A Paris, Guy Losbar, président du Conseil départemental et président du parti politique GUSR, a été auditionné par la Délégation sénatoriale aux Outre-mer. Il s’est agi pour lui de présenter la situation de la Guadeloupe, et de répondre aux interrogations des membres de la Délégation.
C’est d’un territoire à problèmes qu’a parlé Guy Losbar. D’un territoire où le mille-feuilles administratif (Région, Département, EPCI, communes) est complexe, avec des compétences qui se chevauchent.
Pas question de ranger aux oubliettes les relations normales et constructives entre Etat et Collectivités.
Mais, il faut rationaliser, renforcer la co-construction, rechercher une plus grande collaboration entre Etat et Collectivités, par le biais d’une concertation pour renforcer l’efficacité des politiques publiques.
Rendre certaines compétences à l’Etat ? La recentralisation du RSA, dont le reste à charge pour le Département est de 80 millions, il y a eu des discussions sur l’intérêt de rendre le RSA à l’Etat.
Mais, s’il y a transfert, le Département devra toujours verser 80 millions à l’Etat.
Pour faire droit à son action politique, le Département va conserver la RSA en faisant l’effort possible pour mettre en œuvre une politique hardie d’insertion pour assécher le nombre de bénéficiaires du RSA (40 000 actuellement).
Le RSMa insert les jeunes. Le Département pourrait-il contribuer à ses actions ?, demande-t-on.
Oui, selon Guy Losbar. Il convient d’agir avec tous les acteurs de l’Insertion. Déjà, avec le préfet Alexandre Rochatte, avec les autres corps constitués, Guy Losbar veut mettre en place une stratégie d’insertion.
Quelle méthode pourrait permettre d’améliorer la participation des collectivités à l’écriture des lois ?
La loi 3DS amène des éléments, permet d’associer plus les collectivités à l’élaboration de la loi. Mais, il fait aller plus loin. Les articles 73 et 74 sont obsolètes et il faudrait trouver des formules plus adaptées.
L’Etat tient-il compte des remarques des collectivités ? Non, il y a trop de formalisme.
Quel bilan fait-on du bilan du contrat de gouvernance concertée Région-Département mis en place en 2020 ?
Deux années de Covid, l’annulation de l’élection au Département, n’a pas permis de mener les travaux souhaités. Les commissions sont constitués, elles travaillent. Il faut que ce contrat soit actif. En fait, dit Guy Losbar, il est souhaitable d’avoir à terme une gouvernance unique.
Il faut clarifier les compétences si l’on veut conserver deux collectivités majeures. De plus, avoir 6 EPCI, sur un aussi petit territoire, peu peuplé, doit être sans doute révisé. Pour rationaliser les actions.
Le transfert des compétences de l’Etat aux collectivités ? « Ce n’est pas une fin en soi, si les moyens financiers ne suivent pas. Il faut plutôt regarder une co-construction, un débat, des propositions, des discussions entre Etat et Collectivités, ce qui n’est pas le cas actuellement. »
Les restes à charge du Département sont importants, augmentant dans le temps. Quelle explication donne Guy Losbar ?
« Au moment du transfert des compétences, l’Etat n’a pas regardé l’évolution dans le temps. De même les territoires ont changé depuis ces transferts, sans que l’Etat en tienne compte. »
Adapter les textes aux territoires ? « Même s’il y a consultation au moment des discussions des nouvelles voix, il n’y a pas suffisamment d’écoute. Les réalités des territoires en sont pas souvent prises en considération. Même la déconcentration des compétences ne suffit pas. »
« Le statu quo a montré ses limites »
Guy Losbar donnait quelques exemples : la sécurité, compétence de l’Etat, influe sur l’économie, sur le social. Economie, social, qui touchent la population et qui nécessiteraient de consulter les élus pour des décisions sociétales.
La fusion des articles 73 et 74, la mise en place d’un projet de société guadeloupéen ? « Le statu quo a montré ses limites, il va falloir évoluer, mais il y a la peur du changement. Mais, pendant les semaines, les mois à venir, le débat sera au cœur des interrogations. La fusion des articles pourrait être un mieux, mais il faut être pragmatique et solutionner les problèmes des guadeloupéens, en dehors de toute idéologie. »
Dominique Théophile, sénateur de la Guadeloupe, intervenait à son tour, pour rappeler 2003 et le vote pour un changement de statut, qui avait recueilli 23% des suffrages. La population veut tout changer et quand il faut tout changer, la population a peur.
Comment associer la population à ce changement ? demande-t-il au président Guy Losbar.
« Il y a eu de fortes revendication, en 2009 et l’an dernier, et pourtant, il y a eu 77% des citoyens qui se sont opposés à toute évolution. Il faut avoir une démarche pragmatique et pédagogique. Il faut que chaque évolution puisse concourir à améliorer la situation des Guadeloupéens. Il faut expliquer la vision du développement, celle des paramètres de l’emploi, etc. Ne pas rester dans le volet législatif. Quel bien peut apporter une évolution constitutionnelle sur le quotidien des Guadeloupéens ? C’est essentiel pour avoir l’adhésion des Guadeloupéens. »
« Nous avons des atouts, il faut
que l’Etat en soit conscient. »
Plus tard : « Nous avons des atouts, il faut que l’Etat en soit conscient. Nous ne devons pas être, dans l’esprit de l’Etat, des territoires de transferts sociaux. Nous pouvons prendre notre part dans le développement national. »
Ne faudrait-il pas donner des compétences élargies aux préfet, qui ont une réelle proximité avec les élus, pour qu’ils prennent ensemble les adaptations nécessaires pour mettre mieux en place les politiques publiques ? demande une sénatrice.
Le préfet a un rôle central dans la mise en œuvre des politiques publiques nationales. Ce préfet est contraint d’attendre la décision du gouvernement avant de prendre toute décision d’adaptation.
Le changement climatique ? « Ce doit être un intérêt de tout Guadeloupéen, quelle que soit son idéologie. C’est une préoccupation permanente, en terme d’aménagement, en terme de développement durable. Parce que ce changement climatique intéresse tous les Guadeloupéens. Prenons l’exemple de l’érosion du trait de côte. A chaque forte pluie, à chaque tempête, il faut intervenir pour reloger des personnes dont les habitats étaient dans des zones sensibles. »
Dominique Théophile, sénateur : « La loi autorise une marge de différenciation. Les Départements se voient reconnaitre des compétences pour présenter des aménagements aux lois. Notre Département peut-il faire usage de cette possibilité ? »
« Je suis dans cette stratégie. Même si nous parlons de domiciliation de pouvoir, de marge de manœuvre, il faut avouer qu’il n’y a pas eu d’initiatives suffisantes pour user de cette possibilité. Il faut user de cette possibilité, d’ouvrir la boite à outils et s’en servir pour aménager au mieux des intérêts des Guadeloupéens les politiques publiques », répond Guy Losbar.
Interrogé sur le rapport à la mer, Guy Losbar explique : « La Guadeloupe est un archipel. Les Guadeloupéens ont, culturellement, un rapport particulier à la mer; Les maisons, dit-il, tournent le dos à la mer. Mais, aux Saintes, il n’y a pas le même rapport : ce sont des gens de mer. Le Département souhaite mettre en place une initiation des collégiens aux activités nautiques, le Département gère les ports départementaux, accompagne les marins-pêcheurs. »