Les deux personnalités missionnées par le chef de l’Etat, Emmanuel Macron, pour faire un audit de la situation dans les régions d’Outre-mer et proposer des solutions, ont rendu leur copie.
Il y a deux ans, après des émeutes fin 2021, une délégation d’élus guadeloupéens s’étaient rendus à Paris pour demander au ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu, une « domiciliation locale du pouvoir. » il leur avait brutalement répondu « autonomie. » Fin du premier épisode.
Le 18 mai 2022, Louis Mussington (Saint-Martin), Serge Letchimy (Martinique), Huguette Bello (Réunion), Ary Chalus (Guadeloupe), Ben Issa Ousseni (Mayotte) et Gabriel Serville (Guyane) signaient l’appel de Fort-de-France.
Que voulaient-ils ? Plus d’autonomie. Deuxième épisode.
Plus tard dans l’année, Emmanuel Macron recevait les élus à l’Elysée au cours d’un dîner. Le chef de l’Etat disait se montrer sensible aux revendications des élus ultramarins. Fin du troisième épisode.
Le jeu va durer une année au cours de laquelle le ministre des Outre-mer, ancien préfet de Guadeloupe, Jean-François Carenco, va travailler avec les élus sur « plus d’autonomie. »
Avant d’être brutalement remercié après le premier Comité interministériel des Outre-mer qui lui avait permis de présenter le projet gouvernemental pour les Outre-mer.
Depuis, la Guadeloupe a connu un ministre des Outre-mer tous les trois mois… et le projet est en plan.
Depuis le Congrès des élus, notamment en Guadeloupe, a avancé sur des propositions fortes pour rendre les relations Etat-collectivités locales plus fluides et donner plus d’autonomie dans certains secteurs aux élus locaux. Propositions pertinentes qui n’ont pas eu, jusqu’à présent, l’oreille de Paris. Ou sans doute une oreille rien moins que distraite.
Cependant, en début d’année 2024, Emmanuel Macron, parce que la situation économique et sociale est de plus en plus tendue, notamment en Martinique et Guadeloupe, a missionné deux personnalités, Pierre Egéa et Frédéric Monlouis-Félicité, pour auditionner des élus, des syndicalistes, des chefs d’entreprises pour analyser ce qui ne va pas.
Le rapport a été remis à Emmanuel Macron le 7 décembre 2024. Il propose une analyse des blocages structurels qui freinent le développement des régions ultramarines et formule des recommandations pour y remédier.
Le constat général est que les économies sont bloquées à un stade postcolonial, ce depuis des décennies. Les territoires ultramarins continuent de dépendre totalement des importations et des transferts financiers de l’Hexagone. Ils continuent de dépendre aussi de transporteurs, importateurs, grossistes, distributeurs… assis parfois depuis un siècle voire plus sur un tas d’or… qui ne cesse de grossir.
Le rapport critique la complexité administrative et la dilution des responsabilités entre l’État et les collectivités locales. Quand on cherche un responsable en cas de catastrophe il n’y a plus personne…
Malgré des efforts par des transferts sociaux importants, les habitants de ces territoires subissent un coût de la vie élevé, puisque tout est importé, des infrastructures insuffisantes puisque les autorités locales sont inertes face à un pouvoir parisien tout puissant et en méconnaissance totale de ces régions, et des taux de chômage, notamment des jeunes, parmi les plus élevés de France.
Le rapport fait des propositions audacieuses.
Il propose de rénover le modèle économique en encourageant des circuits économiques locaux pour réduire la dépendance aux importations. Pour consommer local, des secteurs clés comme l’agriculture, la pêche, et les énergies renouvelables doivent être développés. Ceci alors que, malgré les grands discours des politiques et des ministres, la production alimentaire baisse d’année en année.
Le rapport propose aussi de développer des partenariats régionaux avec les pays voisins pour stimuler les échanges économiques. Proposition qui dénote une méconnaissance certaine des capacités des Etats indépendants voisins de participer à des échanges avec les collectivités françaises : ils sont très dépendants de leur ancienne puissance coloniale pour leurs importations…
Le rapport propose aussi une réorganisation territoriale.
De quoi s’agit-il ? De simplifier les compétences entre l’État et les collectivités locales pour améliorer l’efficacité de l’action publique.
Mais aussi, vieille revendication des élus, réviser le droit applicable pour mieux l’adapter aux spécificités ultramarines (exemple : différenciation législative). C’est le pouvoir normatif que réclament les élus.
La modernisation des infrastructures, des investissements dans les transports, le numérique, et les équipements publics pour combler le retard accumulé, cela semble logique. Le nouveau CHU en Guadeloupe participe de cette politique. Le réseau d’eau, le réseau routier… méritent effectivement d’être rénovés.
Autonomie, le mot est lancé. Il faut, disent les rapporteurs, une autonomie accrue dans certaines décisions en donnant aux territoires davantage de pouvoirs pour mettre en œuvre des politiques qui soient adaptées à leurs réalités.
N’est-ce pas Ary Chalus, président de la Région Guadeloupe qui dit, slogan mille fois répété, « que les Guadeloupéens sont les meilleurs experts de la Guadeloupe » ?
Le rapport, enfin, mais c’est un jeu pratiqué par beaucoup, d’autant qu’on ne risque rien, critique la gestion actuelle des régions ultramarines : l’État est accusé de maintenir une relation paternaliste avec les Outre-mer et les élus locaux sont parfois estimés comme manquant de vision ou s’appuyant sur des logiques clientélistes.
Le rapport insiste sur la nécessité d’un véritable « choc économique et institutionnel. »
Il souligne que, sans une réforme profonde, les territoires ultramarins continueront de faire face à des mouvements sociaux, à un exode de la jeunesse, et à une stagnation économique durable. En attendant l’explosion…
150 pages pour asséner des vérités connues de tout le monde depuis des décennies…
Un rapport qui figurera sans doute en bonne place dans une armoire bien fermée pour les décennies à venir.