La mission sénatoriale conduite par Philippe Bas et Victorin Lurel dresse le constat d’une insécurité « alarmante et multiforme » dans la quasi-totalité des départements et régions d’Outre-mer (Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Martinique et Mayotte).
Depuis 2016, en moyenne annuelle, les crimes et délits progressent :
- homicides : +5% par an,
- coups et blessures volontaires : +6% par an,
- violences intrafamiliales et violences sexuelles : +14% par an,
À cela s’ajoutent, le narcotrafic (50% de la cocaïne saisie en France l’est dans les Antilles-Guyane), l’immigration parfois massive (la moitié de la population à Mayotte, un tiers en Guyane), les frontières perméables, les ingérences diverses…
« Le niveau de la violence ne cesse de croître »
Pire, selon les rapporteurs du Sénat, « cette dégradation s’accélère pour certains crimes et délits. En 2023, par rapport à 2022, +14% d’homicides, + 37% d’usages de stupéfiants… ».
Les collectivités d’Outre-mer (Nouvelle Calédonie, Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis et Futuna) ne sont pas épargnées, bien au contraire. En 2023, en Polynésie française : coups et blessures volontaires +16%, violences intrafamiliales +11%, usage de stupéfiants +4,5%…
Le niveau de la violence ne cesse de croître : en zone gendarmerie, les outre-mer pour 4% de la population française représentent 25% des atteintes aux personnes, 30% des homicides, 50% des vols à main armée et 50% des agressions contre les gendarmes…
La multiplication des crises Outre-mer ‑ Mayotte, Nouvelle-Calédonie, Martinique ‑ nourrit le sentiment d’un État incapable d’inverser la dégradation, même lorsqu’il engage des moyens importants.
Les sénateurs formulent 38 recommandations
Affaibli sur ses missions fondamentales – sécurité, justice, protection des frontières ‑, l’État doit faire face à une crise de confiance inédite en Outre-mer.
Pour contribuer à y remédier, le rapport formule 38 recommandations dans un contexte budgétaire contraint : densifier l’implantation territoriale des forces de sécurité, démultiplier la lutte contre les violences intrafamiliales, accélérer l’exécution du « Plan 15 000 » dans les prisons, adapter le code de procédure pénale, rehausser l’encadrement judiciaire avec plus d’enquêteurs et de magistrats spécialistes de la criminalité organisée, renforcer une police scientifique et technique de proximité, réussir le « rideau de fer » à Mayotte pour opposer des obstacles enfin efficaces à une immigration massive, consolider la centralité du préfet pour l’exercice des pouvoirs régaliens, y compris dans l’ordre diplomatique et pour la protection des frontières terrestres et maritimes…
Sur les conditions d’acquisition de la nationalité française pour les enfants nés à Mayotte de parents étrangers, une étude d’impact sérieuse de la réforme adoptée en 2018 permettrait de justifier un réexamen de la durée exigée de résidence régulière et ininterrompue des deux parents avant la naissance.
Un nécessaire changement de stratégie
En outre, pour obtenir des résultats pérennes face à des menaces de plus en plus exogènes, l’État doit réaffirmer sa souveraineté et user pleinement de ses prérogatives. Ce changement de stratégie passe par :
– la priorité à la coopération régionale policière et judiciaire et à une diplomatie française des Outre-mer ;
– un durcissement de l’emploi des forces, notamment contre l’orpaillage illégal en Guyane ;
– la restauration de la crédibilité de toutes les frontières maritimes et terrestres, notamment avec un plan de modernisation à 5 ans et la création d’une force aux frontières, grâce à une coordination étroite de l’ensemble des forces de sécurité (gendarmerie, police, armée, douane) opérant sur chaque territoire.