RSA en Martinique : baisse du nombre de bénéficiaires et échec des politiques d’accompagnement

Un peu plus de dix ans après la généralisation du revenu de solidarité active sur le territoire métropolitain en 2009 et ultramarin en 2011, la Cour des comptes et dix chambres régionales des comptes, dont celle de la Martinique, ont décidé d’évaluer ses résultats. Ces travaux ont été conduits à partir d’une grille d’analyse commune.

Le RSA constitue le principal instrument de lutte contre la pauvreté. La dépense annuelle, de 15 Md€, bénéficie à 4 millions de personnes.

En Martinique, le revenu de solidarité active concerne 64 300 bénéficiaires, soit 18 % de la population (354 224 habitants en 2020), pour une dépense annuelle de 214 M€.

Le dispositif permet d’éviter
la grande pauvreté

L’évaluation des juridictions financières montre que l’efficacité de l’instruction et de la liquidation des droits permet d’atteindre les personnes visées. Le dispositif permet d’éviter la grande pauvreté, mais contribue faiblement au retour à l’emploi des bénéficiaires concernés.

 Leur accompagnement n’est pas ou peu déployé. Il n’est pas toujours efficace et s’avère de plus en plus faible voire inexistant au fur et à mesure de l’inscription dans le temps du bénéficiaire du RSA dans le dispositif.

Sur de nombreux points, l’évaluation de cette politique publique pilotée par la Collectivité territoriale de Martinique(CTM) donne lieu à des constats similaires à ceux observés dans les autres territoires.

Ils sont cependant souvent plus accentués et quelques différences significatives méritent d’être relevées.

La crise sanitaire n’a pas produit d’effets significatifs sur le nombre d’allocataires

Le contexte socio-économique et démographique de la Martinique est, en grande partie, à l’origine de ces particularités. Peuvent être citées, notamment, les caractéristiques démographiques (population vieillissante, en baisse et peu diplômée), sociales (taux de pauvreté apparent – 28,6% – du double de la moyenne nationale – 14,9%-), et économiques (étroitesse du marché de l’emploi confronté à une inadéquation entre l’offre et la demande, taux de chômage 1,8 fois plus élevé qu’en moyenne nationale).

La hausse tendancielle du nombre des bénéficiaires au niveau national n’est pas constatée en Martinique. Le nombre d’allocataires est en effet en 2019 équivalent à celui de 2011, et le nombre de bénéficiaires en recul de 7 %. Selon les données disponibles, la crise sanitaire n’a pas produit d’effets significatifs sur le nombre d’allocataires.

Le reste à charge pour la CTM est plus de quatre fois inférieur à la moyenne nationale

D’un point de vue financier, les modalités de financement du dispositif ne permettent pas de couvrir la totalité des dépenses d’allocations du RSA. Toutefois, le reste à charge pour la CTM (41 € par allocataire et par an) est plus de quatre fois inférieur à la moyenne nationale. Par ailleurs, les dépenses des mesures d’accompagnement des bénéficiaires du RSA mises en œuvre par la collectivité sont en très forte baisse. Elles représentent 4,8 M€, soit près de deux fois moins que celles engagées par Pôle Emploi et parmi les plus faibles de l’échantillon.

Méthodologie

Le rapport des juridictions financières a pour objectif de répondre aux quatre « questions évaluatives » suivantes :

  • Le RSA touche-t-il les personnes qu’il vise ?
  • Dans quelle mesure le RSA permet-il de sortir de la pauvreté ?
  • Dans quelle mesure le RSA facilite-t-il l’accès à l’emploi ?
  • Dans quelle mesure l’accompagnement est-il réel et efficace ?

    Pour la Martinique, la réponse à ces quatre questions s’inscrit dans les constats nationaux avec les particularités suivantes : s’agissant de la première, il ressort que le RSA en Martinique touche les personnes qu’il vise, en raison notamment de l’efficacité de l’instruction et de la liquidation des droits. Il existe toutefois un risque de non recours non mesuré, accentué par les spécificités socio-économiques.

    A l’inverse, le poids de l’économie informelle, l’insuffisance des mesures d’accompagnement, plus particulièrement au niveau de la contractualisation, et la quasi- absence de sanctions en cas de non mises en œuvre des obligations contractualisées, par exemple, accentuent le risque de fraude.

    S’agissant de la deuxième question, l’évaluation menée en Martinique n’a pas permis d’y répondre catégoriquement. Si comme le souligne la synthèse nationale, le dispositif permet d’éviter la grande pauvreté, les indicateurs martiniquais laissent envisager un accroissement du taux de pauvreté monétaire, qu’il convient cependant de relativiser au regard du poids de l’économie informelle (entre 20 à 25 %) et de l’économie de subsistance, plus développée qu’en moyenne au niveau national.

    Quant à la troisième question, sur l’incidence du RSA dans l’accès à l’emploi, les résultats tendent à montrer que le dispositif n’est pas transitoire pour une majorité d’allocataires. L’étroitesse du marché de l’emploi et l’inefficacité des politiques publiques connexes participent à l’échec du retour à l’emploi.

    Il est toutefois nécessaire de souligner l’insuffisance des données statistiques sur les motifs de sortie du dispositif.

    Enfin, pour ce qui concerne la réalité et l’efficacité de l’accompagnement, l’évaluation en Martinique conduit à observer que l’accompagnement est lacunaire, il n’est en outre pas efficace ; plus le bénéficiaire est ancien dans le dispositif, moins il bénéficie d’un suivi personnalisé en vue de son retour vers l’emploi.

    Les résultats de l’enquête sont disponibles sur le site de la Cour des comptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-revenu-de-solidarite-active-rsa
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