Politique. Santé : Dominique Théophile dépose une proposition de loi pour une indemnisation totale des victimes du chlordécone

Vice-président du Sénat et sénateur de la Guadeloupe, Dominique Théophile a pris à cœur le dossier de l’indemnisation des victimes du chlordécone. Il vient de déposer une proposition de loi relative à la reconnaissance de la responsabilité de l’État et à l’indemnisation des victimes du chlordécone auprès de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement du Sénat.

Que veut le sénateur Théophile ? Il présente une argumentation imparable.

Dès le milieu des années 1970, il n’est plus question, aux États-Unis, de produire ou d’utiliser le chlordécone. Les ouvriers de l’usine d’Hopewell ont souffert d’intoxications aiguës à ce pesticide et les eaux polluées de la rivière James suffisent à convaincre les autorités que ce pesticide ne peut être utilisé sans danger.

Pourtant, explique-t-il, il n’en est pas de même en Guadeloupe et en Martinique, où les ouvriers agricoles, non prévenus de la toxicité du produit, répandent le
produit à pleine main sur les plans de bananes, fer de lance de l’économie antillaise.

L’État est donc prévenu – à la fois par le rapport de la commission des toxiques de 1968 et par l’exemple américain – mais décide de laisser faire.

Il est de nouveau alerté en 1977, lors de la parution du rapport rédigé par J. Snegaroff, à la suite d’une mission de l’INRA, qui établit l’existence d’une pollution des sols des bananeraies et des milieux aquatiques environnants par les organochlorés.

De nouveau, en 1980, le rapport Kermarrec souligne la bioaccumulation des substances organochlorées dans l’environnement. Il invite à effectuer des recherches spécifiques sur le chlordécone.

Ainsi, et pendant plus de vingt ans, les sols et les eaux de Guadeloupe et de Martinique sont peu à peu pollués par ce pesticide particulièrement persistant. Quant aux habitants, non prévenus des effets du chlordécone, ils sont peu à peu contaminés.

Qu’a fait l’Etat sensibilisé au problème par les élus, les socioprofessionnels, les associations diverses ?

« Les plans chlordécone se succèdent à partir de la fin des années 2000, pour tenter de diminuer l’exposition de la population générale à ce pesticide, malgré sa persistance dans les terres et les eaux. Une politique de chlordéconémie est peu à peu diffusée, afin que chaque individu connaisse son degré de contamination au pesticide et les risques pour sa santé.

Ces plans ne visent toutefois pas à indemniser les populations contaminées depuis des années.

Il faut ainsi attendre le décret n° 2021-1724 du 20 décembre 2021 révisant et complétant les tableaux de maladies professionnelles pour que le cancer de la prostate soit reconnu comme une maladie professionnelle ouvrant droit à indemnisation chez les travailleurs de la banane exposés au chlordécone.

Ainsi, actuellement, conclut le sénateur Dominique Théophile, seuls les travailleurs de la banane souffrant d’un cancer de la prostate peuvent obtenir une indemnisation auprès du Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides, et cela seulement s’ils remplissent les conditions suivantes : ils doivent avoir travaillé au moins dix ans au contact du chlordécone et justifier du fait que moins de quarante ans se sont écoulés entre leur dernière exposition et le diagnostic de cancer de la prostate.

Une indemnisation est également ouverte pour les enfants qui ont été exposés au chlordécone in utero et qui présentent des pathologies du système nerveux, des leucémies ou des malformations congénitales dues à l’activité professionnelle d’un de leurs parents.

La réparation proposée par le Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides est forfaitaire et non intégrale – étonnant lorsque l’on compare ce régime à celui ouvert pour les victimes des essais nucléaires français, qui peuvent obtenir une réparation intégrale de leurs préjudices auprès du Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN).

Or, comme on l’a vu, les travailleurs et leurs enfants ne sont pas les seuls à avoir été contaminés par ce terrible pesticide. C’est la quasi-totalité de la population antillaise qui a été exposée au chlordécone, à plus ou moins forte dose. »

Il poursuit : « Il convient de répondre au sentiment d’injustice ressenti par la population antillaise, notamment à la suite de l’ordonnance de non-lieu rendue le 2 janvier 2023 dans l’affaire de la pollution au chlordécone portée devant le juge pénal dès 2006 par des associations de victimes, qui cherchaient à engager la responsabilité pénale de l’État, alors même que conformément à l’article 121-2 du code pénal, l’État ne peut voir sa responsabilité pénale mise en cause ni ne peut être traduit devant les juridictions répressives.

Il s’agit également de proposer un régime complet d’indemnisation, en s’appuyant sur les travaux parlementaires déjà réalisés, et notamment sur la proposition de loi tendant à la création d’un fonds d’indemnisation des victimes du chlordécone et du paraquat en Guadeloupe et en Martinique déposée en 2018 sur le bureau de l’Assemblée nationale mais jamais examinée, ainsi que sur la proposition de loi visant à reconnaître la responsabilité de l’État et à indemniser les victimes du chlordécone, adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 1er mars 2024 mais jamais examinée au Sénat. »

Article 1er
L’État reconnaît sa responsabilité dans les préjudices moraux et sanitaires
subis par les populations de Guadeloupe et de Martinique résultant de
l’autorisation de la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques à base
de chlordécone et de leur usage prolongé comme insecticide agricole.
Il indemnise toutes les victimes de cette contamination dans les conditions
fixées par la présente loi, que celle-ci ait eu lieu dans le cadre d’une activité
professionnelle ou non.
L’État met en place une campagne de prévention sur l’ensemble du territoire
national afin de mettre en avant l’existence de la chlordéconémie.
Il renforce également la prévention sanitaire de la population en mettant en
place un dépistage systématique du cancer de la prostate à partir de
quarante-cinq ans pour les populations de Guadeloupe et de Martinique.


Article 2
I. – Toute personne souffrant d’une maladie, inscrite sur une liste fixée par
décret en Conseil d’État conformément aux travaux reconnus par la communauté
scientifique internationale et résultant d’une exposition au chlordécone due aux
autorisations de commercialisation et d’épandage délivrées par la République
française, peut obtenir réparation intégrale de son préjudice dans les conditions
prévues par la présente loi.

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