Politique. L’Outre-mer a rendez-vous à l’Elysée

Dans le prolongement de l’Appel de Fort-de-France, le président de la République recevra les présidents des RUP françaises ce 7 septembre 2022.

Souvenons-nous. En début d’année, après avoir subi les soubresauts de la pandémie de la Covid-19, avec une gestion depuis l’Elysée et au doigt mouillé d’une situation qui échappait à tout le monde et en premier lieu au gouvernement, des élus guadeloupéens étaient allés à Paris demander « la domiciliation locale de la compétence santé. » Et d’autres à définir.

Les élus étaient d’autant plus fébriles que certains d’entre eux, dont Ary Chalus et Guy Losbar, mais aussi dans une moindre mesure Serge Letchimy, avaient subi les assauts d’une UGTG (en Guadeloupe) et des syndicats (en Martinique) entre décembre et janvier qui avaient mis à mal leur ego.

La rue était en colère, on ne les entendait plus. Il fallait faire quelque chose pour calmer le jeu. D’où cette demande au gouvernement de lâcher du lest et (re) mettre les élus (se sentant marginalisés sur les grands dossiers) en avant.

Prendre des coups pour une situation qu’ils n’avaient pas la compétence de gérer leur était resté en travers de la gorge. On les comprend.

Le ministre des Outre-mer d’alors leur avait demandé s’ils voulaient l’autonomie. Pour des jeunes loups comme Sébastien Lecornu ou Emmanuel Macron, parfaits provinciaux et vrais Rastignac montés à Paris, l’autonomie des Outre-mer n’est plus un tabou. Etonnement des élus, inquiétude des populations.

Un processus enclenché

Les présidents des régions de Guadeloupe, Réunion, Mayotte, Martinique, Saint-Martin et Guyane ont lancé ensuite, en mai, depuis Fort-de-France, un appel solennel à l’État, une « Déclaration », pour que cet Etat jacobin, jaloux de ses prérogatives, change sa façon de faire.

Et engage avec eux des politiques d’aide au développement de territoires en voie de paupérisation (chômage des jeunes, problèmes d’eau, de transport, de santé, d’environnement…).

Dans une lettre ouverte publiée au moment de l’ouverture de la conférence des régions ultrapériphériques européennes (RUP), les élus dénonçaient ce qu’ils avaient constaté depuis des années mais qui prenait une ampleur jamais vue : « une situation de mal-développement structurel » et des inégalités « de plus en plus criantes », ceci malgré la manne déversée par transferts sociaux de plus en plus… contraints.

Que veulent les présidents ? Les présidents des régions d’Outre-mer, ils l’ont dit maintes fois et de diverses manières, veulent élaborer un nouveau cadre d’application des politiques publiques. Il faut que celles-ci soient plus proches des « réalités propres de chaque région. »

Comment ? En transférant l’axe des décisions « au plus près des territoires. »

Les présidents, dans leurs écrits, dans leurs déclarations, ont insisté sur la nécessité d’une « nouvelle politique économique » fondée sur les « atouts notamment géostratégiques et écologiques » des régions d’Outre-mer. Région riches par ailleurs — biodiversité, espaces marins… totalement laissés à l’abandon.

Ne plus rien laisser passer

Il n’est plus question, ont-ils dit, que les lois soient votées sans que les élus des Outre-mer soient consultés et puissent donner leur point de vue d’experts de leurs régions. Sans que les textes tiennent compte des réalités des outre-mer.

Ainsi, et il l’a dit clairement, le président Ary Chalus ne supporterait pas qu’une loi littorale soit votée sans l’Outre-mer alors que l’essentiel du littoral est… Outre-mer !

Le président de la Collectivité territoriale de la Martinique (CTM), Serge Letchimy, et ses collègues ont expliqué leur démarche qui est très pragmatique.

« Face aux situations de mal-développement structurel à l’origine d’inégalités de plus en plus criantes qui minent le pacte social », il devient urgent « d’ouvrir une nouvelle étape historique pour nos territoires d’outre-mer. »

Les exécutifs veulent une large concertation avec les populations et les forces vives des territoires. Guy Losbar, Ary Chalus, l’ont répété. Ce dernier a même martelé : « Je ne ferai rien sans l’aval des Guadeloupéens. »

Les yeux dans les yeux

Les présidents des régions ultra périphériques (RUP) françaises veulent montrer leur unité et expliciter leur vision des Outre-mer et des rapports de ceux-ci avec l’Etat au président Emmanuel Macron.

Rencontrer les ministres (Gérard Darmanin, ministre des Outre-mer et Jean-François Carenco, ministre délégué aux Outre-mer), la Première ministre Elisabeth Borne, le président de la République, Emmanuel Macron c’est parler avec eux, les yeux dans les yeux, de « l’ensemble des questions économiques, sociales et institutionnelles qui se posent à chacun de nos territoires, pour le présent et pour l’avenir. »

Le président Emmanuel Macron récemment réélu sera-t-il en mesure d’entendre cette interpellation des élus. Cela dépendra du temps de ce moment. Si c’est une brève rencontre dans un salon, c’est vouloir envoyer le message : ce débat n’est pas de mon niveau, voyez avec les ministres. Si c’est une discussion où chacun peut s’exprimer, dire les choses, échanger, le message sera différent.

La politique menée dans les territoires d’outre-mer durant le premier quinquennat ne semble pas avoir convaincu ceux-ci que le chef de l’Etat se préoccupe réellement des Outre-mer. On verra.

Aujourd’hui, disons-le tout net, c’est l’histoire en mouvement : les questions liées à la modernisation des rapports entre l’Etat et les collectivités et à l’appartenance à la République se posent nettement.

André-Jean VIDAL

Les présidents se sont rencontrés et concertés avant les discussions :

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