Opinion. Une France ingouvernable et une crise des institutions qui affectera irrémédiablement l’Outre-mer !

PAR JEAN-MARIE NOL*

Depuis aujourd’hui avec la chute du gouvernement Barnier, la France se trouve plongée dans une tourmente politique d’une ampleur inédite, où s’entrelacent ambitions partisanes, crises institutionnelles et bouleversements électoraux.

Au centre de cette instabilité se tient le Rassemblement national (RN), dont la stratégie audacieuse de faire tomber le gouvernement Barnier a catalysé une succession d’événements qui redessinent le paysage politique français. Pour bien comprendre l’anomie et le point d’acmè actuel, il convient de faire un bref rappel des évènements passés sur le plan politique en France. Pour mémoire, l’appel répété du RN à la dissolution de l’Assemblée nationale, longtemps perçu comme un slogan électoral, a pris une tournure concrète après les élections européennes, conduisant le président Emmanuel Macron à un choix qui restera dans l’histoire politique contemporaine.

En effet, le 9 juin, le RN, fort de son succès écrasant aux élections européennes, a une nouvelle fois réclamé la dissolution de l’Assemblée nationale. Ce succès, marqué par un score historique de près de 33 % obtenu par la liste menée par Jordan Bardella, a placé le parti dans une position de force inédite.

La victoire a également accentué la pression exercée sur Emmanuel Macron, déjà affaibli par une série de crises sociales et politiques, notamment la contestation de la réforme des retraites. Cette dynamique a conduit le président à prendre une décision risquée : dissoudre l’Assemblée nationale et convoquer des élections législatives anticipées.

Cette dissolution, souhaitée depuis des années par le RN comme une manière de « retourner au peuple », marque un tournant dans l’histoire politique récente de la Cinquième République. Elle est perçue par de nombreux observateurs comme une concession à l’extrême droite dans un moment de grande vulnérabilité pour le pouvoir exécutif.

En choisissant cette voie, Emmanuel Macron espérait probablement reprendre l’initiative politique et clarifier les rapports de force au sein d’un paysage fragmenté. Cependant, loin d’apporter une solution, ce choix a ouvert la voie à une nouvelle période d’incertitude et de tension, dont le point d’orgue est le renversement du gouvernement Barnier par une motion de censure.

Dans ce contexte, le RN a poursuivi sa stratégie d’opposition systématique. Après avoir contraint le président à dissoudre l’Assemblée, le parti s’est rapidement mobilisé pour voter une motion de censure contre le gouvernement dirigé par Michel Barnier, nommé à la suite des législatives. Cette motion de censure, portée par une alliance inédite entre le RN et d’autres forces d’opposition d’extrême gauche , a plongé le pays dans une crise gouvernementale majeure. Ce geste, perçu comme une tentative de déstabilisation supplémentaire, illustre la volonté du RN d’exploiter les failles institutionnelles pour renforcer son influence.

Parallèlement, le Nouveau Front Populaire, coalition de gauche formée autour de la France insoumise et d’autres mouvements progressistes, a intensifié sa rhétorique en réclamant publiquement la démission d’Emmanuel Macron. Bien que cette demande soit largement symbolique – le président disposant d’un mandat constitutionnel solide – elle contribue à alimenter le climat de défiance généralisée envers les institutions.

Pourtant, peu de voix évoquent le pouvoir potentiel qu’Emmanuel Macron pourrait activer grâce à l’article 16 de la Constitution, qui lui confère des pouvoirs exceptionnels en cas de crise grave. Cette disposition, bien que rarement utilisée, demeure une option à laquelle le président pourrait recourir pour reprendre le contrôle de la situation.

Dans ce tumulte, la France semble s’enfoncer dans une spirale de chaos politique, alimentée par des stratégies partisanes et des calculs électoraux à court terme. Les acteurs politiques, qu’ils soient du RN, de la gauche ou du centre, semblent enfermés dans une logique de confrontation permanente, au détriment d’un dialogue constructif. Le pays, déjà confronté à des défis économiques et sociaux colossaux, se trouve désormais en proie à une crise institutionnelle qui menace la stabilité même de la République.

