Opinion. « Yo té pou nou sé » : un hommage à Frantz Fanon

PAR TEDDY BERNADOTTE

J’avais 20 ans lorsque j’ai ouvert pour la première fois le livre de Frantz Fanon, Peaux noires, masques blancs. C’était à l’Université de Toulouse : je commençais à me poser des questions fondamentales sur mon identité et mon héritage, sur qui nous sommes — nous, les enfants d’esclavagisés.

La lecture de Fanon a été un véritable choc : ses mots, tantôt coups de poing, tantôt phares, ont éveillé en moi une conscience nouvelle. Ce même choc résonne à nouveau en moi, enrichi par une lucidité accrue et une forme d’allégresse.

Fanon : une œuvre, une voix et une conscience.

Le film réalisé par Jean-Claude Barny, transcende le cadre cinématographique. C’est un acte de transmission, de mémoire et d’engagement.
Depuis sa première projection à Marrakech, ce film bouleverse, questionne et inspire. Il révèle la puissance d’une pensée intemporelle, dont les mots résonnent aujourd’hui avec une urgence brûlante. En ces temps de montée de l’intolérance, du racisme décomplexé et des replis identitaires, Fanon nous rappelle que penser, c’est déjà résister.

Ce film constitue une leçon de courage. C’est une invitation à reprendre notre place dans le monde, sans complexe, avec fierté. Il nous montre que, de nos petites îles, peuvent émerger des figures comme Saint-John Perse, Raul-Georges Nicolo, Sonny Ruppaire, Henry Sidambarom, ou Maryse Condé.

Je tiens également à rendre hommage à ceux qui, avant nous, ont semé les graines de notre héritage. Je pense à Christian Lara, Lydia René-Corail, Frantz Succab, Sylvaine Dampierre, Gilda Gonfier, Tony Coco-Viloin, Dimitri Zandwonis et Marie-Claude Pernelle…. Ils sont nombreux. Ces pionniers, bâtisseurs d’un avenir différent, ont ouvert la voie. C’est grâce à leur travail que nous récoltons aujourd’hui les fruits de leurs efforts.

Nous devons respecter et honorer le travail de ces bâtisseurs avec humilité. Comme le dit si bien l’adage : « Yo té pou nou sé ». Nous ne sommes pas des héritiers, mais des passeurs.

Ce film est d’autant plus symbolique qu’il coïncide avec le centenaire de la naissance de Fanon.

Fanon est le fruit de la ténacité d’un homme, Jean-Claude Barny, dont l’exigence et le courage ont permis de donner vie à une œuvre ambitieuse, sans compromis. A travers ce film, il nous propose une lecture sensible de l’histoire de luttes, de résistances et de prises de parole.

La nouvelle génération, aux talents multiples porte désormais la responsabilité de remplir sa mission. C’est à elle que revient la lourde tâche d’élever l’ouvrage amorcé. La voie tracée par nos prédécesseurs a permis à nos voix de résonner. A nous, maintenant de continuer à les faire entendre, de porter haut nos récits, et d’en affirmer la puissance.

Alors, célébrons Frantz Fanon , mais surtout, célébrons notre capacité à penser, créer et rêver ensemble.

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