Politique. L’influence des cabinets de conseil continue de faire débat

Quinze jours après le rapport de la commission d’enquête du Sénat, le gouvernement a organisé, dans l’urgence, ce mercredi, une conférence de presse relative au recours aux cabinets de conseil.

Malgré l’enquête du Sénat, le gouvernement continue de minimiser l’influence des consultants. Le Sénat, à l’origine de l’enquête, « prend acte de cette action de communication dans les locaux du ministère de l’économie et des finances, à dix jours du premier tour de l’élection présidentielle ».

Le gouvernement ne conteste aucun fait, ni aucun chiffre produit par l’enquête du Sénat. Il admet les insuffisances de sa circulaire du 19 janvier 2022 et reprend des propositions du Sénat, tout en réduisant leur portée : malgré les annonces de l’exécutif, les cabinets de conseil pourront continuer d’utiliser le logo de l’administration pour rédiger leurs livrables ; les agents publics ne seront pas consultés sur les commandes de conseil de leur administration…

Le flou persiste…

Selon le Sénat, l’exercice de communication du gouvernement n’a pas levé toutes les zones d’ombre.

Karim Tadjeddine, de McKinsey France lors de son audition au Sénat.

1. Le fiasco de la mission de McKinsey sur l’avenir du métier d’enseignant (496 800 euros). Les ministres ont passé sous silence le fait que les travaux ont continué pendant la crise sanitaire avec la rédaction par McKinsey de deux études thématiques sur la rémunération au mérite des professeurs et la gestion des établissements scolaires.

Les sénateurs invitent le gouvernement à publier ces documents pour qu’ils puissent être consultés par les citoyens et par la communauté enseignante.

2. Le recours aux pénalités lorsque les consultants ne donnent pas satisfaction, ce qui est déjà possible aujourd’hui. Comment expliquer que Capgemini ait été payé 280 200 euros pour une mission sur le handicap, alors que sa prestation a obtenu la note de 1/5 et que l’évaluation constate une valeur ajoutée « quasi-nulle, contre-productive parfois », ainsi qu’une « absence de rigueur sur le fond comme sur la forme » ?

3. Les missions que McKinsey exerce encore aujourd’hui pour l’État, malgré les interrogations légitimes sur sa situation fiscale.

Là aussi, les sénateurs invitent le gouvernement à publier la liste de ces missions et leur montant.

4. La répartition des contrats pendant la crise sanitaire. Comment McKinsey et Accenture ont-ils pu bénéficier de 18 commandes successives pour un montant de plus de 16 millions d’euros, pour répondre à trois besoins distincts : le système d’information pour la vaccination, la campagne vaccinale et le système d’information pour le passe sanitaire ?

L’opacité qui demeure ne peut que renforcer le climat de défiance qui entoure l’intervention des consultants dans le secteur public.

Le Sénat considère que la proposition de loi transpartisane, prévue pour la rentrée 2022, reste plus que jamais nécessaire.

Doublement des dépenses entre 2018 et 2021

Selon le Sénat, si le gouvernement affirme qu’il n’a « rien à cacher », il lui aura fallu 5 ans pour réagir, alors que les dépenses de conseil de l’État ont plus que doublé entre 2018 et 2021.

Pourtant, le gouvernement continue de minimiser l’influence des cabinets de conseil sur les politiques publiques. Pour les ministres, l’appel aux consultants resterait « modéré et justifié », voire « ponctuel ».

Après 4 mois d’enquête, le Sénat a toutefois documenté le contraire. « Le recours aux cabinets de conseil est un phénomène tentaculaire, qui atteint au moins un milliard d’euros en 2021. La crise sanitaire n’est que le sommet émergé de l’iceberg : en 2020 et 2021, elle représente moins de 3 % des dépenses de conseil des ministères. Elle n’explique donc pas la multiplication des prestations depuis 2018. »

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