Politique. Gérard Darmanin se lâche sur les Outre-mer, les réactions locales n’ont pas tardé

Un débat du Point, ce jeudi 2 février, avait pour thème Développement, vivre-ensemble, institutions où vont les Outre-mer ?

Interrogé par Etienne Gernelle, directeur du Point, Gérard Darmanin. Le ministre s’est lâché, comme d’habitude.

On avait eu le provocateur Sébastien Lecornu, alors ministre des Outre-mer, qui avait mis l’autonomie sur la table de discussions avec des élus de Guadeloupe, puis de Martinique, enfin de Guyane.

Certains élus n’en demandaient pas tant… mais le processus d’évolution institutionnelle vers plus d’autonomie à défaut de l’autonomie — sauf en Guyane où le président de la CTG, Gabriel Serville, l’a carrément dit, souhaitée, engagée — est engagé.

Il y a Serge Letchimy, seul décideur en Martinique puisque président de la CTM, qui y va sans y aller réellement, sachant profiter au passage (à Paris) de tout un tas d’attention du gouvernement. Il sait y faire ! Et pour se faire plaisir, il vient de faire voter par les élus ababa un drapeau qu’il pourra mettre sur l’aile avant droite de sa voiture de fonction si ça lui chante.

Il y a les Guadeloupéens, qui parlent désormais de co-contruction, d’être associés à l’Etat pour les décisions touchant à certains domaines de compétences. C’est qu’il ne s’agit pas d’effaroucher la population en allant réclamer à grands cris un changement de statut qu’on ne soit pas trop sûr qu’elle ait envie d’essayer. Pas simple.

Et pourtant, personne ne peut dire que les élus guadeloupéens engagés dans ce processus ne soient pas déterminés et sérieux. Ils font le job !

Des claques !

Revenons à Gérard Darmanin. Qu’a-t-il dit lors de ce débat parisien ?

« Ce sujet institutionnel est un sujet d’élus, et malheureusement, je constate la même chose en Corse. C’est un sujet d’élus qui ne veulent pas toujours appliquer les compétences qu’on leur a données. Il faut qu’on ait la franchise de le dire aux ultramarins. »

Plus tard, faisant référence à ses visites en Martinique, en Guyane, il lance : « Les gens spontanément dans la rue ne vous parlent pas d’institutions. Les gens veulent le développement économique, un logement, plus de subventions, de sécurité, mais pas d’institution différente. »

Plus tard encore, enfonçant le clou : « Quand on veut aller vers l’autonomie ou l’indépendance, on ne peut pas toujours demander à l’Etat français de compenser le budget de la Sécurité sociale ou de compenser telle ou telle politique parce qu’on n’a pas su les mettre en place. »

Enfin : « Il faut savoir dire : vous n’aurez d’autonomie demain que si vous êtes capable de produire ce que vous mangez, ce que vous consommez comme l’électricité, et c’est par la richesse économique que vous aurez des recettes, pas par des subventions (…) Car si la France s’en va de ces territoires, qui va venir si vous n’êtes pas capable de vous développer ? Est-ce qu’il faut changer la France par la Chine ?.. »

Réactions

Marie-Luce Penchard, ancien ministre

« Aujourd’hui les propos du ministre de l’Intérieur Gerald Darmanin ne sont pas passés inaperçus ; ce d’autant que nous avons encore tous en mémoire ceux d’un ministre de l’Outre-mer qui affirmait en novembre 2021 que le gouvernement était prêt à parler d’évolution institutionnelle alors que personne n’avait évoqué le sujet en pleine crise sociale … Dans les deux cas chercherait-on à nous infantiliser ?

De toute évidence il devient de plus en plus difficile de parler à l’Outre-mer et prenons garde à ne pas rajouter à la distance physique, un fossé nourri d’incompréhension et de propos qui pourraient être mal interprétés dans une relation complexe qui doit surtout être fondée sur le respect et la responsabilité. »

Teddy Bernadotte, universitaire

« Juste spectateur de nous

Je ressens un profond malaise à la sortie du colloque « Les Outre-mer aux avant-postes » organisé par le magazine Le point.

Il y a quelque chose de «violent » à voir des personnes parler de nous sans nous. Une forme de négation de nos compétences, voire de notre existence.

Nos territoires sont aux avant-postes mais nous ne sommes pas au premier plan.

Nous sommes invisibles, nous sommes absents…. Non, juste spectateurs !

« Tout ce que vous faites pour moi sans moi, vous le faites contre moi » est un principe intangible auquel il ne faut jamais déroger.

Nous avons eu droit à un mélange de bons sentiments, d’approximations et de condescendance pour nos pays. Des comportements dont nous sommes familiers, mais qui sont devenus aujourd’hui inadmissibles.

Surtout, à l’heure de « nous-mêmes ». Cette verticalité de l’élite parisienne. Ce mépris pour nos experts, nos chefs d’entreprise, nos artisans, nos universitaires est devenu inacceptable.

Nous sommes parfaitement légitimes pour traiter des questions qui nous concernent, les questions de transitions écologiques, énergétiques, de souveraineté alimentaire…

Personne ne doit nous imposer notre destin.

Je crois qu’il est primordial de dénoncer et surtout d’arrêter de cautionner par notre présence ce type de manifestation « hors sol ».

Qui ne reflète que le seul prisme parisien, bien éloignés de nos réalités et de nos actions propres.

Toute réflexion pertinente doit émaner de nous , notre pensée doit se construire avec nos chercheurs et nos experts locaux et surtout notre population. C’est elle qui compte !

Il y a comme un relent d’infantilisme, de condescendance à notre égard.

« Nous allons vous expliquez ce qui est bon pour vous » !

Il devient urgent de s’élever contre ves pratiques et devenir les propres acteurs de notre développement.

Plus que jamais pou palé kon boug en nou « en nou fémè la wond pou nou pé palé pawol en nou. »

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