Tribune libre. « Nous ne devons pas avoir peur de plus d’autonomie »

PAR ARY CHALUS

« Rien ne sera décidé sans le peuple guadeloupéen ». Avant la réunion de la Commission ad-hoc du lundi 13 janvier, sous la présidence du président du Département, Guy Losbar, le président du conseil régional, Ary Chalus, a adressé aux médias une tribune pour clarifier sa vision sur l’évolution institutionnelle de l’archipel.

Cette tribune détaille « un engagement constant et une démarche transparente pour bâtir une Guadeloupe durable et prospère. »

« Les travaux sur le cadre institutionnel ne se sont jamais arrêtés durant ma présidence », affirme le président Chalus.

Depuis 2003, dit-il, il défend la nécessité d’une évolution statutaire pour doter la région d’outils efficaces en matière fiscale, de création de ressources et d’un cadre juridique et réglementaire spécifique.

Ce débat, ancré dans l’histoire de la Guadeloupe depuis la loi du 19 mars 1946, oscille entre autonomie (avec spécialité législative) et assimilation (identité législative).

Ary Chalus, dans sa tribune, rappelle que sa majorité a appelé dès 2015 à « changer d’avenir » et à définir un nouveau cadre pour l’épanouissement des Guadeloupéens, une impulsion poursuivie en 2021 en invitant à repenser le territoire sur les plans institutionnel et économique, tout en priorisant la gestion des défis actuels tels que l’eau, les déchets, la transition écologique et les mobilités.

L’exécutif régional explique que, dès septembre 2024, un avant-projet de loi organique a été mis à disposition de la commission ad hoc, permettant aux membres d’amender et de compléter les propositions. Ce travail est désormais mis à disposition de la commission ad hoc qui se réunit ce lundi 13 janvier sous la présidence du président du Département, Guy Losbar.

Le président Chalus réaffirme enfin « son engagement à ne rien décider sans le peuple guadeloupéen et rappelle aussi que
le travail de fond, notamment mais pas exclusivement sur l’avant-projet de loi organique, reste d’actualité. L’ensemble de ces réflexions sont accessibles et à la disposition de tous, dans le cadre des travaux de la commission
ad-hoc. »

« Tout pour l’amélioration du quotidien
des Guadeloupéens »

En 2003 déjà je défendais la nécessité d’une évolution institutionnelle pour notre archipel; je reste convaincu de l’impératif d’une évolution statutaire pour permettre à notre région de développer des mesures fiscales efficaces, d’encourager la création de nouvelles ressources et de disposer d’un cadre juridique et réglementaire spécifique.

Ce débat, ancien, remontant à l’adoption de la loi du 19 mars 1946 sur la départementalisation, met en balance l’autonomie (avec spécialité législative) et l’assimilation (identité législative) et anime encore aujourd’hui la vie politique locale et nationale.

En 2015, notre majorité appelait la population à « changez d’avenir », à fixer un nouveau cadre pour l’épanouissement des Guadeloupéens.

En 2021, nous avons poursuivi cette impulsion, invitant à repenser le territoire sur le plan institutionnel et économique mais en restant attachés à surmonter sans délai les défis actuels et à résister aux crises qui traversent le monde.

La gestion de l’eau, des déchets, de la transition écologique et de nos mobilités sont et restent nos priorités pour construire sereinement la Guadeloupe.

Il était important de rappeler que ma volonté pour construire une Guadeloupe durable et prospère ne date pas d’hier.

C’est l’essence même de mon engagement politique ; j’ai toujours cherché à défendre les intérêts de la Guadeloupe, que ce soit à Baie-Mahault, à l’Assemblée nationale, et maintenant à la Région ou à chacune de mes interventions auprès des ministères et des instances européennes.

Mon action politique reste fidèle à l’adage « les Guadeloupéens sont les meilleurs experts de leurs affaires ».

En guise d’exemple, la Région a su se mobiliser aux côtés des Guadeloupéens, lors des catastrophes naturelles, de la pandémie COVID ou sur la vie chère, dépassant souvent le cadre institutionnel actuel qui ne convient plus !

