Très actif sur le site internet covidurgenceoutremer.com, le professeur Serge Romana demande à la population d’Outre-Mer de « faire confiance aux soignants qui sont des héros ».
Pourquoi avez-vous lancé le site covidurgenceoutremer.com ?
C’est d’abord une réaction de cœur par rapport à la catastrophe sanitaire. Ensuite, il y a eu l’appel des services de réanimation de Guadeloupe et de Martinique qui avaient besoin d’aide. C’est terrible. Puis, il y a eu les images de « déboulé » en Guadeloupe. On savait à ce moment-là que la situation était grave et qu’elle allait s’aggraver. Il y a des paroles qui sont criminels chez nous. Je suis en guerre contre cela. Nous avons lancé un appel à la vaccination qui a été signé au départ par 37 personnalités et aujourd’hui nous sommes 850 signataires.
Nous menons des actions d’informations que nous diffusons sur le site internet covidurgenceoutremer.com. Un site très riche où nous répondons à toutes les questions. Nous organisons des webinaires avec des villes de Martinique, de Guadeloupe. On ne va pas transformer la population en médecins, ni en scientifiques. Il faut rétablir l’autorité scientifique pour redonner confiance. Lorsqu’il n’a pas de confiance en crise épidémique comme celle que nous traversons entre la population et ses médecins, c’est une catastrophe.
Quelle est l’efficacité réelle de l’injection contre la Covid-19 ?
Un exemple. Si on prend 100 personnes malades de la Covid. Le vaccin va en protéger 95 et 5 seront malades. Avec le variant Delta qui est beaucoup plus fort, on va protéger 88 % des malades de la forme grave. Ces personnes n’iront pas à l’hôpital, ni en réanimation.
En Martinique, on observe une épidémie de non vaccinés. Les chiffres du mois d’août montrent qu’il n’y a pas de vaccinés hospitalisés, ni en réanimation, ni qui sont décédés. En Guadeloupe, il y en a quelques-uns. Mais, ils présentent des comorbidités très importantes. Donc, le vaccin est efficace. Pour stopper la pandémie, la solution, c’est la vaccination. L’ARN messager reste difficile à comprendre. Il est très difficile de se rendre compte qu’on est dans une révolution.
La violence de cette crise laisse aussi des traces au sein de la population antillaise…
Les gens pensent qu’on est des vendus. Moi, c’est quelque chose qui m’a beaucoup touché. Certains, parce qu’ils s’opposent au gouvernement, disent qu’il existe des médicaments contre la Covid et que, volontairement, on n’a pas voulu soigner les Guadeloupéens et les Martiniquais. Il n’y a pas de traitements. Les études scientifiques, lorsqu’elles sont bien faites, ne démontrent pas les avantages de l’azithromycine ou de la chloroquine. Ce sont les mêmes protocoles qui sont appliqués dans l’Hexagone, parce qu’il n’y a pas de traitement pour l’instant. J’espère qu’il y en aura bientôt. Pour éviter la maladie, la seule prévention, c’est la vaccination. Pour l’immense majorité des maladies infectieuses depuis trois siècles, c’est comme cela. C’est un acquis.
Très honnêtement, je suis très peiné de ce qui se passe. Je ne comprends pas qu’on puisse exploiter un drame où les gens meurent. Il va être très difficile de se relever de cette situation. Les traumatismes qui existent chez les familles, dans nos peuples, on va les mesurer bientôt. Il est terrible de perdre des gens, plusieurs personnes d’une même famille qui décèdent. Surtout, on risque une cinquième vague. Je ne vois pas comment ces deux territoires pourront se relever psychologiquement. Après une telle catastrophe, après avoir été submergés par la quatrième vague. Je suis très inquiet pour nos pays, pour nos peuples.
Je soutiens les personnels soignants. En Guadeloupe et en Martinique, ils sont des héros. Ils sont là et ils tiennent la baraque face à cette catastrophe, avec les médecins généralistes qui assistent les gens chez eux, les spécialistes en ville qui donnent les premiers soins. On est médecin, on est formé pour sauver des vies.
Propos recueillis par Alfred Jocksan