JEAN-MARIE NOL*
Les prochaines discussions au Congrès des élus martiniquais et guadeloupéens vont remettre sur la table la question de l’autonomie, avec une volonté affichée d’explorer l’application de l’article 74 de la Constitution, sur le modèle de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie.
Et c’est dans ce contexte qu’il faut s’interroger sur l’évolution de l’autonomie comme étant une étape irrépressible vers un statut d’indépendance. Et force est de souligner que tout cela va dans le sens de l’histoire. Cette perspective, présentée par certains comme une solution miracle, est pourtant loin d’être une évidence. Ce débat a déjà eu lieu et a tourné à l’affrontement doctrinal entre communistes et indépendantistes. La question de la ligne idéologique n’est pourtant toujours pas tranché entre autonomie et indépendance, et pourtant avec le recul, force est de constater que ce sont les communistes qui avaient raison à l’époque au niveau de la doctrine politique et de la ligne idéologique notamment avec la convention de Morne rouge.
Alors faudrait-il reposer le débat dans les mêmes termes. A notre avis… Non… car trop d’eau ont coulé sous les ponts et le monde a changé et la Martinique tout comme la Guadeloupe avec, et aujourd’hui il faut bien comprendre que la force de l’assimilation, de l’assistanat, de l’impact des 40% de vie chère de la fonction publique et assimilés est aujourd’hui incontestablement un facteur de poids dans la balance du débat sur cette problématique. Elle soulève actuellement d’importantes interrogations sur la viabilité économique et sociale d’un tel changement institutionnel, d’autant plus que les contextes géopolitiques, économiques et technologiques évoluent rapidement.
Intrinsèquement toutes les expériences connues et mentionnées d’autonomie de par le monde convergent vers l’idée que l’autonomie est une étape vers l’indépendance. Il en est ainsi des exemples de Porto Rico,du Groenland, de la nouvelle Calédonie et de la Polynésie. Les Antilles sont aujourd’hui à la croisée des chemins.
La perspective d’une évolution statutaire, portée par certains élus de Martinique et de Guadeloupe, s’impose de nouveau dans le débat public avec un enjeu majeur : faut-il embrasser l’autonomie et, par extension, prendre le risque d’un glissement vers l’indépendance ? Ce débat, relancé dans le cadre des discussions sur l’application de l’article 74 de la Constitution, soulève des interrogations fondamentales sur la viabilité économique et politique d’un tel modèle institutionnel et statutaire pour les Antilles. L’illusion d’une autonomie comme solution miracle est une idée séduisante mais trompeuse.
L’histoire récente et les expériences à travers le monde montrent que l’autonomie constitue souvent une simple étape vers l’indépendance, et non une solution durable aux problèmes économiques et sociaux. En conséquence, il faut cesser d’avancer masqué et dire la vérité en posant au peuple le postulat de l’autonomie étape vers l’indépendance de manière sans fard et sans détours. Pourquoi ? Tout simplement parce que notre analyse personnelle repose sur l’idée que l’autonomie d’un territoire est un processus évolutif qui mène naturellement, voire inévitablement, à l’indépendance.
L’argument sous-jacent est le suivant :
L’autonomie donne aux institutions locales plus de compétences et de responsabilités, réduisant progressivement l’influence de l’État central.
Une dynamique de différenciation peut s’installer, où l’identité locale se renforce et où les habitants s’habituent à gérer leurs propres affaires.
Une demande accrue d’autonomie peut émerger, sous l’effet de nouvelles revendications politiques, économiques ou culturelles.
L’indépendance devient alors une suite logique, car si un territoire est déjà largement autonome, certains peuvent estimer qu’il ne manque qu’un pas pour qu’il devienne un État à part entière.
Les exemples internationaux le confirment. Porto Rico, un territoire autonome des États-Unis, illustre bien cette trajectoire. L’île, qui bénéficie d’un statut particulier, reste économiquement dépendante des subventions fédérales. Face aux déficits budgétaires chroniques, l’administration Trump avait envisagé de pousser Porto Rico vers une indépendance contrainte, estimant que son autonomie n’était plus viable économiquement.
De même, le Groenland, territoire autonome du Danemark, évolue vers une indépendance progressive, sous la pression des mouvements nationalistes et des ambitions géopolitiques internationales notamment des Etats Unis. En Nouvelle-Calédonie, autre territoire jouissant d’un statut d’autonomie au sein de la France, les difficultés économiques n’ont pas été résolues par ce modèle institutionnel. L’île est confrontée à une grave crise budgétaire qui l’a menée à la quasi-banqueroute, prouvant ainsi que l’autonomie, sans une assise économique solide, n’est pas une garantie de prospérité.
