Sonia Taillepierre est la présidente du Comité du Tourisme des Îles de Guadeloupe en un temps où le tourisme connaît des difficultés non négligeables, liées à la pandémie mondiale de la Covid-19. Deux saisons touristiques manquées parce que les liaisons aériennes et l’entrée sur le territoire étaient réglementées.
Pourtant, avec son équipe, Sonia Taillepierre a préparé la réouverture des frontières, tout en encourageant les Guadeloupéens à pratiquer un tourisme domestique à la (re) découverte de leur archipel.
PAR ANDRÉ-JEAN VIDAL
Pour la deuxième année consécutive la saison touristique est brisée par la pandémie mondiale. Comment faire pour que la Guadeloupe conserve néanmoins cette belle image à l’extérieur ?
La situation demeure très compliquée pour le secteur du tourisme qui constitue une des industries les plus impactées par la crise sanitaire. Le repli du volume d’affaires, comme l’a confirmé l’IEDOM récemment, est de 45%. Un rapide coup d’œil sur les chiffres du trafic passagers à Pôle Caraïbes l’illustre davantage : -81% au mois d’avril dernier comparé à la même période avant la survenance de cette crise. Face à cela, il faut néanmoins continuer à entretenir la notoriété des îles de Guadeloupe. Il s’agit de conforter le positionnement de notre destination, afin d’être au rendez-vous de la reprise, lorsqu’elle interviendra. Le travail fourni depuis de nombreuses année et qui a permis de hisser les îles de Guadeloupe dans le top 10 des destinations les plus prisées des Français, justifie que nous maintenions nos efforts. C’est en cela que nous demeurons très présents sur les réseaux sociaux et auprès de nos prescripteurs.
Quelle campagne de promotion peut-on mettre en place quand la destination a été fermée pendant de longs mois ?
Effectivement, entre les confinements successifs dans l’Hexagone et l’obligation de motifs impérieux pour les déplacements entre Paris et la Guadeloupe, nous avons fait face à des contraintes qui ont pesé lourdement sur les flux de voyageurs à destination des iles de Guadeloupe. Et cela nous a obligé à adapter notre stratégie de promotion et de valorisation de la destination Guadeloupe. En témoignent, toutes les campagnes mises en place, avec pour cible la population guadeloupéenne. Nous invitons nos résidents à découvrir ou redécouvrir notre archipel. La campagne 100% digitale du mois de février 2021 avait généré pratiquement 1 million d’impressions, en seulement 10 jours, auprès des Guadeloupéens. Pour surfer sur cette tendance positive et continuer d’encourager le tourisme domestique durant les vacances scolaires, le Comité du Tourisme des Îles de Guadeloupe a orchestré une nouvelle campagne, qui s’est articulé autour d’un mix média, jusqu’à la mi-mai. Un dispositif de communication dédié avec un volet digital ciblant près de 180 000 guadeloupéens à travers les réseaux sociaux (Facebook, Instagram) et en displays (achats de mots-clés sur Google, YouTube, ….), mais aussi un volet off-line en TV et en radio avec la diffusion de spots publicitaires, plusieurs fois par jour, sur les médias locaux qui a permis de toucher plus de 175 000 téléspectateurs et auditeurs guadeloupéens. Les couples, les familles, les séniors et les groupes d’amis sont les principales audiences cibles de cette nouvelle action de communication.
En décembre 2020, alors que le monde du tourisme avait passé une année difficile, la levée du confinement national a permis, en moins d’un mois, l’accueil de près de 40 000 touristes venus de l’Hexagone, des hôtels pleins, des loueurs de voitures comblés. La Guadeloupe a cette capacité à rebondir très vite. N’est-ce pas encourageant pour l’avenir ?
Notre destination des îles de Guadeloupe est très prisée. Avant cette crise, nous étions sur des bases de records historiques de fréquentation. C’est peu dire qu’il en reste forcément quelque chose. Notre objectif est de retrouver très vite nos chiffres de fréquentation, tout en poursuivant l’amélioration de la dépense moyenne par visiteur.
« Aucune autre destination
dans la Caraïbes ne peut revendiquer
une offre aussi diversifiée. »
La Guadeloupe — la Martinique tout autant — n’ont-elles pas eu tort de miser toute leur stratégie touristique sur l’Europe ? On a vu lors du reconfinement national, du 30 octobre au 15 décembre, à l’approche de l’ouverture de la saison touristique, comment on a tué nos destinations…
Le marché Europe représente 70% de nos visiteurs. Il ne saurait donc être négligé. Pour autant, nous ne devons pas tout miser sur cette cible. D’où les efforts déployés sans discontinuer sur le marché nord-américain. Nous avions repris les liaisons aériennes directes avec Jet Blue qui nous aurait assuré un flux important de visiteurs en provenance de New York. Mais malheureusement tout a dû être suspendu par rapport à la Covid 19. Nous ne désespérons pas que les rotations reprennent dès la réouverture des frontières. Il en est de même pour les liaisons en provenance du Canada.
