Opinion. Réinventer la Guadeloupe et la Martinique c’est mettre l’économie au centre de la vie du territoire !

PAR JEAN-MARIE NOL*

L’avenir de la Guadeloupe et de la Martinique dépend de plusieurs facteurs, notamment économiques, sociaux, politiques et environnementaux. Le présent de la Guadeloupe pourrait également être façonné par des efforts visant à renforcer le lien social et à promouvoir l’inclusion sociale, en abordant les inégalités économiques, l’accès à l’éducation et aux soins de santé, ainsi que la préservation de la culture créole et des traditions.

Nous n’avons jamais autant parlé de politique qu’en 2023 et en ce début de l’année 2024. Ainsi deux experts nommés par Emmanuel Macron le président de la République, sont actuellement en Guadeloupe pour travailler sur les questions de l’évolution statutaire ou institutionnelle et dans le même temps une commission ad hoc du Congrès des élus composée d’élus du Département, de la Région, des maires, des parlementaires, des partis politiques, mais aussi des experts de la société civile  planchent depuis le 29 janvier sur la question institutionnelle.

Parmi les réflexions en cours, on retrouve la question de la fusion des deux collectivités, l’autonomie avec la fiscalité, ou encore la refonte de l’intercommunalité. Et pourtant, les problèmes d’ordre économiques s’avèrent aujourd’hui cruciaux. Qui ne s’inquiète pas de la hausse du coût de la vie depuis le choc d’inflation des deux dernières années ? 

D’où vient cette inflation qui semble devoir devenir structurelle  ? Est-elle durable ? Quel est son impact sur les salaires ou les retraites ?

Quid de la baisse de la consommation et des investissements ?

Quel sera l’impact sur la Guadeloupe de la crise actuelle des finances publiques en France ?

Comment protéger notre épargne ?

Ces questions, beaucoup de Guadeloupéens se les posent. Elles sont essentielles pour prendre les bonnes décisions et protéger leur niveau de vie actuel et futur. Mais sont-ils assez armés pour répondre à ces questions économiques simples mais fondamentales ? Malheureusement, la réponse est souvent négative…

La faible culture économique en Guadeloupe et dans une moindre mesure en France hexagonale est soulignée par de nombreuses études et sondages. Moins d’un tiers des Français savent ce que leur banque fait de leur argent ou jugent leurs connaissances sur les questions économiques et financières suffisantes. En Guadeloupe c’est le chiffre des deux tiers qu’il convient de retenir.

En somme, nous ne maîtrisons pas les rudiments économiques de base.

Bien qu’au cœur de la production de richesses et de notre niveau de vie, la macroéconomie, la microéconomie, la finance sont des domaines aussi obscurs pour nous que la théorie quantique des trous noirs. Cette méconnaissance a un coût : des économistes ont estimé que ce manque de culture ferait perdre à l’Hexagone 34 milliards d’euros par an, du fait notamment  des grèves, des gaspillages d’argent public et du placement peu efficace de l’épargne.

Nous, économistes, avons notre part  de responsabilité. La recherche et les experts déconnectés de la réalité, ne semblent pas être en mesure de nous fournir les outils de compréhension des faits pour appréhender l’histoire et l’actualité économique. Nos errements quotidiens en matière de gestion de l’eau et de la problématique de l’agriculture en déshérence actuellement sont un exemple de cette approche concrète irresponsable et mortifère. Les initiatives du monde économique ne sont pas opérantes à ce jour et donc ne seront pas suivi d’effet positif, notamment en direction de la compréhension de l’aide à la sauvegarde des entreprises locales déjà en grandes difficultés pour rembourser les dettes notamment le PGE  !

Pour les ménages comme pour les entreprises, la faiblesse culturelle en économie a déjà des conséquences graves. L’efficacité des décisions, individuelles et collectives, viendra de la capacité à apporter de justes réponses et à ne pas succomber aux sirènes des promesses de changement statutaire simplistes face aux défis actuels. Non le changement statutaire n’est pas la panacée !

