Sylvie Mavoungou Bayonne : « La fête de la femme, c’est un leurre »

Directrice déléguée de l’Institut français du Congo à Pointe-Noire, Sylvie Mavoungou Bayonne est Martiniquaise et Congolaise, par son père. Sylvie fait partie de ces femmes fortement engagées dans la promotion des cultures africaines. Nicolas Négoce s’est entretenu avec elle.

Vous avez grandi au Congo, mais gardez-vous des liens avec la Martinique ?

Je suis née à Pointe-Noire, ville côtière et capitale économique de la République du Congo, d’une maman martiniquaise et d’un papa congolais. J’ai grandi avec toutes sortes de musiques y compris celles des Antilles qui ne s’arrêtent pas à la biguine et à la mazurka. Si je devais en choisir une ou deux, ce serait plutôt le « tanbou bèlè », d’Eugène Mona ou le « chouval bwa », de Dédé St-Prix. Je porte en moi toute une histoire. Celle de ceux qui ont été déportés pour être assujettis à l’esclavage et celle de ceux qui sont restés car ils sont l’ancrage. A travers les cultures qui foisonnent aux Antilles et celles qui se maintiennent au « Kongo » où j’habite, j’ai jeté un pont qui nourrit le corps, l’âme et l’esprit.

Quelle est la mission de l’Institut français du Congo à Pointe-Noire que vous dirigez ? 

L’IFC de Pointe-Noire est un établissement du réseau culturel français à l’étranger. Sa vocation pluridisciplinaire en fait un carrefour culturel majeur de la capitale économique du Congo. Il fait partie intégrante, avec l’antenne de Brazzaville, de l’Institut français du Congo.

Parlez-nous de votre expérience en tant que femme dans le milieu culturel et du cinéma.

C’est une expérience chaotique et difficile, car la vision que je porte est influencée par ce que je suis, à savoir un melting-pot de cultures. Or, ce que l’on nous demande, à nous les femmes, d’une manière générale, c’est d’être lisses. Cependant, je brûle d’un feu que la société a souvent voulu éteindre. Cela a plutôt nourri mon inspiration et m’a poussée à surmonter les épreuves. De ces épreuves, sont nées des idées et de ces idées une volonté, celle de faire rayonner ce qui me porte. J’ai ainsi pu expérimenter différents aspects de « mes cultures » en étant Dj sous le nom de Kongokween, réalisatrice (Hexagramme 27, Un train nommé Samba), fondatrice et productrice d’un festival, le Soul Power Kongo, avant de devenir directrice déléguée de l’Institut français du Congo à Pointe-Noire.

« Pour moi, la Journée de la femme, c’est tous les jours, lorsqu’elle se lève pour nourrir sa progéniture. »

Votre plus beau souvenir ?

Lorsque Kassav est venu pour la première fois en concert au Congo. Le groupe avait été invité par mes oncles Roger et Maurice Roc. Il y a eu un concours de chant organisé dans les trois principales villes du Congo pour sélectionner le meilleur chanteur ou la meilleure chanteuse des titres de Kassav en créole. Dans la ville où j’habitais à l’époque, Dolisie, j’ai organisé les pré-sélections et j’ai coaché les candidats pour leur permettre de comprendre et prononcer correctement les mots en créole. Je crois que cette expérience a déterminé ce que je suis aujourd’hui.

Que symbolise le 8 mars pour vous ?

C’est un leurre. Pour moi la Journée de la femme, c’est tous les jours, lorsqu’elle se lève pour nourrir sa progéniture dans tous les sens du terme. Et nous savons tous le prix qu’une femme paie pour y arriver, ce à quoi elle doit faire face dans son quotidien pour rester digne. Cette résilience est à saluer 365 jours par an.

En parlant de résilience, quelles sont les Antillaises qui vous inspirent dans le domaine de la culture ?

La Guadeloupéenne Stevy Mahy a été l’invitée du festival Soul Power Kongo, en 2017.

Stevy Mahy, pour son approche artistique multiforme et inspirée de la culture créole en lien avec l’Afrique : la « fam racin’ ». Je pense à Ayeola Moore également pour ses peintures représentatives des femmes noires, de leur force, de leurs conditions et de leur sexualité : la « fam poto mitan ».

Trois conseils pour toutes celles qui souhaiteraient travailler dans le milieu culturel à l’échelle internationale ?

Croire en soi et en son inspiration. Rester focus et avancer contre vents et marées jusqu’à atteindre son but ; et avec le sourire bien sûr, essayer d’atteindre la perfection dans ce que l’on fait. Les larmes, elles, servent à se laver des embûches pour mieux repartir. J’ai depuis plusieurs années initié une philosophie libre de réflexion, qui s’appelle #Ku lala vé ! Elle se perpétue aux quatre coins de la planète car ceux qui sont passés par Pointe-Noire et qui m’ont côtoyée la véhiculent ailleurs.

Propos recueillis par Nicolas Négoce

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