Opinion. Suite à la tribune d’Ary Chalus…

PAR JEAN-MARIE NOL*

La tribune d’Ary Chalus reflète une volonté affichée de mener la Guadeloupe vers davantage d’autonomie institutionnelle en invoquant l’article 74 de la Constitution. Cependant, cette vision politique soulève plusieurs interrogations et critiques quant à son manque de profondeur sur les enjeux économiques, financiers, et structurels liés à une telle évolution statutaire.

D’abord, le discours repose sur une rhétorique apparemment séduisante, centrée sur la « transparence », la « consultation populaire » et l’« épanouissement des Guadeloupéens ». Ces principes totalement abstraits, bien que louables, semblent éclipser les véritables défis auxquels la Guadeloupe fera face à l’avenir.

Par exemple, la tribune ne détaille pas les impacts économiques et financiers concrets d’un passage à l’autonomie : comment comblerait-on les éventuelles pertes liées à une diminution des transferts financiers de l’État français ? Comment s’assurer que les ressources fiscales envisagées, telles que l’octroi de mer, soient suffisantes pour répondre aux besoins croissants de la population ? Ce silence constitue un angle mort majeur dans une proposition qui se veut structurante pour l’avenir.

De plus, la tribune insiste sur l’importance de « bâtir une Guadeloupe durable et prospère » tout en évoquant des thématiques cruciales comme l’eau, les déchets, ou la transition écologique sur lesquels les élus ayant pourtant toutes compétences pour agir ont cependant lamentablement échoués à régler les problèmes. Or, ces problématiques ne relèvent pas uniquement d’un manque de pouvoir normatif ou d’outils institutionnels : elles traduisent aussi des carences structurelles dans la gestion des infrastructures, la planification stratégique et la gouvernance actuelle.

Ces carences ne seront pas nécessairement corrigées par un changement statutaire, d’autant plus si ce dernier ne s’accompagne pas d’une réforme en profondeur des mécanismes décisionnels et d’une responsabilisation des acteurs locaux.

L’une des critiques majeures réside également dans l’absence de perspectives financières claires. L’autonomie implique une capacité accrue à légiférer, mais aussi une responsabilité élargie dans le financement des politiques publiques. La Guadeloupe, avec une économie structurellement dépendante, un taux de chômage élevé et une base fiscale étroite, est-elle prête à assumer ces responsabilités sans risque de creuser les inégalités sociales et territoriales ?

Ces questions, pourtant centrales, sont évacuées au profit de considérations idéologiques institutionnelles abstraites.

En outre, l’appel à une participation populaire et à une « démocratie active » semble davantage relever d’un exercice de style que d’un engagement véritable. En l’état, la tribune ne propose pas de mécanismes concrets pour garantir cette implication citoyenne au-delà des principes généraux.

Des initiatives comme une Convention Citoyenne ou des référendums locaux, bien que mentionnées, demeurent vagues dans leur mise en œuvre et leur portée réelle.

Enfin, le texte semble sous-estimer les défis politiques et géopolitiques d’un statut autonome. Si Ary Chalus évoque une « diplomatie d’influence », notamment à travers des partenariats internationaux, il n’aborde pas les implications stratégiques d’une autonomie accrue dans un contexte de dépendance économique envers la France et l’Union européenne.

La Guadeloupe est-elle prête à redéfinir ses relations avec ses partenaires tout en s’ouvrant à des acteurs extérieurs sans perdre de son identité ni de ses acquis sociaux ?

En somme la position d’Ary Chalus, bien qu’ambitieuse n’est pas porteuse d’une vision d’avenir, et pèche par son absence de réalisme économique et sa superficialité face aux problématiques structurelles profondes de la Guadeloupe.

Une évolution statutaire ne peut être réduite à un exercice de communication politique ou à une aspiration idéologique : elle nécessite une analyse rigoureuse, des propositions concrètes et une stratégie détaillée pour assurer une transition sereine et bénéfique pour l’ensemble des Guadeloupéens.

Faute de cela, la démarche risque de se heurter à une méfiance populaire et à des limites institutionnelles qui compromettraient sa crédibilité et son efficacité.

Awa nou pé ké achté chat an sak  !

*Jean Marie Nol économiste 

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