Politique. Guy Losbar : « La cohérence d’abord »

Président du puissant GUSR, Guy Losbar est le maître de ces élections régionales et départementales. Il a choisi de poursuivre le pacte construit avec Ary Chalus à la Région. La contrepartie c’est la conquête du Département. Entretien.

Vous devez mener de front deux élections majeures, les régionales et les départementales. Un scrutin de liste et un ensemble de binômes. Comment procédez-vous ? 

Au niveau du parti, nous avons fait l’analyse de la situation de la Guadeloupe. Ce dont nous avons convenu correspond à l’ADN du parti, c’est-à-dire amener de la cohérence au niveau des collectivités. Nous avons cet avantage que les élections régionales et départementales se tiennent le même jour. Nous souhaitons donner une cohérence à ces élections et en retirer une majorité globale sur les deux collectivités, ce qui nous permettra de donner beaucoup plus de visibilité aux différentes politiques publiques qui seront prises, qu’il s’agisse du Département ou de la Région. Nous avons convenu, avec le président de la Région, que nous soyons dans cette stratégie et qu’à l’issue de cette élection cette stratégie se mette en place, que certains organes, tels la Conférence territoriale de l’action publique (CTAP) dispose d’un bureau permanent et que l’on ait non des CTAP en fonction de l’actualité mais que les choses soient programmées. De même, ce bureau permanent tel que nous l’envisageons pourra être utile pour le Congrès des élus et permettre que nous puissions faire évoluer aussi bien les compétences départementales que régionales.

« Nous souhaitons donner
une cohérence à ces élections
et en retirer une majorité globale
sur les deux collectivités »



Les élections régionales tout d’abord. Vous auriez pu faire une liste indépendante mais vous avez choisi de soutenir Ary Chalus. Pourquoi ? 

Nous sommes dans une majorité de travail plurielle avec Ary Chalus depuis 2015 et nous avons pu mettre en place des politiques publiques, nous avons mené des actions dans différents domaines avec bonheur. Il s’agit de poursuivre cette façon de faire dans une nouvelle mandature. Ceci, c’est pour la Région. Mais, il y a une politique globale qui concerne la Guadeloupe. Nous avons eu une discussion avec le président de Région sur une convergence, un pacte de gouvernance entre le Département et la Région. Le but n’est pas de porter au pouvoir un parti ou des hommes, de conquérir des exécutifs mais d’avoir les moyens d’être plus performants et qu’on puisse avoir une visibilité sur le pays, que nous soyons unis, Région et Département, plus forts face à l’Etat.

Les récentes démêlées du président de Région avec la Justice peuvent-elles impacter les élections ? 

Il est vrai que, depuis quelque temps, nous apprenons que des élus reçoivent des convocations, qu’ils subissent des interrogatoires et même qu’ils sont placés en garde à vue. Tout ceci suscite l’étonnement de la population. Je suis dans un Etat de droit et je reste serein par rapport aux différentes enquêtes de la justice. L’impact que cela pourrait avoir sur les élections est réel. Cela peut être bénéfique ou être un handicap. On verra bien. Mais, ce qui est important c’est que les Guadeloupéens s’attachent au projet et au bilan présenté par les candidats pour déterminer leur choix.

« Notre mot d’ordre est Penser Guadeloupe, agir Guadeloupe et vous admettrez que c’est plus déterminant que des clivages dépassés et des querelles d’hommes, d’égos »


La présence de plusieurs listes socialistes est-elle une aubaine ou un épiphénomène ? 

Aujourd’hui, on constate un éclatement de la gauche. Nous voyons plusieurs listes socialistes. Depuis notre dernier congrès, nous avions eu l’occasion de dire qu’en Guadeloupe, il fallait abandonner cette distinction entre droite et gauche et lettre de côté les égos. Nous avons des spécificités, des besoins. C’est dans ce sens que Guadeloupe unie s’affirme et s’affiche. Notre mot d’ordre est Penser Guadeloupe, agir Guadeloupe et vous admettrez que c’est plus déterminant que des clivages dépassés et des querelles d’hommes, d’égos.

Les départementales. Il faudra que le GUSR sorte devant tout le monde. Est-ce faisable ? 

Nous avons cet objectif qu’au niveau de l’exécutif départemental nous soyons en situation de pouvoir. De là viendra la cohérence avec la Région. Il est vrai que le GUSR, quelle que soit sa force, ne pourra assumer l’exécutif tout seul. Ce ne serait d’ailleurs, selon moi, pas une bonne chose qu’un seul groupe, un seul parti assume l’exécutif. Nous allons, comme nous l’avons fait ces dernières années à la Région, mettre en place une majorité de travail.

Qu’est-ce qui différencie votre formation politique du PS dont le GUSR est issu, si l’on remonte trente ans en arrière ?.. 

