SAINT-MARTIN Un plaidoyer du président Daniel Gibbs

Le président Daniel Gibbs donne le ton : s’il reconnaît que l’Etat vient au secours des entreprises locales, il n’admet plus que l’on infantilise les Saint-Martinois. Photo DR

Dans les semaines qui viennent et alors que certains perdent leur sang-froid, il faudra rester soudés, prudents et vigilants.

Ces efforts sont contraignants, mais essentiels : n’oublions pas qu’ils nous ont permis, de concert avec une structure démographique favorable, d’éviter un nouveau confinement, désormais subi par la France métropolitaine et par la Martinique.

Car, disons-le clairement : une nouvelle « mise sous cloche » de notre territoire aurait été suicidaire pour notre économie et notre cohésion sociale. L’économie saint-martinoise, qui vit essentiellement du tourisme, est en effet exsangue.

Nous avons subi, à contre temps du reste de la France, une « deuxième vague » de coronavirus durant les grandes vacances. Cela n’a pas manqué d’entraver la reprise économique, notamment dans le secteur de l’hôtellerie-restauration.

Et, compte tenu de l’instauration de ce que l’on pourrait malheureusement appeler un « confinement sans fin », le tarissement des flux touristiques en provenance de la France va encore porter un mauvais coup à notre économie. Et cela va s’amplifier lors de la période des Fêtes de fin d’année.

Dès lors, et cela m’inquiète beaucoup, le chômage poursuit d’ores et déjà sa hausse. En comptabilisant l’ensemble des demandeurs d’emploi, on recense, au 30 Septembre 2020, 5 390 chômeurs à Saint-Martin. Face à cette situation alarmante, nous bénéficions certes des dispositifs dits de solidarité nationale. Et l’on ne peut que s’en féliciter.

Par exemple, le recours à l’activité partielle, pour un montant de 16 millions d’euros décaissés à ce jour, a permis d’éviter une augmentation encore plus dramatique du chômage. Je suis le premier à le reconnaître, et à remercier l’Etat pour son engagement. Mais, d’autres dispositifs, d’autres aides, sont, pour leur part, notoirement sous-utilisés.

Pour autant, ces nécessaires aides publiques n’ont pas vocation à être l’horizon indépassable de nos socio-professionnels ! Car, les Saint-Martinois veulent, avant tout, travailler et entreprendre. Et ce, sans attendre la fin de cette interminable et détestable épidémie.

Or, force est de constater que l’irruption de la « deuxième vague » en Europe, et le retour de mesures restrictives sévères -et au demeurant de plus en plus contestées, vont retarder la reprise économique. En ce qui nous concerne, même si le tourisme d’origine européenne ne constitue pas notre principale clientèle, cette trajectoire funeste va aussi compromettre la tentative de saison touristique à venir.

« Il est de notre devoir, élus de Saint-Martin, d’alerter et de proposer ! »

Le 24 septembre dernier, nous avons, Ici même, approuvé à l’unanimité, le vœu du Conseil exécutif « portant sur la situation sanitaire actuelle et sur les perspectives d’ouverture du Territoire aux visites d’agrément et d’affaires ».Il ne s’agissait pas, comme j’ai pu le lire ici ou là, d’une démarche inutile et cosmétique. Nous avons utilisé les outils de la loi organique statutaire à notre disposition, en l’occurrence l’art. L.O 6353-6 du CGCT, pour prendre date et proposer des voies et moyens qui nous permettront de surmonter cette nouvelle épreuve. Hélas !

Le Gouvernement, une fois encore, n’a pas daigné apporter de réponses aux élus de Saint-Martin : nous n’avons reçu, au pire, qu’une sèche fin de non-recevoir, et au mieux, qu’un silence poli.

Le vœu comportait quatre demandes distinctes. Passons-les en revue, rapidement. La première demande est un renforcement des moyens, matériels et humains, de notre Centre hospitalier. Sur ce point, nous n’avons reçu, de la part du ministère des Outre-mer, qu’une réponse évasive, évoquant certes des efforts, mais sans données chiffrées et sans perspectives. Il faudra bien, pourtant, renforcer significativement les dispositifs de tests. Tester massivement, et rapidement, est la clé du succès, et j’ai lu il y a quelques jours qu’un pays comme la Slovaquie avait testé près des 2/3 de sa population (soit 3,6 millions de personnes)… en un week-end, en faisant appel à l’Armée. Est-ce hors de portée d’un pays comme la France ?

Ensuite, nous avons affirmé le refus de nouvelles mesures restrictives pour le secteur de la restauration, et pour le transport aérien régional : certes, comparés aux autres composantes du territoire français, nous échappons au désastre du confinement, avec « seulement » un couvre-feu fixé à minuit… Mais, et je voudrais insister sur ce point, l’Etat a imposé de sévères restrictions de déplacement entre Saint-Martin et la Guadeloupe. Après l’épisode de réouverture de la frontière, je les avais même qualifiées de mesures de rétorsion.

