Opinion. Vote Le Pen en Outre-mer : un risque de déflagration généralisée

PAR PATRICK KARAM*

Les résultats de l’élection présidentielle en Outre-mer sont une déflagration, et ce même s’ils viennent s’inscrire dans une tendance déjà ancrée depuis plusieurs années. Ils expriment une révolte face à l’impuissance de l’Etat, et aux conditions sociales dégradées et risquent fort de conduire à une mise en marge des Outre-mer, qui seront rendus ingouvernables faute de légitimité du pouvoir central dans ces territoires.

Je demande au gouvernement de tout mettre en œuvre pour éviter que certains territoires ne se mettent en marge de la Nation et ne rompent avec l’Hexagone. J’appelle le gouvernement à donner une priorité aux politiques publiques en Outre-mer et à la mise en place d’un vrai plan de rattrapage. Une absence de réponse à ce signal d’alarme ouvrirait en grand la porte vers un saut dans l’inconnu.

Alors que bon nombre de français poussent aujourd’hui un ouf de soulagement suite au dénouement de l’élection présidentielle, les résultats du RN en Outre-mer, qui placent Marine Le Pen en tête partout sauf en Polynésie, pourraient laisser perplexe compte tenu de l’histoire de son parti et des échanges musclés que son père avait subi à son époque lorsqu’il avait tenté de poser le pied en Guadeloupe et Martinique.

Toutefois ces résultats étaient largement prévisibles et s’expliquent par plusieurs facteurs. Tout d’abord, ils traduisent un violent rejet de la gestion de la crise sanitaire en Outre-mer qui a été vécue dans de nombreux territoires comme inutilement violente et déconnectée des enjeux locaux.

En Guadeloupe et Martinique notamment, cette gestion de la crise sanitaire a entraîné de vives réactions de la population et une véritable crispation sur le terrain. Celles-ci se sont traduites par le déclenchement d’une crise sociale qui reste à ce jour non réglée.

Sur ces territoires, c’est aussi une sanction pour un État, quel que soit le gouvernement au pouvoir, ayant failli à se tenir aux côtés des populations sur la question du chlordécone et de l’accès à l’eau. Ces errements n’ont fait que renforcer la défiance des Antillais face au pouvoir central.

Ces résultats sont aussi l’expression d’une frustration compréhensible face aux difficultés sociales, économiques et environnementales concentrées dans les Outre-mer, qui malgré de nombreuses déclarations volontaristes de l’Etat et des dirigeants successifs sont toujours en retard sur tous les indicateurs sociaux et économiques par rapport à l’hexagone (chômage, pauvreté,…).

La Réunion, comme les Antilles ou Mayotte, connaissent des taux de pauvreté et de chômage bien supérieurs à la moyenne nationale. 

A Mayotte ou en Guyane, elles sont aussi l’expression d’une profonde exaspération face à l’absence de réponse quant aux questions migratoires. Les Mahorais sont confrontés à la pression migratoire venue des Comores et la faiblesse de la réponse de l’Etat favorise le vote RN.

En Nouvelle-Calédonie, la progression de Marine Le Pen au second tour semble également être influencée par la question statutaire.

Je tirais déjà la sonnette d’alarme sur ces questions au lendemain des résultats des élections européennes de 2019. L’absence de réponses du gouvernement et la crise COVID n’ont fait que renforcer le vote RN.

J’appelle le Président de la République à prendre toute la mesure du message envoyé par les Outre-mer et mettre en place un vrai plan de rattrapage. Il est indispensable que les Outre-mer retrouvent une place centrale dans les préoccupations de l’Etat, faute de quoi, la rupture avec l’hexagone sera consommée.

*Le Guadeloupéen Patrick Karam est vice-président du Conseil régional d’Île-de-France.

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