Après plusieurs mois de débats parlementaires, le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, a été définitivement adopté par le Sénat et l’Assemblée nationale, le 9 février.
« Ce projet de loi, disent les sénateurs du groupe Rassemblement des Démocrates Progressistes et Indépendants ( RDPI), s’est donné pour ambition de faire évoluer le cadre des relations entre l’État et les collectivités territoriales, en consacrant le principe de différenciation territoriale qui permet d’adapter l’organisation des compétences des collectivités aux particularités locales dans le respect de la Constitution, en premier lieu du principe d’égalité.
Le projet de loi 3DS marque un tournant dans les relations entre l’État et les collectivités. Il tend vers une relation basée sur davantage de contractualisation que de tutelle verticale de l’État, où toutes les décisions seraient prises unilatéralement et sans concertations. »
De fait, ce projet de loi propose une boîte à outils concrète — logement, santé, transition écologique, transports, protection des élus…)— afin de permettre aux élus locaux et aux collectivités territoriales d’exercer les missions qui sont les leurs, avec plus de proximité, plus de risques, de responsabilités et de singularités.
Dominique Théophile, sénateur de la Guadeloupe, est membre du RDPI. Nous lui avons posé quelques questions pour éclairer le débat.
Qu’est-ce que ce projet de loi peut changer dans la gouvernance de la Guadeloupe ?
En 2000, la loi d’orientation pour l’outre-mer a institué en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane un « Congrès des élus départementaux et régionaux ».
Cette instance de dialogue délibère des propositions d’évolution institutionnelle, des propositions relatives à de nouveaux transferts de compétences ainsi que la modification éventuelle de la répartition des compétences entre le Département et la Région.
Lors de l’examen au Sénat du projet de loi 3DS, j’ai défendu un amendement modifiant la composition de ce congrès au bénéfice des maires de Guadeloupe. Concrètement, cet amendement transforme le congrès en « Congrès des élus départementaux et régionaux et des maires » en donnant à ces derniers une voix délibérative.
C’est cette instance, plus légitime, et peut-être plus technique, qui peut faire évoluer dans les années à venir la gouvernance de la Guadeloupe.
Il faut noter également que les Régions et les Départements pourront formuler des propositions d’évolution législative pour adapter le droit à leurs besoins.
Les Régions seront-elles plus autonomes ?
Oui et non. La loi 3DS donne en effet plus d’autonomie aux Régions sur un certain nombre de sujets. Pour autant, et de l’aveu même du Gouvernement, ce texte n’a pas vocation à bouleverser notre paysage institutionnel.
En matière de santé, il accroît par exemple le contrôle de la Région sur l’agence régionale de santé. Une fois par an, son directeur devra présenter au président du Conseil régional le bilan de son action. Par ailleurs, l’agence sera dotée d’un conseil d’administration présidé par le préfet, et dont trois vice-présidents sur quatre seront des élus locaux.
On peut citer également la possibilité donnée aux Régions de recruter directement du personnel soignant dans les centres de santé, mais cette possibilité est également donnée aux communes, aux intercommunalités et au Département.
En matière d’emploi, il est prévu que les Régions d’Outre-mer pourront se doter d’un établissement public compétent en matière de formation professionnelle.
En matière de transition écologique enfin, les Régions pourront se voir déléguer une partie des crédits du fonds de chaleur et du fonds économie circulaire de l’Ademe afin d’augmenter les financements disponibles grâce à un cofinancement.
Ce sont là quelques exemples, mais la liste est longue.
S’il fallait récupérer des compétences dans la fameuse boîte à outils, lesquelles faudrait-il prendre ?
Il faut souligner d’abord qu’un titre entier de ce texte de loi est consacré aux outre-mer.
La loi 3DS acte en particulier la création d’un état de calamité naturelle exceptionnel qui permettra d’activer des procédures d’urgence dans nos territoires, et de lever certaines lourdeurs administratives. Un travail de sensibilisation aux risques naturels devra par ailleurs être mené au sein des écoles, des administrations et des entreprises.
En ce qui concerne les compétences à proprement dit, je pense à la possibilité pour les collectivités de mettre en œuvre des délégations de compétences projet par projet, afin que l’une d’entre elles puisse piloter la réalisation d’un projet d’intérêt commun.
En matière de cohésion sociale, les Départements seront chefs de file en matière d’habitat inclusif et d’adaptation du logement au vieillissement de la population.
Autre avancée importante — pour nos concitoyens en particulier —, la loi 3DS généralise le principe « dites-le nous une fois » afin de faciliter les échanges d’information entre administrations (crèche, cantine scolaire, transports en commun, etc.) et simplifier des démarches administratives parfois pesantes.
Légiférer c’est bien, appliquer c’est mieux. Quand et comment ?
Le Parlement a adopté définitivement le projet de loi 3DS le 9 février 2022 avec l’examen au Sénat des conclusions de la commission mixte paritaire. Ce vote met fin à plusieurs mois de débats parlementaires.
Le texte doit être promulgué par le président de la République dans les 15 jours qui suivent son adoption par le Parlement, avant sa publication au Journal officiel.
Son entrée en vigueur sera échelonnée dans le temps. Le ministère de la Cohésion des territoires est en train d’établir la liste des décrets qui sortiront avant le mois de mai. Les autres textes d’application devraient être publiés avant le mois de juillet, c’est-à-dire avant la formation d’un nouveau gouvernement.
Propos recueillis par André-Jean VIDAL
En savoir plus
Les sénateurs et sénatrices du groupe RDPI
François PATRIAT, Patricia SCHILLINGER, Thani MOHAMED SOILIHI, Alain RICHARD, Xavier IACOVELLI, Julien BARGETON, Bernard BUIS, Samantha CAZEBONNE, Michel DAGBERT, Michel DENNEMONT, Nicole DURANTON, Marie EVRARD, André GATTOLIN, Abdallah HASSANI, Nadège HAVET, Ludovic HAYE, Mikaele KULIMOETOKE, Martin LÉVRIER, Frédéric MARCHAND, Georges PATIENT, Marie-Laure PHINERA-HORTH, Didier RAMBAUD, Teva ROHFRITSCH, Dominique THÉOPHILE