Co-fondateur du groupe Kassav’ et d’autres concepts innovants, co-instigateur du festival Créole blues, devenu Terre de blues, Pierre-Edouard Décimus témoigne dans un livre. Pour les nouvelles générations, mais aussi pour remercier le public, sans qui rien n’aurait été possible.
Votre livre tient en trois chansons : Pou zòt, Kassav’, Love and Ka-dance. Pourquoi ?
Pierre-Edouard Décimus : Ce sont trois chansons que j’aime. Pou zòt me permet de dire « merci » au public, particulièrement ceux qui ont fait leurs études entre 1975 et 1995. À partir de cette date, les autres ont suivi, mais les étudiants des années 1970 ont vraiment initié le mouvement. Quand le grand public n’a pas adhéré, à juste raison, puisque la musique que nous faisions était tellement différente pour l’époque, il y en a quelques-uns, particulièrement les étudiants, qui ont adhéré.
Kassav’ traduit cette première quête d’affirmation identitaire après l’orchestre Les Vikings.
Enfin, Love and Ka-Dance rend hommage à Vélo, « Senjan », et traduit ce courant avide d’affirmation identitaire que nous représentions, et en même temps, influencé par les Etats-Unis.
Plus qu’un récit détaillé de votre vie, cet ouvrage est surtout un témoignage, une photographie de la Guadeloupe qui vous a vu grandir…
Oui. Cette Guadeloupe, avec ses « lakou » et ses faubourgs m’a fabriqué. J’ai eu le privilège d’être présent parmi ceux qui ont fait des choses dans la vie musicale, culturelle…, ceux qui ont impulsé des actions en Guadeloupe. C’est un témoignage pour contribuer à cette envie d’accompagner cette quête d’affirmation identitaire de la quête de cohérence. Savoir que la nouvelle génération est là avec tout ce potentiel me donne de l’espoir.
Parallèlement à la sortie de votre livre, vous êtes le parrain du 21e festival Terre de blues que vous avez initié avec Eddy Compper sous le nom Créole Blues. Comment percevez-vous l’évolution de ce festival ?
Déjà, à l’époque, Eddy Compper faisait le rapprochement entre Saint-Louis de Marie-Galante, Saint-Louis du Sénégal et Saint-Louis du Missouri avec l’expression Terre de Blues. Aujourd’hui, c’est le nom du festival et c’est une bonne chose : l’évolution est naturelle.
Et la programmation musicale ?
Nous n’avions pas les moyens à l’époque de faire évoluer le festival pour atteindre ce niveau. Nous étions fous : nous voulions absolument avoir une scène dans chaque commune de Marie-Galante ! En élargissant la programmation ces dernières années, le festival est beaucoup plus populaire : dans la vie, il faut faire un choix !
Depuis, le Café créole blues est un autre concept que vous avez développé. Qu’en est-il ?
Le nom a changé : c’est le Café créole groov’. J’ai compris avec l’expérience, les analyses, les rencontres…, que le groov’, c’est la dimension spirituelle du blues. Le léwòz en Guadeloupe, le bèlè en Martinique, le kasékò en Guyane, c’est notre blues avec l’apport de l’Afrique.
Il n’y a pas de musée du zouk en Guadeloupe où cette musique est née, cela vous chagrine ?
Pas du tout ! Plutôt qu’un musée du zouk, une fondation portée par les pouvoirs publics, les entreprises privées… pour aider nos créateurs à aller le plus loin possible dans l’expression de leur art serait plus utile. Définir un espace de vulgarisation, de diffusion pour nos musiques me semble nécessaire. Nous avons une vraie richesse artistique à vulgariser à l’international et qui pourrait soutenir l’économie.
Quel a été l’élément déclencheur pour apporter votre témoignage sous forme de livre ?
C’est venu progressivement. Au fur et à mesure du travail, des rencontres, les échanges avec le public, j’ai compris qu’il était de mon devoir de laisser un témoignage écrit.
Entretien : Cécilia Larney
Pierre-Edouard Décimus dédicace :
- Mardi 23 mai, hôtel Arawak (Le Gosier), soirée de présentation, de 18 h 30 à 21 heures
- Mercredi 24 mai, Cultura Destreland (Baie-Mahault), de 15 à 18 heures
- Du vendredi 26 au lundi 29 mai, au festival Terre de blues (Marie-Galante)
A partir du 17 juin, Pierre-Edouard Décimus présentera son livre en Martinique.