Les enjeux sont considérables : le désir de souveraineté et l’incontournable transition écologique et énergétique dans un contexte où la dette de la France dépasse 3.080 milliards d’euros et où les taux d’intérêt sont élevés ; le vieillissement démographique qui conduit à repenser l’épargne de long terme ; l’accès à de nouveaux actifs comme les nouvelles technologies …

Face à ces défis, notre objectif est de permettre à chacun de choisir en toute connaissance de cause selon ses préférences. En outre, les économistes ont souvent la mauvaise manie d’utiliser un langage d’initié, voire obscur. Ils se complaisent également parfois dans des modèles très mathématisés. Il est pourtant essentiel de rendre accessible au plus grand nombre des élus les fondamentaux de la science économique. C’est à travers les connaissances de base de l’économie que l’on peut exercer son esprit critique face aux idées politiques reçues et aux idéologies.

J’appelle plus que jamais de mes vœux au renforcement du secteur de la formation en entreprise pour l’ensemble de la population et des élus de la Guadeloupe afin qu’ils restent en pointe et continuent à répondre précisément à nos besoins locaux contemporains.

Perdre de vue l’engagement que représente la prise en compte de la chose économique, et privilégier le changement statutaire , c’est mettre en danger la sécurité financière de nos collectivités locales et tout notre équilibre sociétal et à laisser complètement aux mains notre société à d’autres réseaux qui en font déjà commerce.

Au carrefour d’enjeux économiques et sociaux déterminants, l’acte de développement de nos entreprises est en proie à de nombreuses menaces comme la robotisation et l’intelligence artificielle : fraudes, cybercriminalité, sites Internet illicites, défaut d’adaptation des entreprises locales traditionnelles, etc.

L’intelligence artificielle peut certainement perturber les modèles commerciaux traditionnels en permettant à de nouveaux acteurs d’émerger avec des approches innovantes et plus efficaces. La clé réside dans la capacité des entreprises à anticiper et à répondre aux changements induits par l’IA.

Les nouvelles technologies peuvent transformer les modèles commerciaux établis, rendant obsolètes les méthodes traditionnelles de production, de distribution et de vente. Il existe bel et bien un risque de perte du marché local par nos entreprises traditionnelles : Les entreprises qui n’investissent pas dans la robotisation et la digitalisation risquent de perdre des parts de marché au profit de concurrents plus agiles et mieux équipés.

L’IA et la digitalisation permettent à de nouveaux acteurs exogènes d’entrer sur le marché avec des solutions innovantes et des capitaux propres conséquents , ce qui peut intensifier la concurrence et mettre en difficulté les entreprises traditionnelles qui ne parviennent pas à suivre le rythme. En résumé, si elles ne sont pas correctement intégrées et gérées, l’IA et la digitalisation peuvent contribuer à la faillite des entreprises locales traditionnelles en perturbant leurs opérations, en compromettant leur sécurité et en les rendant moins compétitives sur le marché.Pour ce qui concerne les entreprises capitalistiques et  monopolistiques de l’import/export et la grande distribution présentes en Guadeloupe, leur sort est déjà scellé par l’intelligence artificielle, et donc plus rien à faire pour empêcher la mise à mort prochaine, car elles seront littéralement laminées par les nouveaux entrants qui seront les autres entreprises exogènes plus agiles et fortement capitalisées qui voudront conquérir le marché antillais.

La question de la fin est déjà virtuellement réglée , alors plus la peine d’ergoter là-dessus. Par contre , les petites entreprises de production propriétés de guadeloupéens et bien gérées pourraient éventuellement s’en sortir par le haut avec l’aide logistique de la CCI et chambre de métiers, le drainage de l’épargne des Guadeloupéens et le soutien financier des collectivités locales. Mais cela suppose aussi que nos cerveaux expatriés en France hexagonale et à l’étranger soient de retour en Guadeloupe dans les 3 prochaines années, et c’est très loin d’être gagné d’avance, mais ce qui est sûr c’est qu’après il sera trop tard pour eux . C’est là ma conviction profonde !

A l’heure où les besoins des consommateurs évoluent très rapidement et face à la montée en puissance de la concurrence internationale, repensons  nos actions pour  une économie locale forte, souveraine et innovante pour une société plus juste et plus équilibrée. En résumé, l’avenir de la Guadeloupe dépendra de la manière dont elle parviendra à équilibrer le développement économique, la préservation de l’environnement, la  promotion de l’autonomie politique dans le futur et le renforcement du lien social, tout en tenant compte des défis et des opportunités qui se présentent dans un contexte national et mondial en évolution.

« SE GREN DIRI KA FE SAK DIRI »

– traduction littérale : ce sont les graines de riz qui font un sac de riz

– moralité : L’accumulation de petites choses finissent par aboutir à de grandes choses / les choses se font petit à petit

*Economiste

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