Opinion. Michel N. Christophe : « Comment une société se développe avec une jeunesse à genoux ? »

Professeur de leadership et auteur, Michel N. Christophe aborde une problématique qui l’interpelle depuis son retour en Guadeloupe, celle des jeunes hommes maternés à outrance, incapables de penser par eux-mêmes.

Des garçons au verbe « tèbè », trop nerveux, incertains, incapables de faire face aux difficultés de la vie adulte, de penser par eux-mêmes, et d’assumer la responsabilité de leur propre développement occupent tout l’espace.

Des perdants avant la course

Depuis mon retour en Guadeloupe, les jeunes hommes que je rencontre sont maternés à outrance par leurs mères au point de pratiquement passer pour des handicapés. Ils ne font rien sans validation maternelle, ne savent rien faire tout seuls. On dirait qu’ils manquent d’esprit d’initiative.

Trop d’amour en retour de rien du tout et le cycle de la perdition commence. On en fait des perdants avant même que la course de la vie dans le monde adulte n’ait commencée. Comment une société se développe-t-elle si en son sein elle est rongée par autant de dépendance ? Si sa jeunesse est à genoux ?

Incapables de faire face aux difficultés de la vie

J’avais constaté les effets dévastateurs de cette aberration à l’échelle de ma petite famille, mais maintenant le phénomène semble avoir pris de l’ampleur. S’il vous plaît, rassurez-moi et prouvez-moi que je me trompe !

Des garçons au verbe « tèbè », trop nerveux, incertains, incapables de faire face aux difficultés de la vie adulte, de penser par eux-mêmes, et d’assumer la responsabilité de leur propre développement occupent tout l’espace.

Une codépendance affirmée vis-à-vis de leur « manman »

Qu’attend-on d’un homme en Guadeloupe, aujourd’hui ? N’y a-t-il de place que pour la niaiserie ?

Ces jeunes Bisounours ont des points communs. Souvent le produit de la séparation, ils sont élevés par leurs mères, avec une piètre image paternelle. Ils s’étourdissent à l’alcool et à l’herbe, et manifestent une codépendance affirmée vis-à-vis de leur « manman », des jupons desquels ils n’arrivent pas à se dépêtrer.

Nos femmes ont un problème avec leurs fils qu’elles couvent trop. Elles s’y attachent si fort qu’en se faisant, elles les privent de leur libre-arbitre, de toute possibilité de responsabilisation, et surtout, de l’occasion de se débrouiller tout seuls.  

Notre société est profondément malade

Mais le problème de ces jeunes, et le problème de ces femmes, ne serait-il pas un prolongement et la conséquence de la faiblesse, de la dépendance, de l’immaturité, et de l’insignifiance de leurs pères ? J’aurais tellement aimé avoir tort !

N’avons-nous pas affaire, plus généralement, à un problème familial, transgénérationnel, qui touche de plus en plus de monde, là où l’autorité morale flanche ?

Notre société est profondément malade. Ne devons-nous pas nous regarder en face pour commencer à discuter franchement et honnêtement, à mettre toutes les cartes sur table pour enfin soigner nos maux nous-mêmes ?

Eveiller les consciences

Dans quelle mesure sommes-nous responsables de nous-mêmes et de ce qui nous arrive ? Notre cécité est-elle programmée ou volontaire ? 

Ou serait-il plus facile d’éliminer le messager ? Mon rôle n’aura jamais été de caresser vos consciences dans le sens du poil, mais de toujours les questionner !

Michel N. Christophe, auteur et professeur de leadership

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