Reprenons aussi le sujet de l’octroi de mer qui est très parlant.

De manière factuelle et concrète nous disposons déjà d’un levier fiscal, qui permet aux communes de bénéficier des fruits de l’activité économique guadeloupéenne pour soutenir l’investissement et agir au plus près des Guadeloupéens.

Par conséquent nous ne devons pas avoir peur de plus d’autonomie.

La transparence est une valeur fondamentale dans ma démarche.

Pour le congrès, j’ai toujours conditionné mon vote à l’obligation de consulter la population et d’avancer en toute transparence.
Il est crucial que chaque décision soit prise avec le consentement et la compréhension de nos concitoyens.

Pour réussir, nous devons éviter toute opacité et garantir que les Guadeloupéens soient pleinement informés et impliqués dans le processus décisionnel. C’est dans cet esprit que j’ai insisté pour que chaque étape soit clairement communiquée et que chaque voix soit entendue.

Cela permet non seulement de renforcer la légitimité de nos actions, mais également d’assurer une adhésion collective aux transformations envisagées.

Contrairement à ce qui est affirmé ici ou là, le pouvoir normatif, tel que validé par les résolutions votées lors des congrès successifs, signifient qu’on quitterait l’identité législative (article actuel 73) pour la spécialité législative.

Par conséquent nous devrions envisager l’article 74 de la Constitution ; il est essentiel de poser cette réalité clairement et sans complexe !

Cet article 74, permettrait à la Guadeloupe d’acquérir un statut adapté à ses spécificités et besoins, avec la capacité de légiférer dans certains domaines. Toutefois, il est impératif que cette transition soit expliquée de manière transparente et détaillée à nos concitoyens.

Nous ne pouvons pas nous contenter de demi-mesures ni de discours ambigus : il faut un engagement clair et précis pour que la population comprenne les enjeux et participe activement au processus.

Cela demande de la pédagogie et c’est normal ; nos instruments sont en place pour apporter nos propositions à la commission ad hoc.

D’ailleurs dès septembre 2024 nous avons fait circuler une proposition d’avant-projet de loi organique (voir le document plus bas) qui permet aux membres de la commission ad-hoc d’amender, de compléter ou de censurer les propositions !

Cet avant-projet de loi, encore incomplet, reprend strictement les résolutions adoptées lors du congrès du 14 juin 2024 et se concentre sur quelques points qui me semblaient essentiels.

Élargir le pouvoir de citoyenneté

La Guadeloupe réfléchit aujourd’hui à définir sa place, aussi bien au sein de la République Française que dans le monde !

Nous avons aussi à répondre aux aspirations des Guadeloupéens et de leurs enfants, présents partout dans le monde, qui expriment un fort désir d’appartenance à notre archipel.

Cette réflexion se pose particulièrement dans le cadre d’une diplomatie d’influence, comme l’ont montrés très récemment les visites et les propositions de l’ambassadeur d’Inde en France.

Il s’agit in fine de doter les Guadeloupéens d’un pouvoir de reconnaissance de leur identité et d’ouvrir un moyen de conserver un lien citoyen et des facilités de participation à la vie culturelle et économique du territoire.

Nous avons à définir un moyen robuste et fiable de rassembler la diaspora guadeloupéenne autour de notre destin commun.

Une définition de la citoyenneté guadeloupéenne pourrait-être proposée en se basant, par exemple, sur les principes retenus dans la définition des Centres d’Intérêts Matériels et Moraux et qui reprennent des critères basés sur le droit du sang, le droit du sol ainsi que d’une forme de « naturalisation » par un accès lié au mariage et à la durée de résidence, etc.

Ce niveau de citoyenneté est à ne pas confondre avec la nationalité ni même avec celle d’électeur et s’inscrit d’ailleurs dans le cadre législatif français qui comporte déjà trois niveaux de citoyenneté : européenne, française et “locale”.

On peut en ce sens citer les exemples polynésiens ou calédoniens, ainsi que les revendications d’autres régions françaises se calquant sur les régimes pratiqués et autorisés par le droit européen dans d’autres États.

Quelles pourraient-être les nouvelles institutions ?

