JEAN-MARIE NOL*
La société française est traversée par des tensions croissantes qui révèlent des fractures sociétales profondes et un sentiment de malaise politique et économique généralisé. Historiquement pessimistes et inquiets de l’avenir, les Français semblent aujourd’hui persuadés du déclin de leur pays, et donc se détournent en masse des partis traditionnels. La défiance s’est installée, non seulement vis-à-vis des institutions politiques et économiques, mais aussi entre les citoyens eux-mêmes.
Les Français sont depuis longtemps réputés pour leur pessimisme. Une enquête récente montre que 72 % des Français estiment que le système démocratique fonctionne mal. Cette perception est exacerbée par la conviction que les hommes et les femmes politiques agissent principalement pour leurs intérêts personnels, un avis partagé par 82 % de la population. Ce climat de méfiance est symptomatique d’une société qui se sent délaissée et trahie par ses élites.
Le sentiment de déclin national, alimenté par des difficultés économiques persistantes et une incapacité apparente à résoudre les problèmes structurels, renforce ce pessimisme. Le chômage, la vie chère, la précarité, et les inégalités sociales sont autant de facteurs qui alimentent le désenchantement. Les réformes économiques et sociales, souvent perçues comme injustes ou inefficaces, n’ont fait qu’aggraver cette situation.
Alors que le pays traverse une période de dérèglement politique et économique, il est crucial d’examiner les causes et les manifestations de cette crise pour comprendre les problématiques qui fragilisent la cohésion sociale. Tout d’abord, l’expérience de la vie est devenue un atout négligé de la modernité, et là réside le véritable danger existentiel de la société française menacée de désintégration à court – moyen terme.
Historiquement, l’âge et l’expérience de la vie étaient considérés comme des atouts essentiels pour gouverner un pays ou diriger une entreprise. Les grands philosophes et penseurs, tels que Socrate, Confucius, ou encore Descartes, et les éminents scientifiques comme Pasteur, Edison et Newton ont produit leurs œuvres les plus influentes à un âge avancé, ayant accumulé une richesse de connaissances et de sagesse au fil des années.
Pourquoi, alors, cette appréciation de l’expérience a-t-elle diminué de nos jours, et sommes-nous en train de marcher vers un appauvrissement intellectuel de la société française qui provoque des conséquences en cascade sur le plan politique ?
La révolution technologique et le culte de la jeunesse posent problème à mon sens et nous allons voir comment et pourquoi ?
L’une des principales raisons de ce changement est l’accélération des avancées technologiques. Les innovations rapides dans les domaines du numérique, de l’intelligence artificielle, et des biotechnologies ont créé une culture où la rapidité et l’agilité sont souvent valorisées au détriment de l’expérience et de la réflexion profonde. Les jeunes, souvent perçus comme étant plus en phase avec ces nouvelles technologies, sont de plus en plus propulsés aux postes de responsabilité.Ce phénomène est accentué par un culte de la jeunesse (l’enfant roi) omniprésent dans les médias et la culture populaire.
Les récits de jeunes entrepreneurs devenus milliardaires, comme Mark Zuckerberg le créateur de Facebook et Bill Gates le créateur et propriétaire de Microsoft, alimentent l’idée que la jeunesse est synonyme de succès et d’innovation, reléguant l’expérience des seniors à un second plan. C’est là le résultat de la pression pour des résultats immédiats dans un monde de plus en plus concurrentiel. Dans un monde où les cycles économiques et politiques sont de plus en plus courts, il y a une pression accrue pour obtenir des gains lucratifs.
Les dirigeants politiques et économiques sont souvent jugés sur leurs succès à court terme, ce qui favorise une approche rapide et parfois superficielle des problématiques. Cette situation contraste avec la réflexion à long terme et la patience nécessaire pour élaborer des stratégies durables, qualités souvent associées à l’expérience des plus âgés.
La marginalisation de l’expérience et de la sagesse des seniors pose un risque majeur d’appauvrissement intellectuel pour la société française. Les œuvres et les travaux des grands penseurs du passé étaient souvent le fruit d’années de réflexion et d’expériences accumulées. En privilégiant une approche immédiate et souvent technocentrée, nous risquons de perdre cette profondeur intellectuelle qui a marqué l’histoire de l’humanité.
La connaissance et la sagesse des seniors sont des ressources précieuses pour comprendre les complexités du monde actuel et pour anticiper les défis futurs. Leur exclusion du processus décisionnel peut conduire à des politiques mal informées et à des solutions superficielles qui ne résolvent pas les problèmes sous-jacents.
Désormais, nous sommes bien en présence d’une grande imposture de la nouvelle prédominance des jeunes dans les postes de direction en politique et dans l’entreprise et cela conduira inéluctablement à une société de rupture vécue de façon douloureuse dans la violence.
Dans un monde en proie à des défis sans précédent tels que le changement climatique, les avancées technologiques rapides, les tensions politiques et géopolitiques ainsi que les inégalités croissantes, nous assistons à une transformation profonde de nos structures sociétales , politiques et économiques. Une des manifestations les plus marquantes de cette transformation est la montée en puissance des jeunes dans les positions de pouvoir, souvent au détriment des plus expérimentés. Cette tendance soulève des questions cruciales sur la durabilité et l’efficacité de nos systèmes de gouvernance.
La montée en puissance des jeunes dans les sphères de direction est une rupture avec le passé et force est de constater que c’est une menace pour la stabilité sociale de notre société.
L’ascension fulgurante de jeunes leaders politiques et économiques est emblématique de cette rupture. Prenons l’exemple de Jordan Bardella, pressenti pour devenir Premier ministre de la France à seulement 28 ans, avec pour tout bagage un baccalauréat malgré une absence de diplôme supérieur et une expérience professionnelle très limitée pour ne pas dire inexistante en dehors de la sphère militante du parti renaissance.
