus (Solidaires En Peloton – ARSEP, Ocean Fifty) et Damien Seguin (Groupe APICIL, IMOCA), qui ont tous les deux grandi en Guadeloupe, se souviennent de l’arrivée majestueuse de Florence Arthaud en 1990. Thibaut évoque les cours qu’il séchait en 5e pour ne rien rater, Damien de « la chasse aux autographes avec son frère. ».
Un favori, des outsiders et des enthousiastes
Au total, ils sont sept marins guadeloupéens à tenter l’aventure cette année. Sept ambassadeurs des Antilles, sept trajectoires de vie, sept ambitions aussi.
Thibaut Vauchel-Camus, deux Route du Rhum – Destination Guadeloupe au compteur et un podium en 2018, fait légitimement partie des favoris en Ocean Fifty. « J’ai envie de gagner, même si je sais que je ne suis pas le seul », s’amuse-t-il.
Damien Seguin, qui a pris la barre du bateau vainqueur du dernier Vendée Globe (Maître Coq IV), espère une belle place d’honneur en IMOCA. « J’ai terminé 10e (en 2010, Class40), 8e (en 2014), 6e (en 2018, IMOCA). À chaque fois, je gagne deux places ! »
Également engagé en IMOCA, Rodolphe Sepho (Rêve de large – Région Guadeloupe) s’élance dans le grand bain en rêvant de Vendée Globe. « Je rejoins la catégorie des stars, explique-t-il. Je veux franchir un palier avec un nouveau bateau, plus visible, plus spectaculaire et au sein d’une classe davantage visible et médiatisée. »
Chez les Class40, Kéni Piperol (Capt’ain Alternance) est à 26 ans l’étoile montante de la course au large guadeloupéenne. « Pour cette première participation, je coche un peu toutes les cases avec un projet performant et un bateau innovant construit en matériaux recyclables », explique-t-il.
« Les Antilles et la Guadeloupe le méritent »
Dans la même classe, Sacha Daunar (Bateau Cit’Hôtel-Région Guadeloupe, 32 ans), originaire de Martinique et disposant de solides attaches en Guadeloupe, souhaite réaliser « son rêve d’enfance ».
En Rhum Multi, David Ducosson a quant à lui été longtemps préparateur et il aspire, après la course, à proposer des sorties en mer à bord de son bateau. Il confie à propos de sa 2e participation : « à un moment, je me suis dit que je n’étais pas plus mauvais qu’un autre. Alors pourquoi pas moi ? »
« Mon objectif, c’est de rentrer à la maison », poursuit Sacha, ingénieur aéronautique. Une forme de fierté est prégnante chez chacun de ces skippers.
« Il ne s’agit pas d’oublier mon identité guadeloupéenne, s’amuse Kéni Piperol. Je veux faire ça bien, les Antilles et la Guadeloupe le méritent ! » Il y a également la volonté de contribuer à démocratiser la discipline dans l’île.
« C’est dommage que les jeunes ne se tournent pas vers les métiers de la mer, explique ainsi Rodolphe Sepho. Il s’agit d’une activité qui coûte cher et qui freine énormément de personnes. On veut emmener plus de choses concrètes et une vraie vision. »
Une histoire tumultueuse
Le rêve de traverser l’Atlantique et de s’offrir une arrivée forcément joyeuse « à domicile » est plus que jamais présent dans leurs têtes. Y parvenir serait une façon aussi de poursuivre l’histoire parfois tumultueuse entre les Guadeloupéens et la Route du Rhum – Destination Guadeloupe.
Ils sont ainsi 12 marins à s’être élancés au fil des 11 premières éditions. En 1978, Jacques Palasset démâte à mi-parcours et est porté disparu, la faute à une absence de moyen de communication à bord. Sa femme reçoit alors de nombreux messages de condoléances avant que Jacques débarque en Guadeloupe après 34 jours de traversée.
Claude Bistoquet, lui, s’était échoué sur les hauts fonds à proximité de l’arrivée (1990) avant de chavirer quatre ans plus tard.
De son côté, Luc Coquelin, actuel mentor de Kéni Piperol, peut se targuer de cinq podiums en six participations (de 1998 à 2018).
Dans le rang des premières, il y a Philippe Fiston – premier à tenter l’aventure en IMOCA (10e en 2006), Philippe Chevalier – unique vainqueur guadeloupéen (Classe 1, 2006) – et Christine Monlouis, première guadeloupéenne engagée (2010).
Le club des sept qui s’élance dimanche prochain compte bien écrire une nouvelle page de ce récit au fil de l’Atlantique.