Opinion. Non-lieu chlordécone : « Une décision inique, basée sur des faits mensongers »

PAR CHRISTOPHE LÈGUEVAQUES*

La main sur le cœur comme pour tenter d’excuser leur décision, les juges d’instructions concluent leur ordonnance par cinq pages d’explications sur les raisons de leur non-lieu concernant ce qu’elles qualifient de « scandale sanitaire », une « atteinte environnementale dont les conséquences humaines, économiques et sociales affectent et affecteront pour de longues années la vie quotidienne des habitants » de Martinique et de Guadeloupe.
 
Puis, elles expliquent qu’il serait difficile de « rapporter la preuve pénale des faits dénoncés », « commis 10, 15 ou 30 ans avant le dépôt de plaintes », la première l’ayant été en 2006.
 
On pourrait leur répondre qu’en raison de la présence du chlordecone dans l’eau et certains aliments, la contamination de nouvelles générations continuent ICI et MAINTENANT. Dès lors, le point de départ de la prescription est renouvelé à chaque exposition ce pesticide.
 
Par ailleurs, pour démontrer une « faute pénale » encore faut-il la chercher et pas seulement dans les années 80.
 
Dans le mémoire de 240 pages déposés en décembre 2022 (mais a-t-il été ouvert ?) nous expliquions que les abstentions fautives des préfets et des directeurs d’ARS (ou de DDAS) permettaient de faire partir le point de départ de la prescription à partir de 2004.

Les magistrates soulignent également « l’état des connaissances techniques ou scientifiques » au début des années 1990 : « le faisceau d’arguments scientifiques ne permettait pas » d’établir « le lien de causalité certain exigé par le droit pénal », entre la substance en cause d’un côté et l’impact sur la santé de l’autre.  

Comment osent-elles écrire une telle contre vérité historique et scientifique :
1962 – les études communiquées par le fabricant US démontrent la cancérogénèse sur les rats et les souris
1968 – La commission des toxiques du ministère de l’Agriculture, à Paris, refuse l’homologation en raison de sa dangerosité et de sa permanence.
1975 – Accident d’Hopewell (Virginie, USA) – Fermeture de l’usine, interdiction de la production, de la commercialisation et de l’usage sur le territoire US. Début de la dépollution de l’environnement
1979 – L’OMS classe le chlordecone comme cancérigène probable
1980 – L’Allemagne de l’Ouest (RFA) et la Suède interdisent le chlordecone – Début des manœuvres européennes pour interdire le pesticide
1990 – Interdiction en France en raison de sa dangerosité !

Les deux juges invitent assez ouvertement les victimes du chlordécone à profiter de « la causalité aujourd’hui établie » entre le pesticide et les dommages subis par la population pour saisir « d’autres instances pour obtenir une indemnisation d’un préjudice corporel », ce qui pourrait passer par la justice civile.  

Il est trop facile de renvoyer vers le juge civil et de laisser les coupables profiter des gains tachés de sang. Il est impensable que les responsables meurent sans rendre des comptes (Jacques Chirac, Yves Hayot, Bernard Pons). Il est injustice que les entreprises qui ont profité de ce produit mortel continuent de régenter les Antilles et d’obtenir les faveurs des pouvoirs publics voire la bienveillance de la justice qui préfère sanctionner les jeunes exprimant leur colère contre les profiteurs et les bénéficiaires de ce « crime colonial ».
 
Dans les prochains jours, je proposerai à mes clients d’interjeter appel de cette décision inique, basée sur des faits mensongers et méprisant les règles élémentaires de droit.
 
Je proposerai également aux avocats des parties civiles des procédures nouvelles et notamment des citations directes pour qu’un tribunal impartial écoute les faits, vérifie l’application du droit et rende enfin une décision juste et équitable.

Paris, le 5 janvier 2022

NB : les passages cités émanent d’une dépêche AFP car AUCUN avocat n’a encore reçu la décision rendue …

*Christophe Lèguevaques, avocat de certaines parties civiles

Le Dr Malcom Ferdinand, de la Martinique, et Patricia Chatenay-Rivauday, de la Guadeloupe, parties civiles dans cette procédure pénale, font savoir qu’il interjètent d’office appel via leur avocat, Maître Christophe Lèguevaques.

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