Santé. « Il faut faire de la prévention des facteurs cardiovasculaires »

Yann Ancedis est cardiologue en Guadeloupe.

Yann Ancedy est spécialiste du cœur et des vaisseaux. Il parle du cœur des femmes.

C’est une future maman, 22 ans, en surpoids, certes, mais ses formes lui vont bien. C’est ce que disent sa famille et ses amies. C’est une jeune mère, son bébé se porte bien. Si elle pouvait perdre ces 30 kilos pris pendant sa grossesse ! C’est une femme mûre, active, ménopausée, qui doit gérer la maladie de son époux, ses responsabilités de chef d’entreprise, le passage d’une brigade de contrôle du fisc… Que de stress.Ces trois femmes sont des potentielles candidates à un infrarctus.

. Y a-t-il des pathologies cardiaques propres aux femmes ?

Oui, bien sûr. Il y a une physiologie que les hommes n’ont pas, c’est la grossesse. Dans ce cadre, il y a des pathologies cardiaques comme les cardiopathies du péricartum. Les patientes peuvent faire de l’hypertension grave alors qu’elles ne souffraient pas d’hypertension auparavant. Ceci est un risque d’accident cardiovasculaire. Il y a aussi les personnes souffrant de diabète, le diabète gestationnel qui est lié à la grossesse. Les patientes n’avaient pas de diabète et la grossesse le déclenche. En retour de cette grossesse, il y a, chez nous, parce que nous sommes afro-caribéens, des cardiopathies postpartum, qui se manifestent par des insuffisances cardiaques ou une altération de la contractivité du cœur, qui surviennent après la délivrance. Tout ceci, comme vous le constatez, est propre à la femme.

Il y a aussi les problèmes hormonaux qui font que les femmes, qui ont des œstrogènes, au cours de la ménopause, peuvent avoir des pathologies qui surviennent de manière élective car elles ont des bouleversements hormonaux, qu’on doit supplanter par des apports hormonaux. Ces personnes ont des infarctus plus fréquemment.

Enfin, il y a la cardiopathie de stress, qui se manifeste chez les femmes plus âgées, autour de la soixantaine, et qui donne l’impression d’un infarctus. Quand on fait une coronarographie, qu’on observe les artères du cœur, on a des coronaires normaux mais une vraie dysfonction du ventricule gauche, avec un aspect échographique qui est très évocateur : il y a eu stress, physique, émotionnel, même une très grande joie.

. Ainsi, il n’y a pas de tranches d’âge plus touchées que d’autres ?

Tout à fait. Nous avons vu des femmes enceintes, puis délivrées, des femmes ménopausées victimes d’une baisse d’hormones, les femmes stressées. Après 75 ans, la tendance est inversée… En fait, et il faut le souligner, dans les statistiques, les femmes sont sous-représentées, ce que les études récentes tâchent de corriger. C’est très important de savoir comment se déclenche la pathologie. Chez les femmes stressées, il y a de l’essoufflement, des nausées, choses spécifiques à la femme et qu’il faut déceler rapidement pour aller aux urgences. Comment traiter les femmes, qui n’ont pas la même physionomie, les mêmes poids que les hommes, alors que les médicaments sont les mêmes ? La pharmacologie ne sera pas la même que pour les hommes. Question de corpulence. Il nous faudrait plus de données statistiques.

. Qu’est-ce qui favorise ces pathologies ?

Surtout les hormones. Mais il y a aussi des dissections coronaires, une rupture des artères du cœur, une rupture entre deux feuillets des artères coronaires. Ça arrive de manière spontanée.

. Comment les éviter ?

Il faut faire de la prévention des facteurs cardiovasculaires : infarctus, athérosclérose, etc. Il s’agit d’éviter le tabac, ne pas manger gras ni trop salé, contrôler pour vérifier qu’il n’y a pas de diabète, ni d’hypertension, ni de cholestérol, s’assurer de la bonne prise du traitement du patient, s’il y en a un, tout ceci étant commun qu’on soit un homme, une femme, un enfant. L’objectif est le même et la prévention sera la même.

. Y a-t-il des régimes ou des actions pour contrer ces pathologies ?

Dans tous les cas, il faut une activité physique, lutter contre l’obésité, qui est assez prévalente en Guadeloupe. Il faut suivre un régime diététique, ce qui n’est pas toujours évident chez nous… Et puis, pas de tabac !

André-Jean VIDAL
aj.vidal@aj-vidalkaribinfo-com

Pour en savoir plus : hebdoantillesguyane.com

LES FEMMES ENCEINTES PERSONNES À RISQUES

Sait-on que, lors d’une grossesse, il existe cent fois plus de risque de mortalité maternelle quand la femme est porteuse d’une maladie cardiovasculaire ?

Fort heureusement, 70% des décès maternels sont évitables.
Ainsi, quand on est essoufflée pendant sa grossesse, si on a de l’hypertension, un surpoids ou un diabète et plus de 35 ans, il faut consulter pour le cœur, explique le Docteur Yann Ancedy, cardiologue en Guadeloupe. Il évoque aussi des facteurs de risque spécifiques liés à la vie génitale (ovaires polykystiques, endométriose, prise de pilule contraceptive sur de longues années. Les traitements contre le cancer du sein de même peuvent abîmer le muscle cardiaque, mais aussi les insuffisances ovariennes avant 40 ans (par exemple liées aux FIV) ou encore l’arrivée des règles avant l’âge de 11 ans et après 15 ans.

Comment se protéger au quotidien ?
En arrêtant de fumer, puis en bougeant. Le sport lutte contre l’inflammation et fait circuler le sang. Chaque jour, il faut effectuer 30 minutes d’activité physique peu intense, comme de la marche ou du vélo. En sus, en semaine ou le week-end, on peut effectuer deux séances d’activité physique plus intense, de 30 à 45 minutes. Ce faisant, on diminue le taux de cancer, on lutte contre le stress, on prévient l’obésité… Ceci réduit considérablement l’ensemble des facteurs de risques cardiovasculaires.
Il faut bien retenir que ne pas bouger tous les jours, préférer prendre sa voiture pour aller à la boulangerie qui est à 800 mètres de sa maison, prendre l’ascenseur pour grimper trois étages plutôt que l’escalier, revient à se négliger. C’est comme ne pas prendre de douche chaque jour.

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