Ces expériences sont riches d’enseignements pour les Antilles françaises qui ne doivent pas sombrer dans le déni de réalité . En effet, elles démontrent que l’autonomie, loin d’être une finalité en soi, tend à ouvrir la voie à l’indépendance, et que les territoires autonomes restent souvent dépendants économiquement de leur ancienne métropole. Cette dépendance est particulièrement criante dans le cas de la Nouvelle-Calédonie, dont l’économie repose sur l’exploitation du nickel mais qui peine malgré cela à s’assurer un avenir économique autonome et à maintenir un équilibre budgétaire viable.
La Polynésie française, autre exemple d’autonomie sous l’article 74 de la Constitution, connaît des difficultés similaires. Son large degré d’autonomie ne l’a pas affranchie de la nécessité de recevoir des transferts financiers conséquents de l’État français, ce qui met en doute la capacité de l’autonomie à garantir un développement économique stable.
Pourquoi les Antilles devraient-elles s’engager sur une voie qui semble ne pas avoir fait ses preuves ailleurs ? Ce questionnement est d’autant plus pertinent que la Guadeloupe et la Martinique se trouvent dans une situation économique précaire, marquée par une forte dépendance aux importations, un coût de la vie élevé, un chômage persistant et une économie peu diversifiée. En se détachant du cadre institutionnel actuel pour basculer dans une autonomie accrue, elles s’exposeraient à des défis économiques considérables. Contrairement à la Nouvelle-Calédonie, qui dispose de ressources naturelles exploitables comme le nickel, les Antilles ne possèdent pas un secteur économique aussi solide pour soutenir une éventuelle autonomie. La Polynésie française, qui bénéficie également d’un statut autonome depuis 2004, continue de dépendre largement des transferts financiers de la métropole pour assurer son développement.
Les tenants de l’autonomie avancent l’argument d’une meilleure gouvernance locale, permettant une adaptation plus souple aux réalités économiques et sociales des Antilles. Or, sans l’aval du peuple le risque majeur est de voir l’autonomie se transformer en une étape transitoire vers l’indépendance, plutôt qu’en une solution durable de développement économique . L’histoire des territoires autonomes montre qu’en l’absence d’un véritable modèle économique endogène et pérenne, l’autonomie engendre une instabilité politique et sociale accrue.
La dépendance économique aux transferts financiers de l’État français ne disparaîtra pas avec un changement de statut, et une autonomie mal préparée pourrait, au contraire, aggraver les inégalités et accentuer les tensions déjà présentes sur ces territoires.
Dès lors, que faire pour répondre aux défis actuels sans précipiter les Antilles dans une autonomie mal maîtrisée ? Une alternative à l’application stricte de l’article 74 pourrait être une réforme progressive de l’actuel statut, dans le cadre de l’article 73 de la Constitution dans une nouvelle phase de décentralisation . Une autonomie économique accrue, pensée dans la continuité des liens avec la France, offrirait une transition plus contrôlée et permettrait aux territoires de se doter des leviers nécessaires à leur développement économique avant d’envisager toute autre évolution institutionnelle voire statutaire.
Cette approche prudente et pragmatique, qui pourrait s’étendre sur plusieurs années, est sans doute la seule capable d’éviter les dérives observées ailleurs et de garantir aux Antilles un avenir économique stable et autonome sur le plan économique et financier. Avant toute chose, il semble indispensable d’anticiper, de préparer le terrain et de bâtir les conditions d’une transition progressive, plutôt que de plonger dans l’inconnu au risque de voir les difficultés économiques et sociales s’aggraver brutalement dans le cadre d’une indépendance mal maîtrisée. Car en définitive, ce débat ne doit pas être guidé par des considérations idéologiques, mais bien par la nécessité d’assurer un développement équilibré, viable et bénéfique pour la population.
Alors que les défis structurels du territoire restent entiers, notamment la vie chère et la dépendance économique, il semble urgent de se demander si l’autonomie institutionnelle est la réponse la plus appropriée ou si elle ne constitue qu’un écran de fumée détournant l’attention des véritables priorités.
