Roberto Moretti est directeur de l’Observatoire Volcanologique de la Guadeloupe. C’est un spécialiste renommé. Mercredi 14 avril, il a été invité par Josette Borel-Lincertin à dire ce qu’il se passe à la Soufrière de Saint Vincent, d’évaluer les risques pour la Guadeloupe qui possède aussi sa Soufrière.
D’emblée il a placé le décor : « Il y a 19 volcans actifs dans la Caraïbe, principalement en Dominique. Chez nous, il y a la Soufrière, en Martinique la Pelée. »
Quels risques présentent ces volcans actifs ? « Les risques ? indépendamment du phénomène, il y a les populations. La Basse-Terre est la zone la plus dangereuse parce que très peuplée », a-t-il lâché dans un grand silence des élus.
A Saint Vincent le risque
humain était minime
« A Saint Vincent, a-t-il expliqué, le risque humain était minime puisque le volcan a annoncé l’éruption. Parce qu’il y a eu le dôme apparu en décembre 2020. Ce qui a permis aux spécialistes de surveiller l’évolution du phénomène jusqu’à la phase explosive. »
« Il n’y avait plus d’élément de surprise, poursuivait-il. Le magma arrivait déjà à la surface. Il n’y avait plus d’incertitude. Il y aurait sûrement une éruption si le dôme continuait à croitre. Il fallait donc suivre l’évolution du dôme et son changement. Jusqu’à l’escalade et l’éruption. »
A quoi faut-il s’attendre ?
« Le magma ici est explosif, a-t-il longuement expliqué, avec photos à l’appui. Il y a beaucoup de gaz. Il n’y a pas de coulée de lave, mais une grosse projection de gaz qui transporte des éléments solides. Une explosion verticale, jusqu’à 20 kilomètres en hauteur, puis un panache vertical qui collapse, qui redescend puisque trop lourd. C’est ce qui produit des nuées ardentes, comme on les a vues. Il y a encore des gaz et une coulée pyroclastique. Un autre problème, celui des cendres, avec au fil des jours, une épaisseur qui peut peser sur les toits des maisons, les rendant fragiles. La cendre, épaisse, s’étend sur le paysage, détruisant les cultures, recouvrant les rivières, les polluant. Les cendres impactent la potabilité de l’eau. Il y a aussi des effets dans l’air… »
« Si ces cendres venaient vers la Guadeloupe les impacts seraient moindres. Il y a plusieurs modèles : si le vent souffle vers la Guadeloupe, il y aura des retombées, notamment pour la circulation aérienne. Les modélisations les plus récentes, celles de Météo-France, officielles, montent que le panache des cendres va vers l’est, impactant la Barbade. »
Un petit courant de vent, nous laisse-on entendre, dit qu’il y a eu quelques particules amenées sur la Martinique par un peu de vent. »
« Quand il y a des nuées ardentes pyroclastiques, on peut dire qu’il y aura encore des effets pendant plusieurs jours. » Roberto Moretti explique avec des gestes amples qui dessinent un canon de fusil. Il veut dire que la nuée ardente retombe, s’engouffre dans les zones basses, parcourt les ravines, les fonds de rivières pour se jeter à la mer, modifier le trait de côte.
La Soufrière de Guadeloupe
évolue lentement en attendant
que ça s’accélère
« Pour la Soufrière de Guadeloupe, elle évolue lentement, dans un cadre d’alerte jaune. Ce qui ne veut pas dire… Toutes les évolutions sont lentes. A Saint Vincent, l’évolution a été lente… et puis soudaine. Les conditions peuvent changer rapidement, mais il y a une série de choses qui doivent se passer. C’est une chaîne : il y a des choses successives qui se passent. Lentement. Mais, dans la chaîne des choses qui vont se produire un jour, peut-être qu’aucun de nous ne le verra, il y aura une explosion, de type 1976, comme à la Soufrière de Guadeloupe, ou magmatique, comme à Montserrat ou Saint Vincent. Mais, on n’est pas encore au point de bifurcation pour savoir ce qui va se passer. L’Important, c’est de reconnaître ce qui risque de se passer, au bon moment. »
« Concernant Saint Vincent, on ne peut pas savoir ce qui va se passer. Tout est lié à la quantité de magma », a conclu Roberto Moretti.