De même, l’exemple de Gabriel Attal, un jeune de 34 ans propulsé Premier ministre par un jeune président nous pousse à la réflexion et de même que la présence écrasante de jeunes de moins de 35 ans en tête de liste des élections européennes. Nous sommes vraiment en pleine démagogie et supercherie.
Tout cela illustre cette nouvelle dynamique de rupture que personnellement nous considérons comme contre productiVE pour une gestion saine dans la conduite de la société.
Dans le passé, l’expérience et la sagesse acquises « sous le harnais » étaient considérées comme indispensables pour assumer de telles responsabilités. Cette transition rapide vers une prédominance des jeunes, souvent perçue comme une rupture nécessaire pour répondre aux défis contemporains, masque une réalité plus complexe et potentiellement problématique. Nous persistons à penser que les défis mondiaux nécessitent plus que jamais une expérience éprouvée de la chose politique.
Les défis auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui sont sans précédent en termes de complexité et d’ampleur. Le changement climatique menace nos écosystèmes et nos modes de vie, les avancées technologiques redéfinissent notre travail et nos interactions sociales, tandis que les tensions géopolitiques et les inégalités économiques exacerbent les divisions au sein de nos sociétés.Dans ce contexte, l’expérience et la sagesse des leaders plus âgés, forgées par des années de service et d’apprentissage, sont plus cruciales que jamais.
Les jeunes leaders, malgré leur dynamisme et leur vision rapide des problématiques du court terme, manquent souvent de la profondeur de compréhension et de la prudence nécessaires pour naviguer dans ces eaux tumultueuses de la mutation du monde. L’éviction des seniors des postes à responsabilités en politique depuis la loi sur le cumul des mandats est une rupture dans les qualités auparavant attribuées au bon sens de l’âge couplé avec l’expérience. L’éviction des seniors des appareils politiques et des organes de direction des entreprises entraîne des conséquences désastreuses pour la société notamment une forte tendance à la radicalisation des opinions.
Les seniors apportent une perspective de long terme et une richesse de connaissances historiques, essentielles pour élaborer des politiques durables et inclusives. Leur marginalisation conduit à une perte de sagesse collective et à une approche à court terme des décisions politiques et économiques. Cette tendance est particulièrement préoccupante dans un monde où les avancées technologiques comme l’intelligence artificielle et la biotechnologie transforment profondément le marché du travail.
Les seniors, souvent perçus comme dépassés par ces nouvelles technologies, sont en réalité indispensables pour guider cette transition de manière éthique et équilibrée. Et nul doute que les conséquences sociales et économiques seront dommageables à la cohésion sociale de la société française.
L’éviction des seniors et la prédominance des jeunes créent également des tensions sociales et économiques. La transformation rapide du marché du travail et l’impact des nouvelles technologies sur l’emploi exacerbent les préoccupations existantes concernant le sort des seniors dans les entreprises. Ces changements peuvent mener à une augmentation de la violence et de l’instabilité sociale, alors que les jeunes, souvent frustrés par le manque de perspectives à long terme, expriment leur mécontentement.
En outre, les seniors, en étant écartés, perdent non seulement leur rôle de contributeurs actifs, mais aussi leur dignité et leur place dans la société. Cette dynamique est non seulement injuste mais également inefficace, car elle prive la société de l’apport précieux des générations plus âgées.
Dans ce contexte, il devient impératif d’adopter une vision à long terme dans la formulation des politiques publiques et des décisions économiques. Ignorer les leçons du temps long et marginaliser les seniors est un jeu dangereux qui peut entraîner des conséquences désastreuses pour la société dans son ensemble.
Les dirigeants politiques et économiques doivent promouvoir des politiques qui valorisent l’expérience et la sagesse des seniors, tout en intégrant l’innovation et le dynamisme des jeunes. Il s’agit de favoriser une collaboration intergénérationnelle qui maximise le potentiel de toutes les générations.
La montée en puissance des jeunes dans les positions de pouvoir, au détriment des seniors, représente une rupture significative avec le passé. Si cette tendance est souvent présentée comme une réponse aux défis contemporains, elle comporte des risques importants pour la durabilité et l’efficacité de nos systèmes de gouvernance. Pour naviguer dans un monde en mutation rapide, nous devons valoriser l’expérience des seniors et adopter une approche inclusive et prospective dans la prise de décision.
En fin de compte, cette problématique du jeunisme annonce une lente désintégration de la société occidentale et c’est uniquement en intégrant les leçons du passé avec les innovations du présent que nous pourrons stopper ce processus destructeur. Le déclin de la valorisation de l’âge et de l’expérience dans les sphères politiques et économiques contemporaines représente un risque significatif pour la richesse intellectuelle et le bon fonctionnement de la société française.
En négligeant la sagesse accumulée des seniors, nous nous privons de perspectives essentielles pour affronter les défis complexes de notre époque. Il est impératif pour prévenir ces erreurs de jugement et une prévisible désintégration de nos valeurs et de notre mode de vie par une inéluctable montée de la violence dans tous les pans de la société française, il convient sans détours de rééquilibrer notre approche en valorisant à la fois l’innovation des jeunes et l’expérience et le bon sens des plus âgés, pour construire une société plus réfléchie, durable et équilibrée .
« Fifin pa lapli »
traduction : la rosée n’est pas la pluie.
Moralité : Il n’y a pas de quoi fouetter un chat, pas de quoi s’appesantir sur quelque chose d’inconsistant…
*Economiste