Les membres fondateurs du GUSR se sont séparés du PS parce qu’à ce moment-là on ne prenait pas en compte au sein de ce parti les réalités du pays, les intérêts de la Guadeloupe. Des décisions concernaient l’Hexagone et étaient contraires à nos intérêts. C’est ce qui a généré la création du GUSR. La situation actuelle ne peut que nous conforter dans cette démarche. Je suis partisan d’une domiciliation du pouvoir en Guadeloupe. Je suis pour que nous ayons plus d’autonomie. Que nous ayons des marges de manœuvre dans plusieurs domaines : la fiscalité, l’urbanisme, par exemple pour ne prendre que ces deux domaines. On ne vit pas en Bretagne ou en Normandie comme en Guadeloupe. Il y a des spécificités qui doivent être prises en considération. Une loi nationale ne peut pas s’appliquer dans les mêmes conditions ici ou là. Nous souhaitons plus d’autonomie, mais dans le cadre national parce que nous ne sommes pas des séparatistes. 

« Une fois les élections passées, il nous appartiendra de négocier pour avoir une belle majorité de travail. Le reste suivra. »



Les ralliements au moment de constituer un bureau puis de voter pour la présidence du Département seront difficiles. Pourtant, on vous prête l’envie de présider le Conseil départemental. Êtes-vous confiant ? 

Je suis quelqu’un d’optimiste. Je pars du principe qu’on doit mettre en place les moyens, les équipes, les stratégies nécessaires pour atteindre un objectif. Dès lors que c’est une bonne chose pour le pays, je reste convaincu qu’on doit mettre un terme à ces divisions, avoir de la cohésion, de la cohérence. Une fois les élections passées, il nous appartiendra de négocier pour avoir une belle majorité de travail. Le reste suivra.

« Si on a de l’eau, si on règle
nos problèmes d’environnement,
si on circule mieux sur le territoire,
nous pourrons voir plus loin »

 

Les dossiers, tant régionaux que départementaux, sont nombreux et complexes. L’eau, le transport, l’environnement, l’économie très impactée par la Covid-19 et son volet social. Comment remonter la pente ? 

Ce n’est peut-être pas perceptible mais, sur tous les grands dossiers, il y a des évolutions. Les chemins sont tracés. L’eau. On sait qu’il va y avoir un SMO qui va permettre de mutualiser, d’organiser la gestion de l’eau. Concernant le transport, les EPCI ont exprimé la volonté qu’il y ait une seule structure de gestion. Pour ce qui est de la gestion des déchets, il y a des mesure qui ont été votées, un schéma avec trois usines de traitement, des déchetteries. Les résultats se feront sentir assez rapidement. Regardez le Sinnoval, qui est la marque de l’accord entre deux EPCI. Pour la Basse-Terre, avec le président Abelli, de Grand Sud Caraïbes, nous travaillons à la CANBT pour mettre en place une synergie pour le traitement des déchets. Concernant le tourisme, la Région a démontré sa volonté de développer cette filière économique. Il faut, maintenant, travailler avec les EPCI pour mettre en œuvre un développement touristique intégré. Si on a de l’eau, si on règle nos problèmes d’environnement, si on circule mieux sur le territoire, non seulement sur les routes, mais aussi sur mer, avec le bus des mers, le cabotage, nous pourrons voir plus loin. 

Et la jeunesse ?

La jeunesse doit s’inscrire dans ce schéma de développement. Mais, il faut que nous lui donnions des perspectives. Ce ne sont pas des actions ponctuelles pour la jeunesse qu’il faut mettre en place mais des actions sur le long terme, pour que la jeunesse s’épanouisse sur le plan culturel, sportif, professionnel. Nos jeunes diplômés ne reviennent plus sur le territoire. C’est pénalisant. Il faut donner à cette jeunesse les moyens de s’épanouir. Pour cela, il faut des conditions plus favorables de vie dans notre archipel. Il faut un environnement positif. Nos handicaps doivent être surmontés. Nous avons les moyens de surmonter ces handicaps puisque nous les avons diagnostiqués. L’eau pour tous les Guadeloupéens, le transport qui fonctionne, l’environnement assaini, un plan de relance efficace. D’ici deux ou trois ans, les investissements vont générer de l’activité économique, ce qui aura des répercussions sur l’ensemble de l’économie. Nous avons la possibilité de résoudre ces handicaps, de donner à la Guadeloupe une chance pour demain. 

Récemment un sondage a révélé que de nombreux Guadeloupéens ne croyaient plus en leurs élus. Que leur dites-vous ? 

Au niveau mondial, il y a une perte de confiance des élus. Les gens ne pourront avoir confiance en leurs élus que si nous arrivons à leur donner une visibilité. De l’espoir. De la confiance. Il faut qu’ils voient la volonté de faire. Il faut que chacun soit acteur. Il ne s’agit pas de dire Qu’est-ce que le maire fait ? Qu’est-ce que le président fait ? Il faut se demander Et moi, qu’est-ce que je fais ? Les élus sont issus d’un peuple ; Les élus de la Guadeloupe ont été choisis parmi les Guadeloupéens. Nous avons à prendre les bonnes décisions pour notre peuple. Mais, chaque Guadeloupéen doit se poser la question : Qu’est-ce que je fais pour la Guadeloupe ? 

Propos recueillis par André-Jean VIDAL

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