Ce soir, Ary Chalus et ses colistiers exultent. On a gagné ! Certes, mais c’est surtout la tête de liste qui l’a emportée. La Guadeloupe a voté sur un nom… et une liste dont les électeurs seraient incapables de citer plus de trois noms.
Il y a un mois, quand Ary Chalus s’est retrouvé devant les enquêteurs de la Direction zonale de la police judiciaire, on a vu ses partisans de la première heure, pas des élus, très peu de colistiers assurés ou potentiels, chanter et jouer du ka au pied du Morne Vergain.
C’était des Guadeloupéens « de base » (je n’aime pas l’expression). Un ancien Premier ministre dirait que c’est la Guadeloupe « d’en bas ». Bref, le petit peuple qui va voter. Mais, lui, il va voter !
Ceux qui se sont frottés les mains, se sont déchaînés sur les réseaux sociaux… seront les premiers à se rallier à Ary Chalus, lundi. Ou mardi.
Des bourgeois (voire des bobos) ont joué la carte du nationalisme, tout en espérant que cette audace ne les entraînerait pas trop loin. Mais, jouer les affranchis, c’est toujours bon quand on ne risque rien.
Ce sont les mêmes qui arrivaient habillés en tenue de plage, dans des décapotables, aux parages du défilé du LKP, en 2009, avant de s’éclipser devant la tension qu’ils ressentaient, émanant des dizaines de milliers de manifestants. On ne riait pas là ! C’était trop pour eux.
Manifester sur Facebook, arborer des drapeaux, se rêver en Guevara, proclamer des slogans, c’est une chose, se mouiller une tout autre histoire. Et puis, toutes les listes ont brandi le drapeau… dit des choses… joué au plus Guadeloupéen que moi… fustigé les autorités de l’Etat (c’est facile, celles-ci ont pour consigne de ne pas répondre aux provocations et ceux qui les titillent pour la galerie savent qu’ils peuvent s’égosiller, dire n’importe quoi, ils ne risquent rien).
Revenons à cette victoire. C’est celle d’une Guadeloupe populaire, qui s’intéresse plus aux fins de mois difficiles, aux discours qui leur ressemblent, qu’aux grands débats philosophiques menés, de plus, par des fonctionnaires de l’Etat français qui jouent aux révolutionnaires… sans grands risques. Tout bénèf avant d’aller passer leurs vacances à Paris, Rome ou Florence. Les gens savent voir.
C’est la dichotomie entre les discours progressistes (qu’est-ce que le progressisme auto-proclamé, long débat) et les actes. Nul n’est dupe que les lendemains qui chantent risquent de se transformer en cauchemar pour le plus grand nombre. Et que la vertu d’aujourd’hui risque, dans la réalité des faits, de se transformer en despotisme, avec tout ce que cela peut laisser supposer.
Josette Borel-Lincertin, faute de combattants de haut niveau (il n’y avait d’autre que Victorin Lurel capable de mener la liste, les autres n’ont pas le niveau) a fait de son mieux, compte tenu de son âge (il faut y penser), forte de son bilan pas du tout mauvais au Conseil départemental. Mais, quand la vague est contraire…
Ronald Selbonne et Nou ont tenté le coup. Ils ont fédéré certains nationalistes ou se découvrant tels. Le résultat est intéressant. Presque 10 000 suffrages, presque 10%. Presque.
Max Mathiasin a tout perdu : les régionales, ses espoirs, peut-être même son siège de député l’an prochain. Restera la mairie de Deshaies… à conquérir.
Alain Plaisir a été déçu de son score, très faible, c’est vrai. Ses suffrages potentiels ont été siphonnés par Eric Coriolan. II dit qu’il abandonne et passe la main. Un coup de blues, sans doute.
Eric Coriolan a déçu : tant de débats, tant d’indignation (avec talent), pour si peu de suffrages.
Les autres, c’est anecdotique. Personne ne les voyait aller plus loin que ce qu’ils ont fait. Il n’est même pas sûr qu’ils aient besoin de se présenter une autre fois.
Tous ceux-là ont confondu les élucubrations de pseudo-supporters sur les réseaux sociaux et les véritables électeurs.
Dans sept ans, on reverra peut-être Ronald Selbonne, Eric Coriolan, mais ils auront 65 ans. Tiendront-ils si longtemps ?
Max Mathiasin tentera à nouveau sa chance. A 72 ans, ce sera peut-être un peu juste. Entretemps, il aura tenté sa chance à la mairie de Deshaies.
Vaincue, Josette Borel-Lincertin pourra toujours siéger à la Région, en se souvenant qu’elle a été présidente de la Région et du Département. Il n’y a que Lucette Michaux-Chevry qui a commis cet exploit. Chapeau ! Malheureusement, son échec aux cantonales aux Abymes laissera comme un goût d’inachevé à une carrière politique de 17 ans jusqu’ici brillante.
Ah oui, pourquoi Ary Chalus a-t-il remporté cette élection ? Pour tout ce qui a été dit plus haut.
André-Jean VIDAL