Tribune libre. Pourquoi le train de sénateur du monde politique n’est aujourd’hui plus de mise face aux crises et enjeux de l’avenir ?

PAR JEAN-MARIE NOL*

Fini le temps du déni, des incantations stériles et contre-productives ainsi que des illusions idéologiques dangereuses et obscurantistes.

En 4 ans, mon précédent article sur le sujet des conséquences dévastatrices des mutations technologiques n’a pas pris une seule ride. Nous n’avons eu de cesse ces dernières années de mettre en garde les hommes et femmes politiques de la Guadeloupe et de la Martinique sur les conséquences de la mutation profonde en cours dans le monde notamment avec la quatrième révolution technologique de l’intelligence artificielle.

Par ailleurs, nous avions également évoqué à maintes reprises la nécessité vitale pour la classe politique et économique des Antilles de se doter d’une vision prospective dans l’élaboration des politiques publiques et plans de développement.
Cette révolution technologique, parce qu’elle pénètre toutes les sphères de notre vie quotidienne, suscite nombre d’interrogations. Espoirs réels ou inquiétudes légitimes ?

Aux Antilles, la société dans laquelle nous vivons aujourd’hui est très orientée vers les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Désormais, presque tout le monde peut accéder à Internet, aux appareils mobiles et aux ordinateurs… nous sommes déjà vraiment à l’ère de la haute technologie et du tout numériques, et bientôt nous basculerons dans l’ère de l’intelligence artificielle.

Et il faut bien l’admettre, ces innovations ont et auront encore plus dans la décennie actuelle un impact croissant sur nos habitudes quotidiennes. Utiles dans bien des aspects pour les humains, cependant, ils ont un côté sombre qui peut leur être extrêmement nocif.

Nous en voulons pour preuve que des experts et des intellectuels réclament aujourd’hui une pause dans le développement de l’Intelligence artificielle, et que le dernier rapport publié par la banque Goldman-Sachs en avril 2023 ne va rassurer personne puisqu’on apprend que deux tiers des emplois actuels pourraient être affectés par les progrès et les capacités d’automatiser les tâches par des Intelligences artificielles.

A terme, et même si l’étude ne donne pas de date-butoir, ce sont pas moins de 300 millions d’emplois qui pourraient disparaître aux Etats-Unis et en Europe. La nouvelle économie issue de la révolution technologique en cours obéit déjà à des lois particulières et inédites, notamment sur sa structure en terme de coût pour l’emploi et la croissance.

Déjà 4 ans que j’alertais sur la question de la 4ème révolution technologique et de l’intelligence artificielle dans un article publié dans la presse. Aujourd’hui, le danger semble omniprésent, et pourtant rien de tangible n’a été entrepris en Guadeloupe et Martinique, à ce jour pour parer aux conséquences fulgurantes de l’évolution de l’intelligence artificielle sur le tissu social de nos pays.

Et pourtant Emmanuel Macron avait décidé de préparer les esprits et appelé à l’unité de la nation lors d’un discours tenu en août 2022, et je le cite : « Nous sommes face à une grande bascule marquée par « la fin de l’abondance », « des évidences » et « de l’insouciance ».

« Le moment que nous vivons peut sembler être structuré par une série de crises graves (…) et il se pourrait que d’aucuns voient notre destin comme étant perpétuellement de gérer les crises ou des urgences. Je crois pour ma part que ce que nous sommes en train de vivre est plutôt de l’ordre d’une grande bascule ou d’un grand bouleversement »

Ce grand bouleversement dont parle le président Macron est vraisemblablement la robotisation et l’intelligence artificielle qui s’avère être actuellement à l’ordre du jour. Et c’est également le président russe Vladimir Poutine qui déclarait que « Quiconque devient le leader dans la sphère de l’intelligence artificielle deviendra le maître du monde et le pays qui réalisera une percée marquante en intelligence artificielle dominera le monde . »

Que veut dire alors créer, apprendre, travailler à l’heure de ChatGPT ? Travailler, par exemple, un chiffre est évoqué par les Echos aujourd’hui : 300 millions d’emplois pourraient être détruits par l’intelligence artificielle. Si bien que la liste des gens qui en ont peur fait peur : Elon Musk, Steve Wozniak cofondateur d’Apple, notamment. Le problème, c’est que l’on ne voit vraiment pas comment éluder cette problématique maintenant que l’on a découvert l’IA et ChatGPT.

ChatGPT est un prototype d’agent conversationnel utilisant l’intelligence artificielle, développé par OpenAI et spécialisé dans le dialogue pour comprendre et interpréter les requêtes des utilisateurs, puis générer des réponses pertinentes.

C’est comme si l’on avait créé une méta technique parmi nous, non pas seulement une avancée technique qui va bouleverser beaucoup de choses, en bien ou en mal, mais une avancée technologique qui pourrait modifier anthropologiquement notre civilisation.

ChatGPT 4 vient d’être dévoilé, il ne paraît pas possible de mettre quoi que ce soit entre parenthèses, tant les enquêtes consacrées à l’évolution technologique et à l’étude des futures conditions de travail sont formelles : il y aura dans les années qui viennent une grave crise du travail en France et dans les outres-mers . Mais pourquoi l’intelligence artificielle fait-elle très peur au point que même ses principaux concepteurs s’en alarment ouvertement ?..

Si certains peuvent être effrayés à l’idée que les intelligences artificielles prennent de plus en plus de place, cela peut en partie être dû au fait que 60 % pensent qu’elle a déjà dépassé l’intelligence humaine. Par ailleurs, pour 30 % des Français, l’IA a pour objectif de remplacer les humains.

En 2021, une étude révisable de l’université de Chapman en Californie menée auprès de 1 511 américains, avait révélé que les participants étaient effrayés par les technologies qu’ils ne comprennent pas et le fait que les ordinateurs remplacent les humains au travail.

Selon l’enquête, cette peur serait même plus grande que celle ressentie par les germes, le sang, les animaux ou les fantômes. Inquiétude face à la perte du lien social, peur du contrôle des machines ou angoisse liée à la place de chacun sur la marché du travail, l’IA pourrait bien soulever de nombreuses inquiétudes dans les années à venir.
Comment l’expliquer ?

Une partie de la réponse réside dans notre précédent article ci-dessous et qui traitait à l’époque de ce sujet devenu brûlant et qui manifestement ne semble aujourd’hui toujours pas être pris à bras le corps par la classe politique des Antilles . Sachant que l’on ne peut pas être plus royaliste que le roi , alors à notre corps défendant nous disons de façon dubitative: « Sa ki fèt, fèt »

(- traduction littérale de ce proverbe créole : ce qui se fera, se fera – morale : advienne que pourra !)

*Economiste

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