Paroles de nègres nous laisse sans voix

Les travailleurs de l’usine de Grand-Anse (Marie-Galante) redonnent vie à des témoignages d’esclaves, dans le nouveau documentaire de Sylvaine Dampierre, Paroles de nègres.

A travers une soirée hommage à la langue créole, s’est ouverte la 7e édition du festival du film des Droits humains de Guadeloupe, Monde en Vues, ce vendredi 27 novembre, au MACTe (Pointe-à-Pitre).

Parmi les nombreux invités à retrouver, jusqu’au 3 décembre, au programme du festival Mondes en Vues, Elis Roca Garcia, Ti Malo et Sylvaine Dampierre étaient à l’honneur pour ce début de festival. Tant attendu, le dernier film de la réalisatrice Sylvaine Dampierre, Paroles de nègres, a été projeté en avant-première.

Marie-Galante, là où tout a commencé

Sylvaine Dampierre a sollicité les travailleurs de l’usine sucrière de Grand-Anse, à Marie-Galante, pour faire résonner les témoignages des esclaves.
Photo : Paroles de nègres/Sylvaine Dampierre

Paroles de nègres est un long métrage documentaire tourné sur l’île de Marie-Galante. Sylvaine Dampierre avait pour idée de départ de redonner vie aux témoignages d’esclaves recueillis lors d’un procès du maître, Louis-Joseph Vallentin, comparaissant devant la Cour d’assises de Pointe-à-Pitre pour le meurtre avec préméditation de son esclave Sébastien. En retournant sur les « lieux du crime », qui n’est autre que l’usine sucrière de Grand-Anse à Marie-Galante, Sylvaine Dampierre a eu la brillante idée de proposer aux travailleurs de cette usine d’être ceux qui feraient résonner les témoignages des esclaves.

« Je leur ai proposé de s’approprier ces textes et de les lire devant la caméra. C’était une proposition assez particulière que je leur faisais dans le cadre d’un travail assez intense, je leur ai demandé de se confronter à cette mémoire, de se l’approprier », rappelle Sylvaine Dampierre.

Mémoire de l’esclavage

Mais, la réalisatrice ne s’est pas arrêtée là. Sylvaine Dampierre nous donne aussi à voir ces hommes d’aujourd’hui qui travaillent la canne à la sueur de leur front. « Ils sont dans une usine très vétuste qui ne tient que par l’énergie humaine des hommes qui la font fonctionner. Ils sont sans doute les seuls à pouvoir la faire fonctionner ! », confie Sylvaine Dampierre.

A travers ce film qui aborde la mémoire de l’esclavage, tout en étant ancré dans la réalité du présent, les voix, les corps et les visages de ces hommes dont la bravoure remarquable sert à l’incarnation de ces esclaves d’autrefois qu’ils appellent « leurs pères ». Le rendu est à la fois fascinant et déconcertant.

Elodie Soupama

Une projection à Marie-Galante

Sylvaine Dampierre, réalisatrice.

Sylvaine Dampierre exprime le fait que « cette parole dit quelque chose de la profonde humanité des gens qui l’ont proférée. Ce qui m’a frappée, c’est qu’en se réappropriant ces textes, qui étaient retranscrits en français, et en les retraduisant spontanément en créole, il y a quelque chose d’assez mystérieux, de l’ordre de l’incarnation qui se produit à ce moment-là. » Un mystère qui, au regard de ce film, laisse jaillir les échos de ces mots d’aujourd’hui et d’hier. Paroles de nègres nous laisse pensif et sans voix.

Heureuse de diffuser ce documentaire pour la première fois et en Guadeloupe, Sylvaine Dampierre espère le voir l’an prochain dans les salles de cinéma. La réalisatrice entend le « défendre en métropole et ailleurs ». Auparavant, cette amoureuse de Marie-Galante aura le bonheur de le visionner à nouveau aux côtés des ouvriers de l’usine de Grand-Anse (Grand-Bourg). Un moment qui promet d’être mémorable.

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