Tribune. Féminicide : la colère des associations

Après le meurtre d’une jeune femme par son compagnon, à Capesterre Belle-Eau, plusieurs associations féministes de Guadeloupe et de Martinique expriment leur colère.

« Mardi 28 mai 2024, une femme, une fille, une soeur, une mère, un(e) être humain(e), a été assassiné.e par son compagnon à Capesterre-Belle-Eau. Elle a été tuée parce qu’elle est une femme et qu’elle avait décidé de lui échapper, après de multiples violences. Ce crime, lié au sexe, s’appelle un féminicide. Les violences conjugales ne sont pas des différends ; ce sont des atteintes à la dignité, à la sécurité, à l’intégrité et à la vie des femmes.

Être une femme en 2024, expose encore au risque de mourir parce que des hommes considèrent la femme (et son corps) comme leur propriété, leur objet, leur territoire qu’ils peuvent posséder, marquer, ravager, sacrifier, sur lequel ils ont un droit de vie ou de mort car on leur a appris que c’était possible de le faire : c’est un crime possessionnel, permis par le système patriarcal.

Les femmes sont toujours culpabilisées

Le féminicide est le moyen le plus efficace du patriarcat pour maintenir le contrôle des femmes en les terrorisant et les sanctionnant quand elles veulent s’y soustraire. C’est un système de domination, d’écrasement et de destruction des femmes jusqu’à la mort.

Parce qu’en 2024, les femmes sont toujours culpabilisées : quand elles se battent, quand elles se taisent, quand elles s’habillent, quand elles cuisinent, quand elles ont une vie sexuelle libre, quand elles avortent, quand elles enfantent, quand elles s’engagent, quand elles s’amusent, quand elles travaillent, quand elles luttent ensemble… elles sont culpabilisées. Comme toujours, les discours communs blâment les victimes et construisent l’impunité des vrais coupables.

Le féminicide, un fléau de société

Mais, cette violence systémique, dite « continuum féminicidaire » (expression de Christelle Taraud), n’est pas un fait divers, mais un mal généré par la société. Les féminicides sont le maillon final d’un ensemble de normes inégalitaires dont les femmes pâtissent depuis leur enfance jusqu’à leur mort, dans tous les domaines de l’existence et qui sont tolérées par la société, et même, par les institutions : considérée comme forcément coupable, une femme est tuable !

En Guadeloupe, 1 femme sur 5 est victime de violences dans sa vie conjugale, 1 sur 4 chez les 20-29 ans, et 1 sur 3 est victime de violences psychologiques. Aussi fortes soient-elles, selon des stéréotypes anciens, les Guadeloupéennes sont des cibles nombreuses de ces violences masculines. La solidarité entre femmes doit l’emporter face à cette situation qui nous fragilise.

Dans l’Hexagone et sur l’ensemble des territoires français, chaque année, peu ou prou, 120 femmes sont assassinées. Le terrorisme conjugal, crime de masse, s’avère être une guerre contre les femmes par son ampleur. Car ce sont bien les hommes qui tuent, c’est donc un problème d’hommes, de conception de la masculinité et d’éducation au respect du corps et de la dignité des femmes. Que veut dire ici, comme chaque fois, le silence des hommes et celui de la société ?

Le féminisme n’a jamais tué, le patriarcat et le machisme, si !

Ce combat n’est donc pas seulement celui des femmes et des féministes, quel que soit leur bord. Il doit être désormais le combat des hommes : Vous, Frères humains, vous devez garantir la vie des femmes, prévenir et éradiquer la violence qui permet cette transgression car la violence conjugale est exercée en quasi-totalité par des hommes. Vous devez changer vos mentalités de façon profonde et dans toutes les dimensions de la société pour éradiquer ce fléau !

Aujourd’hui, comme hier, nous, Féministes, sommes en colère car ce crime aurait certainement pu être évité, la police étant déjà intervenue plusieurs fois au domicile du couple pour des violences conjugales.

Or, on sait qu’il n’y a pas de petites violences et qu’il y a au contraire une accumulation de violences qui doivent alerter :

  • les violences verbales (humiliations, moqueries et injures),
  • les violences physiques (les coups, le refus de soin),
  • les violences psychologiques (chantage, contrôle du téléphone et des sorties, éloignement du cercle de connaissances, harcèlement, menaces de mort, d’enfermement, phrases toxiques, insidieuses et répétitives…),
  • les violences économiques (contrôle des ressources et des dépenses),
  • les violences administratives (contrôle et mainmise sur les papiers d’identité),
  • les violences sexuelles (rapports sexuels imposés, filmés et diffusés, viol conjugal).
  • Depuis quelques années, la justice dispose de plusieurs outils pour éloigner le conjoint violent : bracelet anti-rapprochement, téléphone « grand danger », ordonnance de protection…

Outils et effectifs insuffisants

Bracelet anti-rapprochement.

Mais, la Guadeloupe est largement sous-dotée, les associations d’aide aux femmes victimes de violences manquent de professionnel.les, de psychologues, d’hébergements sécurisés faute de financement et de pérennisation des budgets alloués. Côté police ou gendarmerie, les brigades spécialisées sont insuffisantes et les effectifs d’intervenants sociaux ont fondu, si bien que les femmes victimes peinent à trouver quelqu’un vers qui se tourner.

Pour que cesse cette macabre arithmétique, une action publique forte, continue et globale, doit donc être menée dans l’éducation des garçons et des filles, dans l’espace numérique devenu un défouloir de violences masculinistes, dans l’accueil et l’accompagnement des victimes par les forces de police et de gendarmerie et dans l’exercice de la justice.

Nous sommes de celles qui disent NON à l’ombre, précisément parce que les violences sexistes et sexuelles ne sont pas une fatalité. Cette construction patriarcale doit être déconstruite : s’y attaquer est un objectif réaliste et concret dans lequel nous sommes, chaque jour, impliquées, dans la solidarité et la sororité, en conscience et en vigilance, en soutien direct et personnel aux victimes, même si nous ne postons pas notre indignation sur les réseaux sociaux. »

Les associations signataires : Koumbit Fanm Karayib, Culture égalité, Solidarité Femmes Guadeloupe, F.O.R.C.E.S., #Nous toutes Guadeloupe

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