« Le CA 2019 a été arrêté par les services avec un déficit propre l’exercice de 3 214 927 €. La prise en compte des excédents des exercices antérieurs d’un montant de 5 862 175 € a permis de transformer ce déficit en excédent de 2 647 248 €.
L’examen des restes à réaliser au 31 décembre 2019 a permis de relever plusieurs catégories d’insincérités tant en investissement qu’en fonctionnement. »
Telle est l’introduction d’un audit réalisé par un ancien magistrat de la Chambre régionale des Comptes pour la commune de Capesterre Belle-Eau. Demandé par la nouvelle équipe, comme c’est de règle dans toute collectivité qui change de majorité.
Cet audit est un document édifiant qui met au jour, si l’on suit ses conclusions, quelques pratiques étonnantes de l’ancienne municipalité. Sans préjuger des suites (judiciaires ou pas) qui seront données aux conclusions de cet audit, force est de constater que les demandes d’aides et de subventions faites par la municipalité avant le mois de juin 2020 aboutissaient à des versements de sommes conséquentes… alors que les travaux qu’elles auraient dû couvrir n’ont jamais, ou que partiellement, été réalisés.
Des recettes caduques
pourtant inscrites
28 mars 2012, le Conseil général alloue 67 500 euros pour une opération Gymnase Gérard Marianne. Les travaux n’ont pas été réalisés, aucune demande de prolongation du délai pour les réaliser. La recette est caduque.
Idem, le 18 janvier 2012, 75 000 euros alloués pour l’aménagement de Roseau. Pas de demande de délai d’exécution, recette caduque.
Le 2 décembre 2010, une opération maison de quarier de l’Habituée a bénéficié de 35 000 euros d’une réserve parlementaire. La subvention est caduque mais la municipalité a demandé, quatre ans après que la date limite pour toucher cette subvention soit passée, qu’on lui verse la somme.
Idem, quand le Conseil général alloue 130 000 euros pour aménager la plage de Roseau, aucune demande n’est faite pour prolonger le délai d’exécution. La recette est caduque.
Pourtant, toutes ces recettes sont inscrites comme réelles sur le compte administratif 2019.
Des travaux
jamais exécutés
Des subventions ont été perçues ou enregistrées sans inscription ou inscription partielle en dépenses pour un montant global de 1 890 943 euros.
Une annexe à marquisat, pour laquelle le département a accordé une subvention de 500 000 euros. La somme a été versée, les travaux jamais exécutés. Il faut rembourser 500 000 euros !
Construction de la maison de quartier Anita Turlet pour un montant de 317 113 euros : des acomptes ont été versés… par,la commune. La SEM Patriloniale s’est engagée pour 553 407 euros. Des restes à réaliser… et non des recettes d’investisseent.
La construction d’une médiathèque » pour un montant de 472 083 € pose le même problème : l’Etat a donné une subvention de 515 205 euros, la commune a mandaté 43 121 euros. Jamais construite cette médiathèque, les sommes allouées doivent être en reste à réaliser et non en dépenses d’investissements pour améliorer artificiellement le résultat global des recettes.
Des sommes
mandatées
sans suite réelle
Les exemples donnés dans l’audit sont nombreux : l’échouage des sargasses, le réfection de la piste d’athlétisme, la réhabilitation des cimetières, la rénovation des halles. Chaque fois, l’Etat, le Département, versent des sommes ou à tout le moins les mandatent pour des travaux jamais réalisés.
Pour des opérations confiées à la SEMSAMAR pour un montant global de 2 918 834 euros, contrairement aux règles de la comptabilité publique la commune n’enregistre pas la totalité des engagements effectués par son mandataire. La commune enregistre uniquement les factures qui lui sont adressées par la SEM. Il convient en conséquence de porter en restes à réaliser la totalité des engagements au 31 décembre 2019 figurant sur le compte rendu annuel de la SEM diminués des paiements et des montants figurants en restes à réaliser.
Des dépenses
non comptabilisées
Bétons et enrobés, aménagement de l’avenue Paul-Lacavé, aménagement du front de mer, opération square Christophe Colomb, RHI, les millions sonnent comme des coups de glas.
