Tribune libre. La situation devient alarmante pour les communes des Outre-mer

PAR ANDRÉ ATALLAH*

Budget 2025 : les intercommunalités et les communes paient le prix fort des transferts de charges non compensés de l’Etat.           

La loi de finances pour 2025 vient d’être adoptée. Derrière les annonces techniques et les ajustements financiers qui y figurent, se cache une réalité plus profonde et alarmante : les communes, et particulièrement celles des Outre-mer, se voient imposer de nouvelles charges par l’État, sans compensation réelle.

Il ne s’agit pas seulement de revalorisations ponctuelles ou d’adaptations à des réformes nationales, mais bien d’un transfert de charges structurelles qui menace directement l’équilibre budgétaire de nos collectivités locales.                                  

En prenant l’exemple de la ville de Basse-Terre, mais aussi en comparant avec d’autres communes de même strate ou régions similaires,  une mécanique budgétaire étouffante s’accèlère et cette dernière appelle à une réflexion nationale sur la pérennité du Bloc de proximité EPCI/ Communes.

  • Des charges imposées sans compensation : une spirale infernale pour les communes

Pour 2025, la contribution globale demandée aux collectivités territoriales est estimée à plus de 5,2 milliards d’euros, dont 1,8 milliard pour les communes et 1,2 milliard pour les intercommunalités. Cette augmentation brutale des charges est amplifiée par plusieurs dispositifs qui s’ajoutent aux difficultés préexistantes.

Ainsi, l’augmentation des cotisations patronales à la CNRACL (Caisse Nationale de Retraites des Agents des Collectivités Locales) représente à elle seule un surcoût de 1,5 milliard d’euros dès 2025 pour les employeurs territoriaux, et jusqu’à 5 milliards d’ici 2028. Pour Basse-Terre, ce sont près de 200 000 € dès 2025, montant qui grimpera à 800 000 € en 2028. Or, ces augmentations ne font l’objet d’aucune compensation, notamment via la Dotation Globale de Fonctionnement (DGF), pourtant gelée depuis des années.

A ces surcoûts s’ajoutent les nouvelles obligations liées à la protection sociale complémentaire (prévoyance et santé), pour un montant supplémentaire de 20 000 € en 2025 et de 48 000 € dès 2026 pour la ville de Basse-Terre. Aucune dotation supplémentaire n’est prévue pour en assurer le financement.

Dans le même temps, pour la ville de Basse-Terre, les revalorisations du point d’indice des fonctionnaires territoriaux ont déjà coûté 232 000 € à la ville en 2022-2023, et 119 000 € supplémentaires en 2024, accentuant la pression sur la masse salariale. Aucune des communes ultramarines ou de strate similaire (moins de 20 000 habitants, situation sociale fragile) ne dispose de marges de manœuvre pour absorber de telles hausses.

Enfin, la contribution au FIPHFP (Fonds pour l’insertion des personnes handicapées) est passée pour la ville de Basse-Terre de 34 560 € en 2024 à 50 490 € prévus en 2025, sans accompagnement pour soutenir une politique volontariste d’inclusion.

  • Une pression d’autant plus lourde pour les territoires d’Outre-mer : le cas de Basse-Terre

Les spécificités des Outre-mer rendent ces hausses encore plus insupportables. A Basse-Terre, comme dans d’autres communes de Guadeloupe, de Martinique ou de Guyane, le taux de chômage est bien supérieur à celui de l’Hexagone (souvent plus de 20 %). Le taux de pauvreté y dépasse les 30 %, avec un potentiel fiscal très faible. Les collectivités doivent déjà compenser un sous-financement chronique de la solidarité sociale par des politiques publiques locales.

Comparées à des communes de même strate en France hexagonale, les communes ultramarines doivent assumer davantage de dépenses sociales, tout en ayant moins de recettes fiscales propres. Ce double effet ciseau aggrave l’effet des transferts de charges. Quand une ville moyenne en Hexagone peut compenser partiellement ces hausses par la fiscalité locale, une commune comme Basse-Terre, avec un taux de contribuables imposables faible, ne le peut pas.

  • Quelles perspectives pour la gestion des communes ?

Face à cette spirale, la question posée est celle de la pérennité du modèle communal. Comment garantir un service public de qualité, maintenir la solidarité, assurer les fonctions essentielles (scolaire, social, voirie) quand les charges augmentent et que les ressources stagnent ?

Il est urgent que l’État revoie sa stratégie. Les collectivités ne peuvent être les variables d’ajustement des politiques publiques nationales, sans concertation et sans compensation. Il devient nécessaire de mettre en place un mécanisme de compensation automatique des charges nouvelles imposées, notamment en intégrant la situation particulière des territoires ultramarins.

Au-delà, la question de la gouvernance financière locale se pose : faut-il repenser le modèle de dotations pour qu’il reflète mieux la réalité des charges supportées ? Faut-il envisager des mécanismes correcteurs renforcés pour les territoires en grande difficulté sociale et économique ?

Les maires, notamment dans les territoires d’Outre-mer, ne peuvent plus être les garants d’une solidarité nationale qu’on leur impose sans leur en donner les moyens. Une réflexion locale et nationale s’impose d’urgence pour redonner aux communes la capacité d’agir, au service des citoyens. Plus que jamais, dans un esprit de responsabilité partagée, un nécessaire réexamen du contrat financier Etat-EPCI-Communes pour l’outre-mer s’impose.

*Maire de Basse-Terre

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