C’est plus que jamais vrai, et le retour des « motifs impérieux » pour voyager entre les deux îles anéantit tout espoir de flux touristique régional, avec les conséquences que vous pouvez imaginer sur nos petits commerces… Pire, on impose désormais au Saint-Martinois souhaitant se déplacer en Guadeloupe, la production d’un test de moins de 48 heures (contre moins de 72 heures pour les voyageurs allant dans le sens Métropole – Outre-mer). Pas de réciprocité de traitement… Saint-Martin serait-elle donc LA terre, source de tous les dangers ?..

« Les déclarations de la Directrice de l’ARS, infantilisantes, stigmatisantes et infondées, m’ont profondément choqué. »

Cette mesure, une fois encore, relève de la stigmatisation de Saint-Martin et des Saint-Martinois, et les déclarations cette semaine encore de la Directrice de l’ARS, infantilisantes, stigmatisantes et infondées, m’ont profondément choqué.

La tenue d’un Q4 sanitaire : il est, plus que jamais, nécessaire de nous concerter avec nos voisins de Sint-Maarten, avec la mise en place de protocoles sanitaires communs et une mutualisation des moyens locaux et étatiques. C’est un point important, sur lequel je reviendrai le 11 Novembre prochain, à l’occasion de la Fête de Saint-Martin. Hélas ! Je dois dire qu’un Q4 est bel et bien envisagé courant décembre ; mais il ne traitera pas des questions sanitaires…

Enfin, L’ouverture du territoire saint-martinois à tous les touristes, notamment américains, à partir du 1 er novembre (nous sommes aujourd’hui le 6 novembre) : c’est un point crucial… sur lequel nous n’avons aucune réponse de la part de l’Etat, local ou national, qui reste sur des postures. Pourtant, il convient de préciser qu’à ce jour, aucun texte n’interdit la venue, à Saint-Martin, de touristes américains puisque nous ne faisons pas partie, à l’instar de toutes les collectivités d’outre-mer au demeurant ! – de l’Espace Schengen.

Il semble qu’un principe de précaution, sans fondement juridique, soit donc appliqué par les autorités étatiques. Seulement, les hébergeurs, tour-opérateurs, partenaires et autorités étrangères ont besoin d’une réponse claire pour faire vivre notre destination.

Le principe de précaution qui s’applique aujourd’hui et consiste à sous-entendre une interdiction, sans fondement je le répète, de l’accueil de notre principale clientèle nord-américaine sur le territoire de la partie française, a de graves conséquences : l’impossibilité pour les hôteliers de projeter une date d’ouverture de leur établissement.

En l’absence d’une position claire de l’Etat, Saint-Martin déplore donc aujourd’hui la non-réouverture de certains grands établissements, mettant ainsi à mal près de 500 emplois supplémentaires et impactant fortement l’activité des restaurants, commerces et sociétés de services.

Une situation des plus ubuesques, subie par nos professionnels et incomprise par nos concitoyens : les touristes américains débarquant à Juliana peuvent en effet, sans encombre, entrer sur notre territoire, déjeuner dans nos restaurants, fréquenter nos rues et nos plages, en l’absence de contrôle… mais l’Etat refuserait donc aux seuls hébergeurs de Saint-Martin, de les accueillir… Non, ils ne peuvent pas dormir dans nos hôtels !…. Ce principe de précaution a et aura des conséquences en chaîne sur la sécurité, sur la situation sociale et économique de Saint-Martin.

« Dans les Outre-mer en général, et à Saint-Martin en particulier, il ne saurait y avoir de « punition collective. »

C’est ainsi que, dans un esprit de responsabilité, nous avons fait des propositions de mesures sanitaires partagées avec Sint-Maarten et Saint-Barth à l’ARS. La Collectivité a même proposé son aide à l’ARS par la mise à disposition de personnels pour assurer le suivi des touristes étrangers séjournant sur le territoire. C’est dans ce même esprit de responsabilité que nous travaillons, avec nos voisins de Saint-Barth que nous avons rencontrés il y a 15 jours. S’ils connaissent la même problématique, eux bénéficient d’une bienveillance à laquelle Saint-Martin n’a pas droit. Conscients de cette différence de traitement, ils nous soutiennent officiellement dans cette démarche. Ces échanges ont par ailleurs donné lieu à une saisine conjointe du Président de la République il y a 15 jours…demeurée sans réponse.

Je voudrais donc terminer en insistant sur un point politiquement et socialement vital : il ne saurait y avoir de contraintes sans espoir. Le Gouvernement nous dit : « ne donnons pas de faux espoirs » ! Certes !…

Mais il y a peut-être pire que les faux espoirs : distiller, voire infliger, de faux désespoirs peut être extrêmement dangereux et destructeur !.. Sans espoir, sans perspectives, l’acceptabilité sociale de restrictions imposées autoritairement va considérablement diminuer, semaine après semaine… jusqu’à l’effondrement de l’économie et de la société.

Je le redis : des mesures « top-down » trop restrictives sous surveillance policière, et une communication tantôt défaillante, tantôt délibérément anxiogène et culpabilisatrice, ne permettront certainement pas d’atteindre notre objectif partagé, de relance économique dans la sécurité sanitaire. Je veux vraiment insister là-dessus : dans les Outre-mer en général et à Saint-Martin en particulier, il ne saurait y avoir de « punition collective ».

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