Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a adopté ce mardi 25 octobre en séance plénière son avis « La gestion de l’eau et de l’assainissement dans les Outre-mer ».
Coupures, inégalités d’accès, manque d’infrastructures, mise en conformité, pollution, problèmes de gouvernance : l’eau est une problématique majeure dans les Outre-mer, et un sujet de préoccupation quotidien des populations.
Si les disparités sont fortes en fonction des territoires, certains constats sont alarmants. En Guadeloupe, les coupures inopinées, phénomène ancien et récurrent, font qu’un quart de la population n’a pas d’eau tous les jours.
En Guyane, 15 % de la population ne dispose pas d’un accès à un réseau d’eau potable. A Mayotte, territoire où la situation est la plus critique, un tiers des habitants n’ont pas l’eau courante et 50% dans les quartiers d’habitat informel.
En Martinique, en 2019, moins de la moitié des stations d’assainissement sont conformes, alors que la moyenne nationale est d’environ 93 %.
Aujourd’hui, le manque d’eau reste un véritable obstacle au développement économique et social des Outre-mer. Cette insuffisance a été particulièrement criante pendant la crise sanitaire qui a montré l’importance vitale de l’accès à l’eau pour maintenir des conditions de santé et d’hygiène acceptables.
L’avis adopté par le CESE dresse un panorama approfondi des problématiques liées à l’eau qui touchent chacun des différents territoires d’Outre-mer. Afin de répondre plus efficacement à la juste colère des citoyennes et citoyens concernés, il propose des préconisations concrètes à destination des pouvoirs publics, à l’échelon global comme territorial, adaptées aux spécificités des territoires ultramarins.
Créer un droit opposable d’accès à l’eau potable
Le CESE constate que l’accès à l’eau potable n’est pas garanti dans de nombreux territoires ultramarins, en particulier à Mayotte, en Guyane et en Guadeloupe, mais aussi parmi certaines populations à La Réunion et en Polynésie Française.
Pour le CESE, l’adoption d’un droit à l’eau pour tous est une condition décisive pour répondre à un besoin vital, essentiel pour la population. Sur le modèle du droit opposable au logement, le CESE appelle à un droit d’accès à l’eau potable, qui soit contraignant pour l’Etat et les collectivités territoriales, et « opposable » juridiquement. Il invite les parlementaires à déposer une proposition de loi en ce sens.
Rendre l’eau financièrement accessible à tous, a fortiori dans un contexte d’inflation
Après la disponibilité du service, le prix de l’eau est souvent l’un des premiers obstacles pour garantir son accès pour tous. Très hétérogène en Outre-mer, le prix de l’eau est, pour certains territoires, particulièrement onéreux : en Guadeloupe, le prix de l’eau est 2 fois supérieur à celui pratiqué en Métropole. A Mayotte, l’eau peut représenter jusqu’à un tiers du budget des ménages. Face aux conditions de vie difficiles liées à la cherté de la vie et aux faibles revenus d’un grand nombre d’usagers, le prix de l’eau doit rester accessible.
Le CESE appelle ainsi à systématiser la mise en place dans les Outre-mer d’un « tarif social de l’eau », sous condition de ressources. Ce tarif social pourrait s’établir sur la base d’un forfait de 400 litres d’eau par jour, par foyer, soit 150 m3 par an, permettant l’accès à une eau potable de qualité pour tous.
Dans un contexte de forte inflation pénalisant les ménages, le CESE recommande également un plafonnement général des tarifs de l’eau et la distribution de « chèques eau » par les Caisses d’allocations familiales, caisse nationale d’assurance vieillesse et centres communaux d’action sociale, en direction des familles les plus en difficulté, afin de les aider à payer leurs factures et éviter toute situation de surendettement.
· Investir pour améliorer le service et préserver l’environnement
La mise en conformité des systèmes d’assainissement est une priorité majeure en Outre-mer, où tous les territoires présentent des retards importants dans la mise en place de systèmes performants. A Mayotte, par exemple, le système d’assainissement collectif est presque entièrement à construire.
Moins de 20 % des usagers sont raccordés à un réseau d’assainissement collectif en Outre-mer. C’est une proportion inverse à ce qui est constaté dans l’Hexagone.
L’assainissement est un enjeu non seulement social et sanitaire, mais aussi économique, en constituant un frein au développement, et environnemental, source de pollutions importantes liées aux rejets non contrôlés.
Aussi, le CESE préconise la mise en place de plans d’investissement territorialisés d’assainissement, cofinancés par l’Etat et les collectivités territoriales.
Ce plan doit permettre de créer des stations d’épuration aux normes et adaptées dans chaque intercommunalité et des filières d’assainissement sur l’ensemble des territoires afin de réduire significativement les rejets dans l’environnement.
Traiter les conséquences de la pollution au chlordécone
Si, selon l’ARS, il n’y a pas de risque direct de d’intoxication par le chlordécone dans l’eau potable distribuée en Guadeloupe et Martinique, une vigilance doit s’exercer compte tenu de la forte imprégnation des terres sur ces deux territoires par ce produit hautement toxique.
Alors que la contamination entraîne de graves conséquences sanitaires, le CESE préconise la reconnaissance en tant que maladie professionnelle, de toutes les affections résultant de l’exposition au chlordécone, en particulier les cancers du sein, de l’utérus et les pathologies développées lors de la grossesse.
Il appelle à l’organisation d’une campagne de prévention et de dépistage en direction de l’ensemble de la population, en particulier chez les femmes, et demande à ce que l’État prenne en charge les frais de traitement de l’eau potable rendu nécessaire par la présence de chlordécone.