L’erreur fondamentale de nombreux élus est de faire croire que le passage à l’autonomie réglerait par lui-même les problèmes économiques et sociaux de la Guadeloupe.. L’autonomie, souvent présentée comme une solution intermédiaire entre l’intégration complète à la République française et l’indépendance, montre aujourd’hui ses limites dans plusieurs territoires d’outre-mer, notamment en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.
Alors qu’elle était censée offrir à ces collectivités une plus grande maîtrise de leur destin, elle semble aujourd’hui être remise en question par une partie de la population et des dirigeants locaux, qui revendiquent désormais une souveraineté totale. Ce constat pose une question essentielle : l’autonomie est-elle un échec ou est-elle simplement une étape transitoire vers l’indépendance ? Et si elle a échoué, quelles en sont les causes profondes ?
L’exemple de la Nouvelle-Calédonie est emblématique de cette situation. Depuis les accords de Matignon (1988) et de Nouméa (1998), ce territoire bénéficie d’une autonomie élargie qui lui confère de nombreuses compétences, notamment en matière économique et sociale. Pourtant, après plusieurs référendums sur l’indépendance, dont le dernier en 2021 a été marqué par une forte abstention de la population indépendantiste, la question reste brûlante.
La Nouvelle-Calédonie, qui devait construire un modèle économique viable en s’appuyant sur ses ressources minières, se retrouve aujourd’hui en grande difficulté, avec un gouvernement autonome en cessation de paiement et une économie trop dépendante du nickel, dont le marché est en crise. L’autonomie a donc révélé ses faiblesses : sans un véritable projet économique de long terme et sans un soutien étatique suffisant, elle ne peut garantir ni la prospérité ni la stabilité sociale , d’où les velléités de basculement vers l’indépendance .
La Polynésie française, qui dispose également d’un large degré d’autonomie depuis 2004, rencontre des problèmes similaires. Si elle gère de nombreuses compétences locales et peut mener des politiques adaptées à ses spécificités, elle reste néanmoins fortement dépendante des transferts financiers de l’État français. Son économie repose en grande partie sur le tourisme, un secteur fragile soumis aux aléas internationaux, et sur les aides publiques qui permettent de maintenir un niveau de vie acceptable pour la population.
Cette dépendance financière crée un paradoxe : bien que la Polynésie soit autonome dans la gestion de nombreuses affaires, elle reste économiquement tributaire de la France, ce qui limite considérablement sa marge de manœuvre et alimente le sentiment d’un statut inabouti. Cette situation nourrit chez certains leaders locaux l’idée que seule l’indépendance pourrait offrir un véritable contrôle sur le destin du territoire.
Le constat qui se dégage de ces deux exemples est que l’autonomie, telle qu’elle est pratiquée dans ces territoires, semble être un compromis fragile qui ne satisfait pleinement ni les indépendantistes ni les partisans du maintien dans la République. Pour les premiers, elle est insuffisante car elle ne leur permet pas d’exercer une souveraineté pleine et entière sur leur territoire, notamment en matière de politique économique et monétaire. Pour les seconds, elle est source d’instabilité car elle ne garantit pas une cohésion durable avec la France et maintient une ambiguïté politique qui empêche toute projection claire dans l’avenir.
Plusieurs facteurs expliquent ces limites. D’abord, l’autonomie repose sur une délégation de compétences qui reste partielle : certains domaines stratégiques comme la défense, la monnaie ou les relations internationales demeurent sous le contrôle de l’État français, ce qui empêche ces territoires d’exercer une indépendance réelle dans la gestion de leur développement. Ensuite, l’économie de ces territoires n’a pas été suffisamment diversifiée pour leur permettre de fonctionner sans le soutien financier de la métropole. La Nouvelle-Calédonie, malgré sa richesse en nickel, n’a pas su développer d’autres secteurs d’activité viables. Quant à la Polynésie, elle peine à construire une économie robuste qui ne repose pas uniquement sur le tourisme et les transferts de fonds.
Enfin, l’évolution géopolitique mondiale joue également un rôle important. La montée en puissance des États-Unis, de la Chine et des puissances régionales dans le Pacifique incite certains dirigeants locaux à repenser leur positionnement stratégique. La Nouvelle-Calédonie et la Polynésie pourraient, en cas d’indépendance, nouer des alliances économiques et politiques avec ces grandes puissances et ainsi s’affranchir de la tutelle française.
Cet argument, qui trouve un écho chez les partisans de la souveraineté, accentue le sentiment que l’autonomie n’est qu’une transition vers une indépendance inéluctable. Ces éléments doivent inciter à la réflexion sur les enjeux actuels des autres territoires ultramarins français, notamment la Guadeloupe et la Martinique, où le débat sur l’autonomie refait surface. Si l’autonomie s’est révélée instable et en échec en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie, alors en quoi est-elle une solution viable pour les Antilles ?
