Les rapporteurs de la délégation aux droits des femmes et de la délégation aux Outre-mer du Sénat ont présenté cette semaine les conclusions de leur rapport sur la parentalité dans les Outre-mer. Victoire Jasmin, sénatrice de la Guadeloupe, était l’un de ces rapporteurs.
Après plus de cinq mois de travaux conjoints sur la parentalité dans les Outre-mer, près de 120 personnes auditionnées et un déplacement effectué en Guadeloupe, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, les quatre rapporteurs de la délégation sénatoriale aux outre-mer (DSOM) et de la délégation aux droits des femmes (DDF) ont présenté leurs conclusions.
Familles élargies, rôle central de la mère, place du père, autant de marqueurs dans les Outre-mer qui diffèrent de l’Hexagone. Toutefois, ces modèles sont de plus en plus fragilisés sous l’effet de la pauvreté, des tensions sociales et des aspirations des jeunes générations.
« Dans un contexte où les codes de la parentalité ne cessent d’être bousculés, il est primordial de s’interroger sur les politiques publiques aujourd’hui déployées en faveur du soutien à la parentalité. Le défi est de les dimensionner et de les adapter à la hauteur des besoins et des spécificités des outre-mer », ont dit les rapporteurs.
Que dit ce rapport ?
Les modèles familiaux traditionnels – fondés sur la « matrifocalité » et une forte solidarité intergénérationnelle – et les normes éducationnelles sont en pleine mutation dans les Outre-mer sous l’effet de la diffusion du mode de vie occidental contemporain, de la transition démographique et des migrations internes comme externes.
Pour répondre au mieux aux besoins des familles et accompagner les parents dans leur rôle, il est essentiel de comprendre les déterminants socio-économiques et les dynamiques familiales spécifiques à chaque territoire.
Les sénateurs recommandent de généraliser les Observatoires de la parentalité, en s’inspirant de l’expérience réunionnaise, pour récolter, exploiter et diffuser données et connaissances.
Les territoires ultramarins se distinguent par une forte prévalence de monoparentalité, dont les modalités sont distinctes de l’Hexagone : la monoparentalité ne fait généralement pas suite à une séparation mais commence dès la naissance et se poursuit pendant la majorité de l’enfance.
Les sénateurs recommandent de reconsidérer la place du père dans les politiques familiales en luttant contre les idées reçues relatives aux effets sur le bénéfice des prestations familiales d’une reconnaissance légale par le père et en associant davantage les pères aux dispositifs de soutien à la parentalité.
Renforcer et soutenir la parentalité
Dans les quatre DROM historiques, le mouvement de convergence des prestations est presque achevé. Deux grandes différences subsistent : le versement des allocations familiales dès le 1er enfant et les conditions d’octroi du complément familial.
Synthèse
- Accompagner les parents le plus tôt possible, dans tous les moments de leur vie de parent, y compris les plus difficiles
Les cinq dispositifs principaux de soutien à la parentalité (réseaux d’écoute et d’appui aux parents ; lieux d’accueil enfants-parents ; contrats locaux d’accompagnement à la scolarité ; médiation familiale ; espaces rencontres) et le programme des « 1000 premiers jours » sont inégalement déployés dans les outre-mer.
Recommandations :
– Accélérer, en l’adaptant, le déploiement du programme des « 1 000 premiers jours ».
– Lorsque le domicile est éloigné du centre médical adapté, proposer des solutions d’hébergement temporaire pour les femmes enceintes ou bénéficiant d’une assistance médicale à la procréation et les parents de grands prématurés.
– Densifier les lieux d’accueil enfants-parents et les écoles des parents, en particulier en Guyane, à Mayotte et à Saint-Martin où des plans urgents de rattrapage sont nécessaires.
– Développer les mesures judiciaires d’aide éducative et d’aide à la gestion du budget familial.
2. Renforcer les acteurs locaux de proximité et mieux coordonner les actions
. CAF : leur action de chef de file sur les territoires est largement saluée.
. Collectivités territoriales : leur engagement – et en particulier la mise en œuvre des compétences « famille », PMI (protection maternelle et infantile) et ASE (aide sociale à l’enfance) – apparaît à géométrie variable. Beaucoup de collectivités ultramarines en difficultés financières n’ont pas les moyens de cofinancer des projets en appui des CAF.
. Associations : de nombreuses initiatives originales sont développées (bus de la parentalité, maisons des familles, groupes de parole, services de médiation, éducation populaire, vacances familiales ou encore écoles des parents), mais elles manquent de moyens financiers, de travailleurs sociaux, de formation et d’ingénierie administrative et sociale pour inscrire leur action dans la durée.
Recommandations :
– Dans le cadre de la convention d’objectifs et de gestion État-Cnaf 2023-2027, inscrire un volet « soutien à la parentalité outre-mer », qui autoriserait notamment les CAF à financer des projets à 100 % et augmenterait les crédits disponibles pour développer les services aux familles.
– Pour les associations : accroître la part de financements pluriannuels et les inciter à s’appuyer sur les fédérations nationales pour monter en compétences (formation, ingénierie administrative…).
– Simplifier et renforcer la gouvernance de la politique de soutien à la parentalité.