Des dépenses de fonctionnement n’ont pas été comptabilisées pour un montant estimé à 3 210 501 euros. Il s’agit des charges de personnels sous-estimées (1 647 706 euros), des factures d’eau non mandatées, mais la dette à l’égard de la CASBT est bien réelle : 1 250 000 euros. Plus 314 000 euros dus au SIAEAG, plus d’autres sommes dues pour des cotisations aux syndicats…
Des insincérités…
En tout, le magistrat qui a rédigé l’audit estime à 5 878 404 euros le déficit du compte administratif 2019, « après la prise en compte des insincérités. »
Conclusion sans appel du mêmemagistrat : Le déficit global 2019 révisé soit 5 878 404 € représente près de 19,56 % du montant des recettes réelles de fonctionnement soit 30 047 937€.
Il convient de rappeler qu’à partir de 10% pour les communes de moins de 20 000 habitants la chambre régionale est saisie par le préfet et la procédure de redressement est mise en œuvre et la dette fournisseur est de l’ordre de 2 millions.
Des emprunts
remboursables
jusqu’en 2039
A noter enfin que la trésorerie de la commune a été alimentée, d’une part, par un emprunt de 5 000 000 €, il a été recensé 24 emprunts arrivant à échéance jusqu’à 2039, d’autre part, par des subventions perçues sans réalisation des travaux.
Parallèlement la commune a annulé 4 270 352 € de crédit en dépenses d’investissement en 2018 date de la réalisation de l’emprunt. Cette simple opération a permis d’améliorer sensiblement le résultat global. L’inscription des recettes sans les dépenses est un moyen souvent relevé dans les comptabilités des collectivités locales pour dégager des résultats excédentaires (insincères). »
Sans appel.
« Des subventions indument détournées à d’autres fins »
C’est par une lettre ouverte à la population que Jean-Philippe Courtois, maire de Capesterre Belle-Eau, a réagi aux conclusions de cet audit.
« La ville conduira deux audits complémentaires afin de très rapidement redresser les comptes de la commune. Un qui bénéficiera de l’appui de l’AFD qui financera ce nouvel audit et son plan d’actions (rendu public au mois de février) et un autre qui visera à optimiser notre fonctionnement afin d’améliorer notre dette et trésorerie.
Ce n’est pas moins de 24 emprunts que nous avons découverts, endettant la ville jusqu’en 2039. Des dettes fournisseurs de l’ordre de 2 millions d’euros avec des délais de paiement en moyenne dépassant largement le cadre légal. Il nous faudra rembourser 2 millions d’euros de ligne trésorerie avant la fin du mois d’avril 2021. Une somme que la commune ne possède pas en caisse. La situation est telle que chaque mois nous sommes dans l’angoisse de pouvoir honorer le salaire du personnel. En conséquence, nous considérons toutes les options, afin de préserver la souveraineté budgétaire de la ville y compris l’augmentation des impôts.
Comme exposé au conseil municipal du 23 décembre, les recettes propres de la ville représentent 1% du budget. La vérité est que la trésorerie de la commune a été alimentée, d’une part, par un emprunt de 5 000 000 €, la commune a annulé des crédits en dépense d’investissement notamment 2 651 558 € en 2019 et 4 270 352 € en 2018 et, d’autre part, des subventions perçues sans réalisation des travaux et sans inscription en reste à réaliser pour une somme globale de 1 890 943 €.
Sur ce dernier point, j’ai dû rencontrer le secrétaire général SGAR, Monsieur Elbez et Monsieur le Préfet, Alexandre Rochatte, les 9 et 14 décembre afin de négocier le remboursement de subventions indument détournées à d’autres fins. Je tiens également à la disposition des élus du conseil municipal le compte rendu de cette rencontre, et nous publierons l’échéancier de remboursement.
Ainsi, le déficit global révisé 2019 soit 5 878,404 € représente près de 19 % du montant des recettes réelles de fonctionnement d’un montant à 30 047 938 € au 31 décembre 2019. Ce qui entrainera indéniablement une saisine préfectorale sur le prochain budget. »