PAR OLIVIER NICOLAS*
En déplacement en Corse le 28 septembre 2023, le président de la République Emmanuel Macron a invité les élus corses à « bâtir une autonomie à la Corse dans la République ». Une autonomie qu’il précise sans désengagement de l’Etat : « ce ne sera pas une autonomie contre l’Etat, ni une autonomie sans l’Etat, mais une autonomie pour la Corse et dans la République ».
Ainsi, le chef de l’Etat donne six mois au Gouvernement et aux élus corses pour aboutir à un « texte constitutionnel et organique » qui servirait ensuite de base à une « révision constitutionnelle ».
Les socialistes de Guadeloupe sont prêts à saluer cette ouverture du président de la République. Celle-ci confirme en effet le bien-fondé de l’approche qu’ils défendent dans leur contribution aux travaux du dernier congrès des élus intitulée « Elargir le champ des possibles » : une révision constitutionnelle est bien nécessaire pour faire évoluer le cadre actuel qui ne permet pas aux territoires non hexagonaux de la France — la Corse et les Outre-mer — de voir leurs spécificités et leurs intérêts propres mieux pris en compte au sein de la République. Mais, pour l’heure, une grande prudence doit rester de mise.
D’abord, parce que rien n’indique encore que le président de la République soit prêt à élargir ce chantier constitutionnel ouvert pour la Corse — et qui concerne également la Nouvelle-Calédonie — aux autres territoires ultramarins malgré les demandes formulées en ce sens par les parlementaires et élus des Outre-mer qu’il avait rencontrés en septembre 2022.
Rappelons, d’ailleurs, que le ministre de l’Intérieur en charge de nos territoires, Gérald Darmanin, conditionnait encore récemment une éventuelle voie vers l’autonomie pour les départements d’Outre-mer à une autosuffisance alimentaire et énergétique qui, dans un étrange « deux poids, deux mesures », n’est pas objectée à la Corse aujourd’hui…
Ensuite, parce qu’au-delà des contours encore flous sur bien des aspects de « l’autonomie à la Corse dans la République », le succès de ce chantier constitutionnel est loin d’être assuré.
Le président de la République ne dispose pas d’une majorité simple à l’Assemblée nationale et au Sénat, ce qui rend très hypothétique sa capacité à réunir autour d’un texte suffisamment consensuel la majorité qualifiée des 3/5e au congrès des députés et des sénateurs nécessaire pour adopter une révision constitutionnelle. Enfin — et c’est sans doute le plus inquiétant -—parce que les belles promesses et les travaux initiés lors du XVIIe Congrès des élus départementaux et régionaux de juin 2023 sont aujourd’hui au point mort, manifestement englués depuis trois mois dans les déchirements au sein de la « gouvernance concertée » entre le président de Région et le président du Département.
De sorte que la Guadeloupe, faute d’un travail approfondi et abouti sur ses options préférentielles en matière de gouvernance, n’apparaît pas encore prête à participer pleinement et utilement aux réflexions ouvertes par le président de la République en Corse.
C’est pourquoi les socialistes de Guadeloupe en appellent à la responsabilité des élus et des autres partis politiques : il faut reprendre le travail commun autour de ces enjeux afin de ne pas laisser passer le train de changements constitutionnels nécessaires à la redéfinition de la place des Outre-mer au sein de la République.
*Premier secrétaire fédéral