PAR DIDIER DESTOUCHES*
Ce que craignait le gouvernement S’est finalement produit. Une importante étude statistique et scientifique de la Direction de la recherche et des études statistiques (DRES) vient de prouver (sans le dire) que les récentes mesures sanitaires sont démesurées et disproportionnées au regard de la réalité de la dangerosité du variant Covid Omicron.
Il s’avère en effet que le variant Omicron est désormais reconnu comme ayant un impact mortel quasi inexistant pour les moins de soixante ans, qu’ils soient vaccinés ou pas.
Bien sûr, le danger reste présent pour ce qui est de la contamination de proches ou membres de la famille, très fragiles. Mais Omicron a été si fulgurant (et en même temps moins dangereux) qu’il a généré une sorte d’immunité globale à défaut d’être collective.
La vaccination obligatoire ou forcée n’est, depuis Omicron, plus justifiée d’un point de vue politique et éthique que par un souci de prévenir l’apparition de futurs variants plus virulents et/ou de limiter la surcharge des services hospitaliers qui reste en effet récurrente et préoccupante, quelque soit la catégorie des hospitalisés.
Il faut ici rappeler que ceux-ci sont en très grande majorité des non vaccinés, même s’ils ont plus souvent plus de quatre-vingt ans. L’ autre enseignement de cette étude est aussi que le vaccin n’a eu quasiment aucun impact sur la limitation de la contamination.
Omicron est passé quand même et partout… Il faut aussi voir que, contrairement au temps du virus Delta, nous ne sommes plus pour le moment dans une spirale dantesque de morts et de souffrances (à part pour les personnes hyper fragiles bien sûr) pour les contaminés comme ce fût le cas au début de la pandémie et en août 2021 en Guadeloupe.
Dès lors les choix d’accentuer les mesures limitatives de libertés faits par le pouvoir exécutif il y a quelques mois et qui s’incarnent dans la loi sur le passe vaccinal, le port du masque par les enfants, la poursuite du passe sanitaire, les couvre-feux, les contrôles et les conséquences lourdes de ces mesures peuvent légitimement être soumis à la critique.
Nous passons d’une société où la liberté était le premier et le plus précieux des droits à un régime qui distingue selon le comportement vaccinal de ses concitoyens et se livre à une forme de chantage à la liberté. Nous passons d’une liberté de droit naturel et inaliénable de l’homme à une liberté autorisée et conditionnée.
Nous ne maîtrisons pas encore les conséquences de ce changement de paradigme.
Par une décision n° 2022-835 DC du 21 janvier 2022, le Conseil constitutionnel a validé la constitutionnalité de la loi instaurant le passe vaccinal sous ces termes : « Ces dispositions, qui sont susceptibles de limiter l’accès à certains lieux, portent atteinte à la liberté d’aller et de venir et, en ce qu’elles sont de nature à restreindre la liberté de se réunir, au droit d’expression collective des idées et des opinions. Toutefois, en premier lieu, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu permettre aux pouvoirs publics de prendre des mesures visant à lutter contre l’épidémie de Covid-19 par le recours à la vaccination. Il a ainsi poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé.»
Un objectif, même de valeur constitutionnel n’est tout de même pas un impératif… Au-delà de cette décision des sages, la vaccination ne permet hélas pas d’éradiquer l’épidémie. Elle permet en revanche de freiner sa propagation, la réduire ou encore la limiter.
C’est le sens des termes « lutter contre l’épidémie ». Toutefois, et c’est là le problème, depuis la vaccination la circulation du virus n’a jamais été aussi importante. Le variant Omicron n’est pas le Delta. Des scientifiques ont observé cette aggravation de la circulation du virus sous sa nouvelle forme et estime qu’elle peut même avoir joué un rôle dans son aggravation en raison de deux effets possibles post vaccination : baisse d’immunité (individuelle et collective) et anti-corps facilitants.
Dommage que le Conseil constitutionnel quand il a eu à analyser la loi sur le passe vaccinal, n’ait pas fait du Droit, mais plutôt de la Politique. Ce n’est pas l’essence de ce qui était avant une institution fondamentale de la démocratie française et qui aujourd’hui ressemble à un simple organe de validation systématique de ce que décide le Chef de l’État et le ministre de la Santé (devenu, depuis, très hésitant sur l’opportunité de cette loi.).
L’ état discriminatoire imposé par la loi sur ce nouveau passe est d’une évidence, même pour un étudiant de première année de droit, dans la mesure où elle sépare les citoyens en retirant à certains des droits et en les octroyant (ou en les préservant) à d’autres. La question de la justification de cette différenciation incitative en période d’urgence sanitaire sont déjà source légitime de réserves et de doutes.
En présence d’éléments factuels prouvant que les moins de soixante ans vaccinés ou pas (à de très rares exceptions ) ne meurent pas du variant Omicron, le pouvoir ne peut pas rester arc bouté sur une loi qui a des conséquences plus dramatiques que son adaptation ou son abrogation.
L’état de droit est un concept juridique, philosophique et politique qui suppose la prééminence, dans un État, du droit sur le pouvoir politique, ainsi que le respect de chacun, gouvernants et gouvernés, du droit. Mais l’état de droit c’est aussi concrètement le droit à la disposition de son corps, le droit de circuler librement, le droit à un travail, etc…
Un professeur de droit constitutionnel, l’éminent Michel de Villiers, disait : « Le droit est la plus puissante des écoles de l’imagination. Jamais poète n’a interprété la nature aussi librement qu’un juriste la réalité.»
Le gouvernement (et chez nous la préfecture) doit revoir sa copie face à la réalité des faits. Et si contrairement aux discours des anti-vax et faux lanceurs d’alerte idéologues, la vaccination a été un outil très utile quoique imparfait contre le Covid19 et ses variants, elle n’a contre Omicron désormais plus qu’une utilité relative et est loin d’être une urgence absolue et une nécessité première pour les personnes de moins de soixante ans.
En revanche les gestes barrières et la distanciation physique restent les meilleurs remparts pour vraiment limiter les contaminations. Mais, il ne faut pas brutalement détruire des pans entiers de notre économie avec ce passe vaccinale. Il faut arrêter d’exclure et de diviser le corps social. Nous n’avons déjà que trop souffert et trop payé le prix. Il est temps de retrouver dans ce débat sur les passes et le vaccin de la lucidité et de la sérénité, pour le bien du plus grand nombre à défaut de tous.
*Universitaire et essayiste
Auteur de La République à bout de souffle