Philippe Jock : « Le couvre-feu, un nouveau coup dur pour les restaurateurs de Martinique »

Entretien avec Philippe Jock, président de la Chambre de commerce et d’industrie de Martinique.

Dans quel état d’esprit les chefs d’entreprise de Martinique abordent-ils cette fin d’année ?

Les entrepreneurs martiniquais sont à la fois impactés par la crise sanitaire que nous subissons depuis bientôt deux ans et par les événements que nous avons eu à vivre en novembre avec des fermetures de magasins, des actes de violence, des magasins brûlés ou saccagés. Le moral n’est pas au plus haut aujourd’hui.

Avec les fêtes et le retour des clients, observe-t-on un regain d’activité ?

Oui. Nous avons échappé aux magasins vides : après la grève, assez rapidement, les conteneurs bloqués au Port de Fort-de-France ont pu être livrés à la grande distribution et aux commerçants. Quand on sait que décembre est un mois double, voire triple, de ce point de vue, nous avons limité la casse grâce à la réactivité des équipes du Port. Les commerces ne se plaignent pas trop, mais ils ne rattraperont pas en décembre tout ce qui a été perdu toute l’année.

Pour les restaurateurs et les organisateurs de spectacles, cette fin d’année reste un moment difficile. La Martinique restant soumise à un couvre-feu, pour les restaurateurs qui espéraient une ouverture le 31 décembre pour le réveillon de la Saint-Sylvestre, avec une soirée qui permet généralement de payer un, voire deux loyers, c’est un coup dur.

Les perspectives pour le début de l’année prochaine ?

Tout le monde est inquiet : nous n’avons pas de perspectives. En Martinique, on va de confinement en déconfinement, de couvre-feu en allègement de couvre-feu. Tant que le taux de vaccination ne sera pas plus élevé en Martinique, nous serons toujours soumis aux aléas sanitaires.

Il y a une vraie inquiétude, notamment pour la saison touristique. Le début de la saison, en décembre, n’a pas été aussi intéressant que le souhaitaient les hôteliers. Il y a eu beaucoup d’annulations, même si certains touristes de l’Hexagone ont maintenu leur séjour. Mais, avec les restaurants fermés le soir, c’est extrêmement compliqué.

A ce jour, quelles sont les structures les plus impactées par la crise sanitaire ?

Avec une économie fortement tertiarisée, les activités de télétravail ont pu se mettre en place dans le tertiaire. Les secteurs qui ont le plus souffert de la crise sanitaire et qui en souffrent encore, c’est la restauration.

Nous sommes inquiets des défaillances à venir : ces emplois, pour les chefs d’entreprise, représentent souvent le labeur de toute une vie. C’est aussi une inquiétude parce qu’une destination touristique sans offre de restauration, est moins attractive. Il faut tout faire pour que les métiers du tourisme soient préservés.

Concernant le tourisme de croisière, les compagnies étant parties vers des destinations plus sécurisées, il faudra sans doute plusieurs années avant de les voir revenir. Le deuxième secteur le plus impacté, c’est l’événementiel avec les activités culturelles et artistiques.

Dans ce contexte, que propose la Chambre consulaire ?

La Chambre consulaire de Martinique continue d’assurer la représentation des entreprises auprès des pouvoirs publics. Nous avons plusieurs fois écrit au préfet, au ministre des Outre-mer pour solliciter des allègements et surtout un dispositif d’aides adaptées à la situation actuelle, en sachant que ce que souhaite le chef d’entreprise, c’est travaillé et non bénéficier d’aides.

Aux ressortissants de la Chambre, nous rappelons, d’une part, que nos équipes sont à leur disposition pour les accompagner dans la rédaction des documents nécessaires à l’obtention des aides. D’autre part, pour ceux qui ont été victimes de cambriolages et d’exactions au mois de novembre, nous sommes à leurs côtés pour les aider dans leurs démarches auprès des assurances, de la Collectivité qui, nous l’espérons, mettra en place un fonds spécial de solidarité territoriale. Et, nous poursuivons l’accompagnement personnalisé avec nos collaborateurs qui restent attentifs aux dispositifs qui existent.

Comme nous craignons des défaillances d’entreprises, nous allons renforcer l’activité du Centre d’information et de prévention des difficultés. Dès début janvier, nous organiserons des rencontres décentralisées dans les agences des EPCI (Etablissements public de coopération intercommunale) Cap-Nord et L’Espace Sud.

En quoi ces urgences, engendrées par la crise sanitaire et accentuées par la crise sociale, modifient-elles votre feuille de route ?

Nous n’avions pas imaginé ce mandat avec ces points, mais nous avions, parmi nos priorités, l’accompagnement des entreprises en sortie de crise, et donc la prévention des difficultés. L’accompagnement individualisé en faisait aussi partie. Nous souhaitons également que les propositions, formulées dès le mois de juin 2020 pour le développement de l’économie martiniquaise, soient reprises par la Collectivité Territoriale de Martinique et par l’Etat dans le cadre du plan de relance nationale, mais aussi du plan de relance territoriale.

Notre attention, en ce début de mandature, est vraiment tournée vers la relance de l’activité via ces plans de relance, un accompagnement et une présence plus forte des Chambres consulaires dans la mise en place du programme opérationnel 2021/2027 de la Collectivité Territoriale de Martinique.

Depuis l’année dernière, le Click & Collect ou Call & Collect est apparu comme un outil avec lequel commerçants et clients devront désormais composer. A-t-il obtenu l’adhésion des uns et des autres ?

C’est une nécessité d’accompagner la transition numérique des entreprises. Nous avons des boutiques et commerces du centre-ville qui ont adopté ce dispositif, mais il faut aussi développer l’usage du numérique chez les Martiniquais. Si on met en place du Click & Collect et que la population ne s’approprie pas tous les usages du numérique, il y aura des déceptions chez les commerçants. C’est l’une des ambitions de notre mandature : préparer les entreprises martiniquaises à l’ouverture du marché aux grandes plateformes que sont Amazon et Alibaba.

Propos recueillis par Cécilia Larney

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