Pourtant, l’avenir, nous pouvons l’envisager avec ambition : l’archipel Guadeloupe est un concentré des pays de l’arc caribéen : plages et montagnes, chaque île est un nouveau monde. N’est-ce pas magique ?
C’est ce qui fait la singularité de notre archipel. Aucune autre destination dans la Caraïbes ne peut revendiquer une offre aussi diversifiée et plurielle d’une île à l’autre. L’approche marketing des îles de Guadeloupe, trouve là tout son sens. Et c’est ce qui séduit nos visiteurs.
Des hôtels modernes, des gîtes structurés… un personnel hôtelier formé et stylé, ne sont-ce pas des atouts dont il faut être fiers ?
La montée en gamme de nos offres d’hébergements touristiques et de la qualité de notre accueil, figurent parmi les principaux facteurs clés de succès de la destination des îles de Guadeloupe. Cela est valable aussi bien dans nos établissements hôteliers, plus encore dans le haut de gamme, mais pas seulement. Nos gîtes sont également de grande qualité avec des professionnels qui maîtrisent leur sujet.
« La compagnie Corsair
a une réelle ambition
pour la desserte de nos régions. »
Air France, Air Caraïbes, Air Antilles Express. Trois compagnies dynamiques, autant d’opportunités de se déployer dans la Caraïbe et jusqu’aux États-Unis pour attirer des touristes en Guadeloupe, non ?
Certainement, mais cela relève de leurs stratégies. Le contexte est certes porteur d’opportunités pour les compagnies, comme on a pu le voir avec la reprise de Corsair par un consortium d’investisseurs majoritairement antillais, avec l’appui de la Région-Guadeloupe. Mais dans ce contexte, il nous incombe de faire les bons choix en termes de rentabilité. Bien évidemment nous étudions toutes les initiatives visant à ouvrir la destination des îles de Guadeloupe sur d’autres marchés, que ce soit en Amérique du Nord ou dans la Caraïbes, sont profitables pour notre archipel.
Corsair justement reste aux Antilles. Corsair basée en Guadeloupe, n’est-ce pas une nouvelle opportunité pour notre destination ?
C’est un choix fort du nouvel actionnariat majoritaire de Corsair qu’il faut apprécier à sa juste valeur. La compagnie Corsair a en outre une réelle ambition pour la desserte de nos régions. Le renouvellement en cours de sa flotte, avec la livraison récente et la mise en service, de son premier A330-neo affecté à notre destination le confirme.
Récemment, dans L’Hebdo Antilles-Guyane, Jean-Pierre Philibert, président de la Fedom, mettait en avant un tourisme patrimonial que la Guadeloupe devrait brandir avec fierté pour attirer des touristes qu’intéressent plus que la plage ou la mer, un mode de vie, des paysages préservés, une culture originale, une histoire riche en gestes héroïques. N’est-ce pas une piste à suivre ?
Pour promouvoir la Guadeloupe, le CTIG a toujours mis l’accent sur la beauté de l’environnement, la diversité culturelle ou encore le patrimoine mémoriel. Sans oublier nos sites remarquables et notre art de vivre. Notre gastronomie si riche est aussi un atout à valoriser. Elle mérite d’être un axe fort d’actions et de communication. Nous travaillons avec le chef primé Jimmy Bibrac sur d’éventuels projets que le CTIG pourrait accompagner.
« Les Îles de Guadeloupe sont un véritable coin de paradis pour les amoureux de la nature. »
« Le touriste de demain sera plus libre et autonome, cherchera à réduire son stress et deviendra entièrement numérique ». Que vous inspire cette description ?
La crise nous impose de nous réinventer. Et cela concerne aussi l’industrie touristique. Nous avons profité de cette crise pour accélérer la transformation numérique du CTIG. Durant les prochains mois, l’écosystème digital touristique du CTIG va connaître une profonde mutation, avec notamment une refonte du site internet. www.lesilesdeguadeloupe.com. Ce nouveau site sera résolument orienté vers une expérience client plus immersive mettant en avant l’intégralité de l’offre touristique de la destination Guadeloupe.
Demain… quel tourisme pour notre archipel ?
Sommes-nous prêts ? Sinon comment se préparer ? Vite !
Notre pari pour l’avenir doit être celui du tourisme durable et responsable. L’archipel guadeloupéen surprend par ses nombreux atouts naturels. Avec 7 zones de réserves naturelles maritimes et terrestres, 1 Parc National, 1 800 espèces de plantes, 277 espèces d’oiseaux, 400 km de plages et 39 km de récifs coralliens, les Îles de Guadeloupe sont un véritable coin de paradis pour les amoureux de la nature, entre mer et montagne. Séjourner dans les îles de Guadeloupe c’est partir à l’assaut des traces de randonnées au cœur du majestueux Parc National en Basse-Terre. C’est aussi l’occasion d’arpenter la surprenante réserve géologique de la Désirade ou d’évoluer le long des falaises du nord de la Grande-Terre. Voilà tout ce que nous devons promouvoir pour ce tourisme durable et responsable.
