Trois grands chantiers attendent le nouveau ministre d’Etat, ministre des Outre-mer : le chantier de Mayotte, ravagée par le cyclone Chido, le chantier de la vie chère en Outre-mer, avec la crise aigüe de la Martinique qui menace de contaminer la Guadeloupe, enfin le chantier de la Nouvelle-Calédonie, avec ses 13 morts violentes.
Tandis qu’il se promène de radios en télévisions, profitant de son retour sur le devant de la scène médiatique après neuf ans de vaches maigres, entre échecs aux législatives en France, échec pour conquérir la mairie de Barcelone, en Espagne, les problèmes ne sont pas en voie de résolution Outre-mer.
On l’a comparé à un étron sur France Inter au cours d’une émission en direct, Emmanuel Valls devra montrer que sa nomination au ministère des Outre-mer n’est pas qu’une façon de faire un retour en politique sur le dos des Outre-mer à coups d’effets d’annonces sans suite.
A Mayotte, où il devrait se rendre « rapidement » avec le Premier ministre François Bayrou, Emmanuel Valls aura trois chantiers à accélérer : faire recenser les vivants et les morts pour savoir combien de victimes a fait Chido et éviter de possibles épidémies seil existe des charniers ou des endroits où on a enterré les morts à la va-vite ; apporter des secours efficients aux sinistrés qui ne voient jusqu’à présent qu’incompétence et manque de moyens quinze jours après le passage de Chido ; enfin mettre en place un véritable plan de reconstruction et d’éradication des bidonvilles, refuge des illégaux venus des Comores voisines que les autorités laissent s’implanter depuis des années, par faiblesse… à la grande fureur des Mahorais.
Grand chantier qui demande jugeotte et moyens financiers.
Second chantier, celui de la vie chère Outre-mer. Là, les uns et les autres, grands groupes familiaux possédant les structures d’importation, de stockage, de diffusion, politiques qui taxent à tout-va les produits importés, se renvoient la balle.
Les importateurs-grossistes, diffuseurs (ce sont les mêmes !) réfutent qu’ils soient pour 40% de différence sur les produits alimentaires selon que les consommateurs fassent leurs courses à Sarcelles ou à Fort-de-France. S’ils reconnaissent qu’importer des denrées alimentaires coûte cher, le prix du transport en camion de la fabrique au port, le prix du transport transatlantique, le prix du transport du grossiste dans les magasins, leur marge est la même que partout en France… disent-ils.
Sauf que, souvent, ces mêmes opérateurs de grandes surfaces sont aussi transporteurs, grossistes, quand ils ne possèdent pas les offices d’agents maritimes, de commissionnaires en douanes, etc.
Un groupement des particuliers, le RPPRAC, Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens, dirigé par un triumvirat dont le leader est Rodrigue Petitot, proteste et incite les Martiniquais à boycotter les grandes surfaces, ce qui a tout autant incité les marginaux de Fort-de-Fance d’incendier des magasins, des concessionnaires automobiles, de tirer sur des policiers… Bilan : 150 entreprises fermées et des centaines de salariés au chômage. M. Petitot est en détention préventive jusqu’à la mi-janvier pour avoir menacé des élus, pénétré dans le parc de la résidence préfectorale. Il réfute avoir menacé qui que ce soit et affirme que les policiers l’ont laissé entrer dans le parc de la résidence préfectorale. Une condamnation à porter un bracelet électronique plus une mise en détention provisoire ont marqué les dernières semaines.
A-t-on boycotté les grandes surfaces ? En Martinique comme en Guadeloupe — où le mouvement de protestation tel que porté par le RPPRAC ne prend pas — les files de voitures se dirigeant vers les grandes surfaces à boycotter laissent comprendre que les appels n’ont pas été entendus. Avec près de 50% d’emplois publics, salaires majorés de 40%, ces deux départements français ne sont pas prêts de cesser de consommer de façon effrénée.
Pourtant, les statistiques sont là : en dehors des fonctionnaires d’Etat ou des collectivités, des cadres de sociétés, il existe une véritable misère, liée à des prix des produits de consommation trop élevés. Et cela, il faudra réellement en tenir compte.
Mais, Manuel Valls et le gouvernement Bayrou, qui vont surtout lutter à Paris pour durer, pourront-ils prendre ces deux dossiers à bras le corps ? On peut en douter.
Troisième dossier, celui de la Nouvelle-Calédonie. Manuel Valls se targue d’avoir été « de l’entourage de Michel Rocard lors des accords de Nouméa », ce qui lui donnerait une légitimité pour parler avec les indépendantistes — qui ne refusent toutefois pas les millions expédiés chaque trimestre par l’Etat français (qu’ils vont dénoncer pour faits de colonialisme à l’ONU ou en Azerbaïdjan) pour permettre de régler les salaires des fonctionnaires, les caisses du gouvernement local étant vides.
Les accords de Nouméa c’était en 1988, il y a 34 ans, et le carnet d’adresses de Manuel Valls risque de le conduire au cimetière des illusions perdues…
C’est pas gagné !