Procurez-vous la biographie de Lucette Michaux-Chevry, par Marie-France Grugeaux-Etna et François-Xavier Guillerm ! C’est toute l’histoire politique locale des soixante dernières années qui défile sous vos yeux.
Les deux auteurs, qui signent leur ouvrage samedi 30 mars de 10 à 13 heures à la Boutique de la presse de Jardiland (Baie-Mahault) puis de 14 à 17 heures à Culture (Destreland, Baie-Mahault), ont bien travaillé. Au cours de rencontres avec Lucette Michaux-chevry, qui s’est livrée en diffusant ses vérités, sa geste, les deux auteurs étant ensuite allé chercher la vérité ou des vérités dans leurs propres souvenirs, mais surtout dans les souvenirs, ressentis, voire ressentiments, de témoins qui ont bien voulu se prêter au jeu.
Certains se sont rétractés, notamment ceux qui auraient pu dire des choses, et même les choses telles qu’elles se sont réellement passées.
De quoi avait-ils peur ? Que Lucette Michaux-Chevry, des limbes où elle erre — crinière flamboyante au vent, sourire en coin et ongles acérés, juchée en tailleur classe sur ses hauts talons aiguille, attendant le jour du Jugement dernier — leur lance un sort ? Bonne lecture !
Lucette Michaux-Chvery, sa vie, son œuvre. Qu’y a-t-il encore à dire sur cette femme politique guadeloupéenne au destin de star de la politique nationale ?
C’est le premier livre consacré à LMC, donc il y a tout à dire ! C’est l’objet de cette biographie qui retrace soixante de la vie politique en Guadeloupe à travers cette femme.
Girouette, tantôt socialiste, tantôt gaulliste, à la fois chiraquienne et indépendantiste ?
Elle a commencé sa carrière très à gauche sous la férule de Remi Nainsouta, passé ensuite au PS sous Frédéric Jalton. Déçu par ce dernier, elle a dansé une biguine avec Giscard, mais C’est Chirac, grâce à Foccard, qui a remporté la mise. On l’a taxée d’indépendantiste ? Elle l’a dit elle-même le jour de la signature de la Déclaration de Basse-Terre : « Je ne suis pas indépendantiste ; je suis nationaliste. »
Quel rôle a-t-elle joué dans les péripéties de l’ARC ?
Elle a été la première à dénoncer les poseurs de bombes, mais elle a aussi été celle qui a poussé Chirac à accorder le grand pardon contre l’avis de Daniel Beaubrun et de Philippe Chaulet.
Dans le mitan de sa vie politique a-t-elle été une femme de droite ?
Une femme de droite, bien sûr ! Mais surtout, une femme au service d’elle-même. Même son combat féministe est d’abord au service la femme Michaux-Chevry.
Une femme de gauche un peu aussi, non, aux portes de sa carrière ? Un jeu pour agacer ?
Une femme de gauche, bien sûr quand elle est une émule de Nainsouta et de Gerty Archimède, mais encore une fois, une femme au service de la Guadeloupe, pardon d’elle-même.
A-t-elle été, une fois, une seule fois dans sa vie, émue par une rencontre ? Une situation ?
Peut-être une fois : ministre des Affaires humanitaires, Lucette Michaux-Chevry visite un camp de réfugiés au Rwanda. Bouleversée par ce qu’elle voit, elle tourne le dos à la caméra pour essuyer ses larmes. Elle prend un enfant dans ses bras et lui promet de « revenir le chercher mercredi ». Elle s’est envolée le mardi…
Cible de plusieurs attentats, vous a-t-elle dit sa colère contre ses agresseurs… ou qu’elle leur pardonnait leurs offenses ?
Vous parlez des vrais ou des faux attentats ? Pour ce qui est des réelles menaces, elle les a prises très au sérieux au point de vivre comme une persécutée. A-t-elle pardonné ? Elle l’a dit.
Implacable ou sentimentale à l’occasion ?
Implacable ! Quand elle prend la vice-présidence de Lucien Bernier en 1979, elle explique sa méthode : « bosseuse, travailleuse, dictateur ! »
Ceux qui l’entouraient en avaient peur. Pourquoi ? Le complexe de la dépendance ?
Ceux qui n’en avaient pas peur et qui lui ont tenu tête l’ont payé cher. Souvenez-vous de la manière dont elle a remercié Jean-Claude Lefort, Max Frédéric ou Camille Tardo-Dino. La liste n’est pas exhaustive.
Devenue ministre, a-t-elle voulu chausser les bottes de sept lieues ?
Elle était tellement dévorée d’ambition, qu’elle n’avait pas besoin de bottes de sept lieues pour se hisser encore plus haut. Si ce n’est qu’elle en voulait terriblement à Victorin Lurel de l’avoir empêchée de présider l’Assemblée unique !
Comment se percevait-elle, ministre, sous les dorures de la République ?
Elle a osé appeler son portefeuille à la Francophonie « secrétariat d’Etat à la franche connerie. » C’est dire l’estime qu’elle avait de la fonction.
Lucette, comme disaient, en la voyant sur leurs petits écrans, les paysans de Beauce ou les croquants du Massif-Central. Quelle gloire !
Oui, c’est que dans l’Hexagone, Lucette était connue et avait même ses aficionados. Aujourd’hui encore, prononcer son nom fait frémir quelques oreilles ! Pour beaucoup, c’était la copine de Chirac, pour d’autres c’était la grande fraudeuse.
La politique de la terre brûlée qu’elle a volontiers et malicieusement pratiquée dans son camp n’a-t-elle pas fait le lit de ses adversaires ?
Elle a tué également ceux qui étaient pour et contre elle. Ça n’a fait le jeu de personne pas même le sien.
N’a-t-on pas voulu abattre quelqu’un qui, quoique diminuée, gênait encore ?
Elle a continué à jouer avec le feu, la justice n’a pas cessé de faire son travail malgré les « pa touché liset ».
Lucette Michauc-Chevry a-t-elle laissé des héritiers politiques ?
Elle les a tous tués : Moustache, Aldo, Chaulet, Laguerre, Cornano, Chammougon, monsieur et madame… La seule qu’elle aurait voulu voir au sommet l’a déçue, c’est sa fille.
Elle a parcouru la vie politique sans autres accrocs judiciaires que vers la fin de sa vie, alors qu’elle n’était plus aux affaires. S’est-elle livrée sur cette facette de sa vie ?
Elle s’est à livrée à nous comme elle l’a fait devant les juges d’instruction, avec sa propre version, bien sûr.
André-Jean VIDAL
aj.vidal@karibinfo.com
