PAR DIDIER DESTOUCHES
En 2020, je publiais un essai : « Du département au pays d’outre-mer. Le choix de l’autonomie pour la Guadeloupe » aux Editions Jasor. J’avais ressenti le besoin viscéral de permettre aux guadeloupéens et guadeloupéennes (citoyens et élus) de mieux connaître l’idée d’AUTONOMIE politique, la distinguer de l’indépendance, et de mieux comprendre le processus d’évolution constitutionnelle possible de l’archipel de la Guadeloupe, avec un approfondissement de la régionalisation et de la décentralisation.
Je souhaitais en tant que juriste et en tant que guadeloupéen leur dire pourquoi il était temps de cesser d’entretenir une peur irrationnelle vis à vis d’une simple question d’utilisation d’outils juridiques différents et de méthodologie politique plus endémiques.
Je crois fermement que nous devons avant tout compter sur nous-mêmes, nous montrer digne de la force de nos ancêtres pour relever le défi de la compétence, de la solidarité et de la dignité dans l’identité. La souveraineté, concept politique si souvent dévoyé et englué peut être mis à bien des sauces idéologiques. Je lui préfère la sincérité et la responsabilité en matière de politique.
La guadeloupéanité existe ! À nous de ne pas uniquement la cantonner au carnaval, au folklore ou à la gastronomie. Elle peut aussi irriguer le champ politique et mener vers l’abondance (des idées, des actions bénéfiques, de l’efficacité politique). Après quatre années de travail incessant et d’explications sur tout le territoire, avec cet ouvrage, j’ai vu cette idée fleurir hors de ses rivages idéologiques classiques, et également grâce à d’autres contributeurs. C’est cela travailler pour faire avancer son pays. Ça n’est jamais vain!
J’en veux pour preuve que le débat public s’est une nouvelle fois enrichi de nombreuses contributions et surtout d’un rassemblement de nombreux experts juristes, économistes, fiscalistes, et politiques sous le giron de la commission ad’hoc du congrès des élus. Une vraie première qu’il faut saluer. Malgré des petites divergences scientifiques et au gré de convergences pédagogiques et méthodologiques, experts et élus, intellectuels et citoyens, acteurs économiques et organisations politiques ont mis sur la table de la réflexion de nouvelles visions et propositions pour améliorer les politiques publiques, nos institutions et le service public en Guadeloupe. De la souveraineté alimentaire à la continuité territoriale, de la maîtrise des prix à la gestion du foncier, quasiment toutes nos problématiques ont été soulevées et analysées avec un regard neuf et surtout collectif. Et puis il y a la question du pouvoir…
Le domicilier un peu plus chez nous n’est qu’une question de bon sens pour l’insulaire que je suis. Sur notre île nous sommes le centre. Hâtons nous de le comprendre et surtout de le vivre correctement.
Ce congrès à venir est surtout une perspective saine et bénéfique : celle de nous dire que nous nous faisons confiance en tant que guadeloupéens. En tant que Peuple ! Malgré le passé, malgré le présent et grâce à l’avenir. Celui de nos enfants en particulier.
Alors mercredi 12 juin , nos élus vont débattre de façon décisive du choix de l’autonomie pour la Guadeloupe. En responsabilité et sans se laisser influencer, fort intelligemment, par le contexte politique national, (très grave au demeurant). Le temps est enfin venu de la décision… de nous même pour nous même. Mais il faut poursuivre l’explication. Toujours et sans relâche.
C’est nécessaire et essentiel.
L’autonomie n’est pas un statut constitutionnellement défini mais un mode de fonctionnement politique dans la République française, encadré par la constitution, et permettant à des élus des collectivités territoriales d’agir avec plus de proximité avec la population, d’adaptation aux besoins du territoire insulaire, de pouvoir normatif direct et moins de tutelle de l’appareil d’état (parlement, agences, directions).
L’autonomie responsabilise l’élu local et l’agent public mais aussi l’acteur économique. Notre région est donc à un tournant de son histoire politique. Face à une volonté de l’État d’approfondir la décentralisation en généralisant la différenciation juridique sur l’ensemble de ses territoires (Corse, Alsace, Guyane, Nouvelle-Calédonie Kanaky et dans un contexte guadeloupéen de crise sociale, environnementale et économique, les élus des collectivités (seuls compétents pour le vote) et les parlementaires consultés (toujours en fonction) doivent choisir un nouveau cadre institutionnel de gouvernance locale.
L’assemblée unique par la fusion de la Région Guadeloupe et du Conseil départemental de La Guadeloupe garantira grâce à des compétences mieux partagées et autonomes, la fin d’une concurrence territoriale mortifère pour nos îles.
Les décisions à venir seront ensuite jugées et validées par la population guadeloupéenne par référendum. …Mais il y aura toujours une condition pour que cela marche si la population valide in fine le changement et le progrès : que nos élus s’attachent tous désormais à respecter le mot d’ordre exclusif de tout mandat local : SERVIR.
Et rien d’autre !
Place au 18 e congrès des élus.
*Docteur en droit, essayiste et poète