Opinion. Les communes ne peuvent plus jouer aujourd’hui le rôle d’amortisseur social

PAR MARYSE ETZOL*

La commune de Grand-Bourg de Marie-Galante, dont Maryse Etzol est maire, collectivité en plan de redressement, sort du rouge. La chambre régionale des comptes a rendu un avis favorable après étude du compte administratif 2023 et du budget primitif 2024. Elle constate que le budget de la collectivité pour 2024 est en équilibre réel, après les corrections de la chambre, et qu’il comporte les mesures suffisantes propres à résorber le déficit. Maryse Etzol réagit dans cette tribune.

L’action publique locale est, de manière générale, dépendante des ressources disponibles, aussi bien du point de vue des moyens humains que des moyens financiers.

Ces dernières années, la commune de Grand-Bourg a vu ses moyens d’action très contraints, car elle a été confrontée à un déficit structurel. En effet, d’une part, nous avions un personnel titulaire très nombreux (204 agents en 2015), représentant le double de la moyenne antillo-guyanaise pour une commune de notre taille et un ratio de 80 % de coût du personnel dans nos dépenses de fonctionnement, contre une moyenne nationale de 50 % pour les communes. Ce personnel arrivait en outre en fin de carrière, avec un âge moyen proche de 55 ans, ce qui représentait un coût encore plus élevé pour la collectivité. D’autre part, nous avons été confrontés à une baisse de la dotation globale de fonctionnement de 2012 à 2017, avec près de 1,6 million d’euros de perdus annuellement en cumulé.

Cette double difficulté de dépenses de personnel élevées et de recettes en baisse nous a conduit à un déficit cumulé de plus de 4,5 millions d’euros en 2019.

Moi-même et mon équipe municipale avons alors tout mis en œuvre pour retrouver les moyens de notre action publique. Il s’agissait de limiter les dépenses au maximum, ce qui est passé par le non-remplacement des départs en retraite et par une meilleure maîtrise des achats, tout en faisant le choix de ne pas augmenter les impôts locaux, contrairement aux recommandations de la CRC. De 2020 à 2023, moi-même et les membres de mon équipe municipale avons aussi renoncé à nos indemnités, contribuant aux économies réalisées par la commune.

Les moyens de l’action publique sont financiers, mais aussi humains. Le non-remplacement des départs en retraite entraîne une nécessaire réorganisation des services pour redéployer les agents restant en poste et les former à exercer de nouvelles missions. Passer de 204 agents en 2015 à 170 en 2020 et 125 en juillet 2024 ne se fait pas sans une réorganisation profonde des services, que nous sommes en train de poursuivre, car nous devons revenir à un nombre d’agents communaux correspondant aux moyennes nationale ou antillaise pour une commune de notre taille, soit autour de 70 agents.

Réduire le coût consacré au personnel permet progressivement à la commune de Grand-Bourg de retrouver des moyens d’action dans le cadre national qui lui est donné. Cela permet de rediriger les économies réalisées sur le renforcement des outils de travail fournis aux agents, sur l’amélioration de leurs conditions de travail et enfin sur la réalisation des investissements indispensables au maintien de nos infrastructures et équipements publics. Le contrat de redressement outre-mer (COROM) conclu en 2023 avec l’Etat nous permet d’accélérer le redressement de la commune et de bénéficier d’une assistance technique complémentaire.

Progressivement, Grand-Bourg améliore ses finances et son fonctionnement. Dans son dernier rapport d’analyse de notre compte administratif 2023 et de notre budget primitif 2024, la Chambre régionale des comptes reconnaît cette amélioration et confirme que nous aurons résorbé l’intégralité de notre déficit à la fin de l’exercice budgétaire 2024. Elle indique au préfet que la commune a terminé son redressement et qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la procédure de saisine des comptes et du budget. La trajectoire de redressement prévue par la CRC en 2020 n’est pas exactement respectée, car il faut aussi noter que depuis 2020, la commune de Grand-Bourg a dû absorber de nombreuses réformes décidées par l’Etat au bénéfice des agents, dont les récentes hausses successives de point d’indice et les reclassements indiciaires, qui ont absorbé une grande partie des gains générés par les départs à la retraite non remplacés.

Cette nouvelle est toutefois une grande victoire pour nous, car elle confirme officiellement que tous les efforts consentis ont payé et que nous sommes sur la bonne voie. En revanche, et je tiens à le souligner, la résorption actée du déficit fin 2024 ne signifie pas pour autant que nous en avons terminé avec nos efforts. Elle signifie que nous devons poursuivre dans cette voie de maîtrise des dépenses et d’amélioration des recettes. Elle signifie aussi que, désormais, les excédents dégagés en fonctionnement ne serviront plus à réduire le déficit, mais serviront pleinement à réaliser les investissements dont Grand-Bourg a tant besoin pour ses infrastructures (je pense à de nombreuses routes communales qui doivent être refaites) et pour ses équipements (extension nécessaire du cimetière, réparation des bâtiments communaux).

Concernant nos recettes, je souhaite continuer à porter un large effort d’élargissement des bases fiscales, en partenariat avec la Direction générale des Finances publiques et notre police de l’urbanisme. Le but de ce travail est que toutes les constructions soient correctement recensées dans les bases fiscales, afin que l’impôt soit équitable pour tous. Je formule aussi le vœu que des bases fiscales correctement recensées nous permettent à terme de revoir à la baisse la pression fiscale exercée par les impôts locaux sur les ménages de Grand-Bourg, dont les revenus restent parmi les moins élevés de la Guadeloupe.

La position des collectivités territoriales de Marie-Galante a été, pendant de nombreuses années, de servir d’amortisseur social, en fournissant aux familles des emplois inexistants dans le secteur privé. Je rappelle que près de la moitié des postes de travail à Marie-Galante sont fournis par le secteur public. Toutefois, les communes ne peuvent plus jouer aujourd’hui ce rôle d’amortisseur social, car elles n’en ont plus les moyens. Le redressement de la commune de Grand-Bourg nous permet d’investir à nouveau dans les équipements et infrastructures de notre territoire, mais nous ne pouvons plus jouer ce rôle d’employeur qui faisait tourner l’économie. Notre rôle est désormais d’encourager au maximum le développement d’activités économiques privées, en exploitant les potentiels de Marie-Galante, qui sont très nombreux, que ce soit dans le secteur agricole et de l’agro-transformation ou le secteur touristique.

* Maire de Grand-Bourg, présidente de la Communauté de communes de Marie-Galante.

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