Opinion. « Une retraite à 55 ans pour les ouvriers et employés »

Alors que les syndicats de l’Hexagone et d’Outre-mer sont mobilisés, ce jeudi 19 janvier, contre la réforme des retraites, la Fondation Jean-Jaurès émet une contre-proposition en faveur des ouvriers et employés.

Le député Philippe Brun, Louis-Samuel Pilcer, maître de conférences en économie à Sciences Po, Vincent Verbavatz, ingénieur des Ponts, eaux et forêts, et Riwan Yahmi, agrégé d’économie et gestion, proposent une alternative au projet de loi sur les retraites avec un âge de départ à la retraite de 55 ans pour les ouvriers et les employés.

Le débat public se cristallise autour de la question de l’âge légal de départ à la retraite que le gouvernement souhaite reculer à 64 ans.

Une retraite à 55 ans financée par les cadres

Si un départ à la retraite à 60 ans pour tous serait plus juste et permettrait à chacun de bénéficier d’une période de temps libre après une vie de travail, il est également légitime que ceux qui ont été les plus usés par le travail puissent bénéficier plus tôt de leur droit à la retraite.

Sans déséquilibrer financièrement le système de retraite, le député Philippe Brun, Louis-Samuel Pilcer, maître de conférences en économie à Sciences Po, Vincent Verbavatz, ingénieur des Ponts, eaux et forêts, et Riwan Yahmi, agrégé d’économie et gestion proposent une réforme plus équitable offrant une retraite à taux plein dès 55 ans aux ouvriers et employés, financée par une retraite à 65 ans pour les cadres.

Les ouvriers et employés n’atteignent pas l’âge de la retraite

Selon les contributeurs, le problème fondamental du système de retraite ne se trouve pas dans son prétendu déséquilibre financier, mais dans son caractère inégalitaire, puisque les cadres profitent de retraites longues alors que les ouvriers et employés n’atteignent, pour beaucoup, pas l’âge de la retraite, ou l’atteignent dans des conditions de santé dégradées.

De manière générale, le système des retraites actuel comporte de réelles inégalités :

  • Les ouvriers travaillent toute leur vie pour financer la retraite des cadres
  • Les ouvriers partent en retraite au même âge qu’un cadre, mais meurent en moyenne six ans plus tôt
  • Un homme de 35 ans a par exemple deux fois plus de chances de mourir avant 60 s’il est ouvrier que s’il est cadre
  • Un ouvrier sur deux n’atteint pas 80 ans, contre un cadre sur trois

Inégalités entre cadres et classes populaires

Les retraites en France sont basées sur un système de solidarité intergénérationnelle : ce sont les salariés actifs qui payent, par des cotisations assises sur leurs revenus, les pensions des Français déjà en retraite – avec la garantie que les générations futures feront de même pour eux.

Cependant, ce système ne favorise pas la solidarité intragénérationnelle, car il ne prend pas suffisamment en compte les différences entre catégories socioprofessionnelles.

Les inégalités entre cadres et classes populaires se voient aussi renforcer par des différences face au chômage : les séniors des classes populaires sont affectés de façon plus marquée que les seniors cadres. De 5,2% chez les 50-54 ans, il passe à 6% chez les 55-60 ans et à 6,9% pour les 60-64 ans. Un phénomène que le report de l’âge légal de départ en retraite n’a fait que renforcer, le taux de chômage des 55-64 ans étant ainsi passé de 4,2% en 2003 à 5,9 % en 2020.

Face à la pénibilité de certains emplois, les retraites anticipées constituent une solution théoriquement applicable. Cependant, l’éligibilité à une retraite plus précoce se base sur un compte professionnel de prévention, qui lui-même s’appuie sur une déclaration volontaire des entreprises, qui ne reflète malheureusement pas nécessairement la réalité des conditions de travail des salariés.

Des facteurs de pénibilité

Une très grande majorité des ouvriers et employés est ainsi exposée à des facteurs de pénibilité, mais ne bénéficie pas pour autant d’un départ à la retraite précoce.

Les auteurs proposent ainsi dans une dernière partie une vision d’un système des retraites moins inégalitaire : une réforme plus juste du système de retraite passant ainsi par la différenciation de l’âge de départ et du nombre d’annuités nécessaire pour profiter d’une retraite à taux plein, en fonction de la catégorie sociale des travailleurs.

Un départ effectif à la retraite à partir de 60 ans pourrait être garanti aux ouvriers et employés, en demandant en contrepartie aux cadres de travailler et de cotiser plus longtemps.

Un départ en retraite à 66 ans pour les cadres, et jusqu’à 70 ans pour les « super-cadres ». Sur cette base, une réforme alternative pourrait être proposée, sans impact budgétaire, pour limiter les inégalités générées par le système de retraite actuel entre les catégories sociales.

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