Courte escale pour le thonier à voiles Biche, immatriculé à Groix, en Bretagne. Construit en 1934 aux Sables d’Olonne sur le chantier Aimé Chauffeteau, c’est le dernier de tous ceux qui naviguaient avant la Seconde Guerre mondiale qui part, 87 ans plus tard en mer, pour de longues courses.
« Il pourrissait quand l’association Les amis de Biche a décidé de le reprendre, de le restaurer. L’idée était qu’il puisse repartir en mer. Aujourd’hui, il traverse l’Atlantique sans problème. » Celui qui raconte est Jean Ménard, un capitaine breton de 26 ans. Avec deux marins il est parti de Groix, il y a 45 jours, avec une escale de deux semaines aux Açores. Pour toucher la Martinique puis la Guadeloupe.
Le navire, un dundee de Bretagne Sud (c’est une fabrication spécifique), est pimpant, étirant ses 21,10 mètres (32 mètres de long hors-tout), amarré à l’un des quais de la marina de Bas-du-Fort, à Pointe-à-Pitre dans une fin de journée entre coucher de soleil et nuit étoilée.
Quand Jean Ménard en parle, on sent toute la passion qui l’anime. Ce navire, il le connaît depuis ses 18 ans. Il a navigué dessus mousse, puis pilotin, puis un jour, le bateau lui a été confié.
Quatre couchettes, qu’on appelle bannettes, dans un poste; à l’arrière, une cale à poissons reconvertie en carré avec, de part et d’autre, des couchettes et une cuisine complète. A l’avant, ce qui était le coin du mousse abrite encore d’autres couchettes (8), mais surtout le matériel de rechange en cas de panne : voiles, accastillage, divers.
« Sauvé en 2002 d’une vasière où il était en train de mourir, Biche, qui était en train de partir en pourriture, a été restauré de 2009 à 2012 par l’équipe de Paul Bonnel, patron du prestigieux chantier du Guip de l’Ile aux Moines, sur le port de Lorient. Les morceaux pourris ont été changés, tout a été refait à l’identique. C’est un bateau tout neuf que vous voyez là ! », explique Jean avec un petit sourire.
La forme du bateau, caractéristique, les matériaux utilisés, les grosses poutres donnent pourtant bien le sentiment qu’on est revenu au temps de la marine à voile, il y a 70 ans.
Le navire est mu par une voilure impressionnante de 380 m2, du foc à la trinquette… en passant par la grand-voile (avec le gréément, cinq voiles, le tout pèse environ une tonne). Deux moteurs Perkins 92cv suppléent le manque de vent.
« Le navire est un thonier, un dundee, qui partait pour la pêche durant deux semaines, du Golfe de Gascogne aux côtes d’Irlande. Il y avait 5 ou 6 marins à bord dont un mousse de 12-13 ans, qui était chargé de la cuisine. Pour la pêche, il y avait deux tangons portant 16 lignes de pêche. » Jean exhibe un énorme hameçon, frappé sur un fil d’acier, pour la pêche au thon.
L’équipage — et les passagers qu’il transporte pour des parties de loisir soit pour de courtes sorties en mer soit pour la traversée de l’Atlantique ou d’autres courses intermédiaires — occupe ses journées, outre les manœuvres sur le navire, à la pêche. Le temps de se souvenir que, sur de tels navires, des hommes ont eu des moments de grande joie en remplissant leur cale de poissons, mais aussi des moments d’un terrible désarroi quand, au retour de pêche, à quelques miles nautiques du port, le vent tombait, parfois pendant plusieurs jours, rendant le produit de la pêche impropre à la consommation, bon à rejeter à la baille.
Jean, toujours : « Pour cette traversée, nous avons suivi la route du dundee Saint-Paul. En 1924, il était à la pêche à la langouste au large de la Mauritanie, en Afrique. Comme l’équipage ne prenait pas de prise, il a décidé de partir vers les Antilles. Le navire avait n énorme aquarium à la place de la cale à poissons, un vivier pour conserver les langoustes vivantes et les ramener en Bretagne. »
Pour ce voyage ce sont des passagers payants qui disposaient de longues semaines de loisirs qui ont fait la traversée
Après l’escale à Pointe-à-Pitre, le thonier dundee de Bretagne Sud Biche, qui a fêté ses 87 ans, est reparti vers le large, toutes voiles dehors.
André-Jean VIDAL
Pour en savoir plus : https://www.lebiche.com