L’exemple des territoires du Pacifique montre que l’autonomie seule ne suffit pas à garantir un développement durable et harmonieux si elle n’est pas accompagnée d’une véritable stratégie économique et d’un soutien institutionnel solide. Dans le cas de la Guadeloupe et de la Martinique, où l’économie reste marquée par une forte dépendance aux importations et par des inégalités persistantes, le risque serait d’adopter un statut hybride qui ne résout en rien les problèmes de fond.
Ainsi, plutôt que de se précipiter vers un modèle dont les failles sont déjà visibles ailleurs, il semble plus pertinent dans un temps proche d’adopter une nouvelle méthode à savoir step by step (pas à pas )et d’envisager une réforme institutionnelle progressive qui permettrait d’accorder davantage de pouvoirs aux collectivités locales tout en maintenant un lien fort avec l’État. Cela pourrait passer par une révision de l’article 73 de la Constitution, afin d’accorder plus de flexibilité aux territoires d’outre-mer dans la gestion de leurs affaires économiques et sociales, sans pour autant basculer dans une autonomie totale de l’article 74 qui pourrait les fragiliser encore davantage .
L’exemple de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie montre que l’autonomie, loin d’être un aboutissement, peut se révéler être un statut transitoire, instable et insatisfaisant et qui ne peut déboucher que sur l’indépendance . Pour éviter de reproduire les mêmes erreurs qui ont eu pour conséquences des tensions identitaires et violences, il est crucial d’anticiper les défis économiques et géopolitiques qui accompagnent ce type de transformation institutionnelle. La priorité ne devrait donc pas être de changer de statut à tout prix, mais plutôt de bâtir un modèle économique viable et de renforcer les outils de développement local avant d’envisager une quelconque évolution statutaire.
Car si l’autonomie ne s’accompagne pas d’une autonomie économique réelle, elle ne sera qu’un mirage qui, tôt ou tard, débouchera sur de nouvelles revendications indépendantistes, voire sur une impasse politique , en tout cas pour ce qui concerne le cas particulier des Antilles où le processus assimilationniste est toujours très prégnant contrairement aux autres territoires où existe des peuples premiers.
La question de l’autonomie ne peut être dissociée d’une réflexion sur le modèle économique et social de la Guadeloupe et de la Martinique. Une autonomie réussie suppose une capacité à générer de la richesse localement, à développer des filières économiques diversifiées et à garantir un niveau de vie décent aux habitants. Or, la Guadeloupe souffre d’une dépendance structurelle aux importations, d’un secteur productif limité et d’une concentration excessive des richesses entre les mains de quelques acteurs dominants. Ces faiblesses rendent tout projet d’autonomie extrêmement fragile, car il faudrait, en parallèle, mettre en place un véritable plan de développement économique pour éviter une dégradation brutale des conditions de vie.
Dans ce contexte, le changement climatique et la révolution de l’intelligence artificielle ajoutent de nouvelles variables qui rendent le projet d’autonomie encore plus incertain. Le réchauffement climatique fragilise les territoires insulaires, déjà exposés aux cyclones et à l’érosion côtière, tandis que l’IA bouleverse les modèles économiques en accélérant la transformation du travail et des entreprises. Ces évolutions appellent une stratégie d’adaptation rapide et efficace, qui doit se penser dans un cadre global et non dans un isolement institutionnel. La Guadeloupe et la Martinique doivent anticiper ces mutations en misant sur l’éducation, l’innovation et une meilleure intégration dans les échanges économiques régionaux, plutôt que de se lancer dans une réforme statutaire aux conséquences incertaines.
Les comparaisons souvent évoquées avec d’autres territoires, comme l’île Maurice ou les Canaries, doivent être maniées avec précaution. Ces îles ont su développer des modèles économiques dynamiques grâce à une autonomie et une indépendance maîtrisée, mais elles bénéficient aussi d’un environnement géographique et historique différent. L’île Maurice, par exemple, a misé sur l’ouverture commerciale et l’investissement dans des secteurs innovants, tandis que les Canaries ont profité d’un statut fiscal particulier au sein de l’Union européenne. La Guadeloupe et la Martinique ne peuvent donc pas simplement copier ces modèles sans adapter leur propre stratégie de développement.
