Politique. On repousse, on repousse !

Le Comité interministériel pour les Outre-mer (CIOM) devait se tenir troisième semaine de juin, puis le 6 juillet… aujourd’hui, il est repoussé sine die.

Le président de la République, Emmanuel Macron, avait promis aux élus des Outre-mer — essentiellement à ceux des Antilles et de la Guyane, de la Réunion et de Mayotte, plus Saint-Martin — de faire droit à leurs revendications contenues dans l’Appel de Fort-de-France.

Ils voulaient plus de compétences. Ils voulaient la domiciliation locales de certaines compétences de l’Etat.

Le président de la République, la Première ministre Elisabeth Borne, le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, le ministre délégué chargé des Outre-mer, Jean-François Carenco, ont reçu les petits rebelles et leur ont dit qu’ils souhaitaient un catalogue des choses qui ne vont pas dans les rapports avec l’Etat et ses représentants locaux et des préconisations pour changer ces rapports et améliorer les choses. Et si, dans ces préconisations, il y a des demandes de transferts de compétences, ce sera discuté aussi.

Disons-le, les élus des Outre-mer ont travaillé d’arrache-pied pour déposer, entre les mains de Jean-François Carenco, relais du gouvernement, des catalogues de préconisations. Et aussi des résolutions.

Que veulent-ils dans ces résolutions ? Un changement de statut. Plus ou moins poussé, basé sur les articles 73 et 74 de la Constitution de la Ve République ou un mixte des deux, voire autre chose. Pour Huguette Bello, de la Réunion, plus de pouvoirs mais on ne change rien. Pour Gabriel Serville, de la Guyane, on passe à un statut spécial, à la carte. Pour Serge Letchimy, de la Martinique, on joue la carte de l’autonomie pure et simple, sans changer les transferts de fonds de l’Europe et de l’Etat. Pour la Guadeloupe c’est plus compliqué. Guy Losbar et les élus du Conseil départemental, jouent le jeu en préconisant des changements concertés avec l’Etat, pour faire avancer le truc, souhaitent une collectivité unique, tandis qu’Ary Chalus, de la Région, suit le mouvement tout en clamant haut et fort qu’il est sceptique et que « si on obtient quatre ou cinq choses, ce sera tout » et que « c’est en Guadeloupe, entre élus, qu’il faut faire avancer les choses… » A suivre.

Les préconisations, c’est plus immédiat. Plusieurs congrès des élus en Guyane, en Martinique, un congrès des élus dense en Guadeloupe, ont permis de rendre à peu près deux mille préconisations intéressantes (153 pour la Guadeloupe), sous forme de cahiers épais. Ça, c’est pour les préconisations. C’est sur ça que doit plancher le CIOM.

Les ministres et le gouvernement ont tout reçu, peuvent lire, commenter, rire, se tordre de rire… Non, ça c’est ce qu’on peut imaginer quand on a une certaine connaissance de la malice de nos gouvernants.

Bref, on peut penser que toute cette énergie, cette créativité, cette intelligence, disons-le, pour passer un nouveau cap dans ces territoires d’Outre-mer, suscitée de bonne foi ou pour jouer le jeu et calmer les esprits, par le président de la République… risque de finir dans des armoires. Ce qui serait un drame dont les conséquences cette fois-ci risquent d’être tragiques.

Car, il y a en plus de ces préconisations, ce qui intéresse les élus, les politologues et autres observateurs — mais pas du tout les citoyens quoiqu’en dise un certain sondage : le changement de statut. Prenons le cas de la Guadeloupe : pas de hauts cris, pas de postures, comme en Guyane et en Martinique, mais du pragmatisme. Guy Losbar était président du Congrès. Avec son équipe ils ont fait du travail efficace. En accord avec les élus, au moment du congrès, ils se sont donné six mois au moins pour rencontrer la populations, se réunir, échanger avec des experts, des professionnels et déterminer comment la Guadeloupe pourrait changer de statut en évitant une crise. De son côté, Ary Chalus a dit qu’il devenait président du congrès le 1er juillet et qu’il pourrait faire « deux, trois, quatre congrès, pourquoi pas… » dans ses six mois de présidence.

Quoiqu’il en soit on ne peut s’en tenir à ce qui a été entendu de la bouche d’un élu d’un certain âge, fonctionnaire à la retraite : « On peut changer de statut. Et même si c’était l’indépendance, les retraites seraient versées par l’Etat français ! » Les retraites, sûrement, mais les salaires des fonctionnaires d’une Guadeloupe indépendante, sûrement pas…

On n’en est pas là. En Guadeloupe du moins. L’autonomie, c’est l’épouvantail de ceux qui veulent que rien ne change et font peu cas des difficultés économiques et sociales de ce pays. L’autonomie, c’est la possibilité d’autre chose sans grand risque autre que d’expérimenter la fameuse « domiciliation des compétences… » Avec un peu de doigté et une bonne préparation, sans être trop gourmand sur les compétences transférées de l’Etat, en ne faisant pas de démagogie… avec un peu de modestie aussi, sans gloriole mais avec fierté, pourquoi pas ?

Bref, le gouvernement, englué dans une situation complexe dans l’Hexagone, a repoussé sine die le CIOM. Une fois, deux fois… Il faudrait désormais fixer une date et faire preuve d’honnêteté avec les Outre-mer.

André-Jean VIDAL
aj.vidal@karibinfo.com

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