Les députés de Guadeloupe et de Martinique, tout en exerçant leur droit légitime à l’opposition, doivent évaluer les conséquences concrètes de leur position pour leurs territoires, car il s’agit avant tout de garantir que les intérêts des populations ultramarines soient protégés et que les projets en cours puissent se poursuivre.

A défaut, ces territoires pourraient être les grands perdants d’un bras de fer politique qui ne répondrait ni à leurs aspirations ni à leurs besoins. En effet, en dépit de toute logique, aujourd’hui le vote de censure des députés ultramarins, en particulier ceux des Antilles (Guadeloupe et Martinique), s’inscrit dans une logique d’opposition frontale au gouvernement de Michel Barnier, un choix qui, bien qu’idéologique, pourrait avoir des répercussions importantes sur les populations et les collectivités locales. Les réformes ou plans d’urgence en cours pourraient être gelés, privant la population des mesures cruciales, notamment en matière d’emploi, de santé et d’éducation.

Les collectivités locales comme certaines mairies dépendent fortement des subventions et dotations de l’État pour leurs projets et leur fonctionnement. Les collectivités locales, comme les conseils régionaux et départementaux, ainsi que les collectivités territoriales dépendent partiellement des transferts budgétaires de l’État. Une crise politique pourrait entraîner des retards ou des coupes dans les dotations, forçant ces collectivités à réduire leurs dépenses, notamment dans les secteurs clés comme l’aménagement du territoire, l’agriculture , la pêche, ou la transition énergétique.

L’absence actuelle de gouvernement pourrait fort retarder ou réduire ces financements, limitant leur capacité à répondre aux besoins des habitants. Les Antilles souffrent de faiblesses structurelles (réseau d’eau potable défaillant, transport public insuffisant, infrastructures de santé et scolaires vétustes). Si la crise politique nationale bloque des investissements ou des réformes nécessaires, ces problématiques risquent de s’aggraver, affectant directement le quotidien des citoyens.

En prenant la position radicale contre le gouvernement, les députés antillais vont se retrouver marginalisés dans les futures discussions nationales, notamment si un nouvel exécutif renforcé cherche à se recentrer sur des alliances plus fiables. Cette marginalisation pourrait limiter leur capacité à défendre les intérêts spécifiques de leurs territoires. 

À moyen terme : quels scénarios possibles ?

– Stagnation économique et sociale :

Si les tensions politiques persistent, les Antilles pourraient connaître une stagnation voire une récession, caractérisée par un affaiblissement des entreprises d’ores et déjà fragilisées par la poursuite des exactions, pillages encore cette semaine en Martinique, et pénalisées par la décision des assurances de ne plus couvrir les dégâts liés aux émeutes .

Compte tenu de cette situation, l’on assistera à une aggravation du chômage et des inégalités sociales, renforçant les départs massifs des jeunes vers la métropole ou d’autres territoires.

– Opportunités manquées :

Les collectivités locales risquent de ne pas tirer pleinement parti des plans nationaux et européens, tels que les fonds dédiés à la transition écologique ou à la relance post-COVID, faute de stabilité institutionnelle pour défendre leurs dossiers.

– Éloignement de la République :

A terme, un sentiment accru de déconnexion entre les populations antillaises et l’Etat français pourrait nourrir des revendications et protestations comme par exemple le blocage annoncé du port en Martinique, et ce dans un climat de défiance vis-à-vis des autorités .

Alors que les regards se tournent vers les prochaines étapes, la question demeure : comment la France pourra-t-elle sortir de cette impasse ? Le retour aux urnes apportera-t-il une clarification ou accentuera-t-il au contraire la fragmentation politique ? Et, au-delà des calculs partisans, quels seront les impacts à long terme sur la confiance des citoyens envers leurs institutions ?

Ces interrogations demeurent sans réponse, tandis que la France, prise dans une tempête politique et bientôt financière sans précédent, cherche désespérément à retrouver un cap et une direction crédible pour un avenir de plus en plus incertain .

« Lé konséyè pa lé péyè »

Traduction littérale :

Les conseilleurs ne sont pas les payeurs.

Moralité

Les personnes qui donnent les conseils ne sont pas celles qu auront à faire face aux conséquences de leurs dires et actes.

*Economiste 

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