Deux organes clés chargés de la production, de l’application de la loi et de la gestion des affaires courantes : une Assemblée Territoriale chargée du pouvoir législatif ainsi qu’un Conseil Exécutif pourraient être institués.

En tant que collectivité d’outre-mer relevant de l’article 74, la nouvelle collectivité de la Guadeloupe sera chargée de produire la loi et les règlements dans ses domaines de compétence, mais également de gestion des affaires courantes et de répartition des financements (comme le font aujourd’hui les assemblées plénières et les commissions permanentes du Département et de la Région).

Le « Conseil Exécutif de la Guadeloupe » aura à déterminer et à conduire la politique de l’archipel dans le champ des compétences de la collectivité telles qu’elles seront définies par le présent texte, il sera l’organe exécutif et aura la charge de la gestion des affaires courantes.

Une volonté de moderniser l’action publique et la prise de décision
par l’introduction d’une démocratie active

A coté des deux conseils consultatifs déjà existants, il pourrait être envisagé de mettre en place une Convention Citoyenne de la Guadeloupe, instance de citoyens guadeloupéens, pourquoi pas tirés au sort selon des critères visant à permettre à un échantillon représentatif de la population guadeloupéenne de s’exprimer sur les sujets de notre société guadeloupéenne.

Cette initiative s’accompagne de l’institution de moyens de démocratie « active” tels que des possibilités de moyens de pétition pour saisir les responsables politiques, de référendums locaux ainsi que de consultations locales.

Il s’agit de donner aux Guadeloupéens les moyens de participer à la construction des règles qui régissent notre vie commune, des instruments et une conception de la vie politique que ne permettent que trop peu nos institutions actuelles.

Un nouveau mode de scrutin pour préserver l’unité de la Guadeloupe
et la représentation de l’ensemble de son territoire

Le mode de scrutin proposé se base à la fois sur le modèle des élections régionales des régions métropolitaines, ainsi que sur l’exemple des élections de l’Assemblée de Polynésie Française.

Il est proposé une élection au scrutin de liste à deux tours avec l’archipel de la Guadeloupe constitué désormais d’une circonscription unique comportant (au moins) deux sections; il s’agit de garantir la prise en compte démocratique de nos Iles du Sud.

Rien ne sera décidé sans le peuple guadeloupéen !

Voter des résolutions sans proposer un texte clair à la population serait contre-productif.

Durant les six mois de présidence de la Région au congrès, notre équipe a travaillé sur un avant-projet de loi et préféré concentrer nos efforts sur ce travail de fond plutôt que de multiplier des annonces publiques sans substance.

Une actualité riche en crises et instabilité peut avoir retardé certains livrables, mais nous les mettrons à disposition de la commission ad hoc, présidée par le président du Conseil départemental à partir de ce mois de janvier, avec l’ensemble des conclusions de nos travaux.

Le contexte national, marqué par l’instabilité gouvernementale nous invite aussi à la prudence ; il faut éviter de rajouter du bruit au bruit !

Avec qui allez-vous discuter si vous avez un Premier ministre et un gouvernement qui changent tous les 3 mois ?

Notre urgence c’est de tout mettre en œuvre pour réussir nos politiques publiques essentielles pour nos concitoyens avec les leviers et compétences que nous avons déjà à notre disposition !

Je le répète; la gestion de l’eau, des déchets, des transports nécessite notre pleine et immédiate mobilisation. La collectivité régionale maintiendra son action forte sur le développement économique et nous serons présents à tous les rendez-vous !

Cela n’est pas incompatible, les travaux sur le cadre institutionnel ne se sont jamais arrêtés, bien au contraire ; nous avons cette impérieuse nécessité de travailler sur un projet de texte clair et précis car il faudra le soumettre à l’avis de la population, c’est ma condition !

J’invite donc tous les Guadeloupéens à participer activement à ce processus, à s’informer et à exprimer leurs opinions. J’appelle aussi l’ensemble des forces politiques à se saisir de ce dossier, avec détermination pour construire un projet robuste qui garantisse l’adhésion des Guadeloupéens.

Ary CHALUS
Président de la Région Guadeloupe
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