L’Observatoire B2V des Mémoires a analysé l’impact de nos souvenirs après un deuil.
Le souvenir d’un être cher, loin d’être une photographie figée, est une construction unique et malléable, façonnée par les expériences, les émotions et les liens que chacun a partagés avec lui. Par exemple, une même journée de vacances en famille peut laisser des traces différentes pour chacun : souvenirs divergents d’une même plage, de rires partagés ou de moments d’émotion, bien que tout le monde ait été au même lieu, au même moment, a fait la même activité. Cette variabilité, bien que surprenante, est le fruit de processus cognitifs naturels.
Chaque mémoire puise dans des indices de lieu, d’émotions de perceptions et construit une version unique du souvenir, consolidée au fil du temps et influencée par la qualité de notre sommeil, par exemple, ou encore de nos échanges avec des proches. Ces éléments jouent un rôle clé dans la stabilité mémorielle.
L’image mentale du disparu
L’image mentale d’un proche disparu reste souvent vive, même des années après son départ car elle est liée aux capacités antérieures d’imagerie mentale. Cependant, elle peut s’altérer sous l’effet de souvenirs récents, comme celui d’un visage marqué par la maladie qui se superposent. Pour beaucoup, conserver une photographie devient un rituel important, permettant de raviver une image choisie et de fixer un souvenir précieux. À travers ces images, la mémoire se réactive, renforce les détails et ranime un lien intime avec le passé.
Les souvenirs heureux
Visiter un lieu de recueillement peut susciter des émotions profondes, mais également un élan vers les souvenirs heureux. Ces moments de partage ravivent des souvenirs spontanés qui, souvent, deviennent de plus en plus positifs avec l’âge. Il n’est pas rare de voir une personne âgée revenir d’une visite au cimetière emplie de récits joyeux qu’elle souhaite transmettre aux jeunes générations.
Cette mémoire positive participe peu à peu à prendre le pas sur la tristesse de la perte.
Les hallucinations du deuil
La perte d’un être cher peut susciter des phénomènes inattendus, le plus souvent dans les jours et les semaines suivant la perte (des visions de la personne, entendre sa voix ou encore, la sensation de sa présence avec l’illusion de toucher…). Il peut s’agir de coïncidences ou synchronicité : messages symboliques, chanson signifiante entendue à la radio, comportement inhabituel d’un animal, etc. Ces expériences, vécues par près de 70 % des endeuillés, notamment après la perte d’un conjoint, ne sont pas pathologiques, mais font partie du processus de deuil. Ce phénomène, bien que peu abordé, est souvent source de réconfort et peut favoriser un processus de détachement progressif. Cependant, si ces manifestations deviennent troublantes ou angoissantes, il est essentiel d’en parler à un professionnel de santé pour qu’il aide à apaiser les pensées sous-jacentes.
L’importance des liens sociaux
« Sept à huit fois sur dix, un événement stressant est souvent « métabolisé » grâce à l’aide des proches et des professionnels, précise le Dr Catherine Thomas-Antérion, neurologue et membre du Conseil Scientifique de l’Observatoire B2V. Le dialogue, le partage des émotions et la consolation jouent un rôle fondamental. Il est essentiel de reconnaître que chacun a le droit de se sentir vulnérable.
Les crises peuvent effectivement déstabiliser et isoler, mais elles peuvent aussi offrir des occasions de rapprochement, de soutien et de transformation personnelle, ouvrant ainsi la voie à des opportunités de guérison que l’on n’aurait pas envisagées auparavant. »
Face au deuil, la présence et le soutien des proches est important. Les échanges, le partage des émotions, les rituels et la consolation sont des éléments nécessaires à la reconstruction personnelle qui suit la disparition du proche et qui permet de se détacher et de continuer le cours de son existence, en convoquant ses souvenirs.