Dès lors, comment repenser l’avenir institutionnel et économique des Antilles ? Plutôt que de s’enfermer dans un débat binaire entre autonomie étape vers l’indépendance et statut quo actuel, il est peut-être temps d’envisager une troisième voie : celle d’une démarche stratégique step by step à savoir une décentralisation renforcée au sein de l’article 73, permettant d’accorder aux collectivités locales des pouvoirs accrus tout en maintenant les protections sociales et économiques garanties par la République française. Cette approche éviterait un basculement brutal vers un modèle d’autonomie étape vers l’indépendance qui pourrait s’avérer périlleux et permettrait de tester progressivement des mécanismes d’autonomie économique sans prendre de risques excessifs.
Certains économistes plaident pour une fusion des articles 73 et 74 de la Constitution, qui donnerait aux territoires d’outre-mer plus de flexibilité tout en préservant les avantages de leur appartenance à la France. Une telle réforme permettrait de renforcer la capacité d’action locale en matière de développement économique et de politique sociale, tout en maintenant un cadre institutionnel stable. Elle donnerait aux Antilles les moyens d’expérimenter dans un contexte européen des politiques adaptées à leurs réalités sans pour autant se retrouver confrontées aux difficultés d’une autonomie totale qui inéluctablement ne peut déboucher à terme que vers l’indépendance .
En définitive, l’urgence n’est pas tant de changer de statut que de changer de modèle économique. Tant que la Guadeloupe et la Martinique resteront dépendantes des importations, soumise à une économie de rente et incapable de produire suffisamment de richesses localement, toute évolution statutaire restera une coquille vide. La priorité devrait être de repenser les relations commerciales avec la région caribéenne, le Canada et l’Amérique du Sud, d’encourager la production locale et de diversifier les secteurs d’activité. Cela suppose un engagement fort de l’État français et plus largement de l’Europe, qui doit accompagner cette transition avec des moyens adaptés, mais aussi une prise de responsabilité des élus locaux, qui doivent cesser de vendre des illusions et proposer des solutions concrètes et viables.
La prudence est donc de mise. Une autonomie mal préparée pourrait conduire à une catastrophe économique et sociale, au détriment des classes populaires et moyennes, qui sont déjà les plus touchées par la vie chère. Les précédentes crises ont montré que les Antilles ne peuvent pas se permettre de prendre des décisions précipitées sur leur avenir institutionnel sans une préparation minutieuse et une vision stratégique claire. Il est temps d’abandonner les débats purement idéologiques et de se concentrer sur ce qui compte réellement : bâtir un avenir économique et social stable, capable d’offrir aux Guadeloupéens et Martiniquais des perspectives durables et un véritable pouvoir d’agir sur leur destin.
Et après libre aux peuples de s’autodéterminer pour un statut d’indépendance s’ils en voient l’utilité et l’opportunité conformément aux principes de la charte de l’ ONU. Pour ce faire, il faut, selon nous, au préalable modifier et non pas changer le statut. Mais tout cela va prendre au moins entre 5 ans et 10 ans à se mettre en place.
Entre temps que fait-on ? Les problématiques urgentes à régler immédiatement ne peuvent être mises sous le boisseau. De ce fait, dans le contexte de crise actuelle , je pense qu’il convient d’opérer une transition à partir d’une nouvelle étape immédiate de décentralisation accompagné d’une nouvelle grille de lecture institutionnelle avec la fusion des articles 73 et 74 de la constitution française mais dans un nouveau cadre plus large qui serait un rattachement direct à l’union européenne à l’instar de Chypre avec un pouvoir normatif accordé aux collectivités locales pour envisager les modalités de la mise en œuvre du basculement dans un autre modèle économique.
En somme, la crise économique actuelle ainsi que les nouveaux enjeux géopolitiques imposent des décisions fortes et rapides, mais celles-ci ne doivent pas occulter la nécessité d’une réflexion en profondeur sur le modèle économique et statutaire des Antilles. La solution ne pourra être ni une simple adaptation conjoncturelle ni une révolution brutale. Il s’agit plutôt d’un cheminement complexe, exigeant pragmatisme, patience et surtout une véritable volonté politique d’accompagner les Antilles vers un avenir économique plus autonome et plus juste.
« Anni pran douvan avan douvan pran’w. »
– traduction littérale : Prends les devants avant que les devants ne te prennent.
– moralité : Il faut savoir anticiper et prendre les choses en main avant que d’être surpris et de subir.
*Economiste