Opinion. L’épargne en Guadeloupe n’est malheureusement pas un levier pour un développement endogène et productif !

PAR JEAN-MARIE NOL

En Guadeloupe, l’épargne accumulée par la population représente un potentiel considérable pour stimuler un développement économique et social durable.

Pourtant, la mobilisation de cette épargne, particulièrement celle de la classe moyenne, demeure un défi majeur. Les Guadeloupéens continuent de privilégier les investissements dans l’immobilier et de laisser de côté les placements en bourse, révélant une aversion pour le risque caractéristique de pertes financières potentielles.

Un autre phénomène préoccupant est l’augmentation des dépôts à vue, c’est-à-dire de l’argent laissé sur des comptes courants non rémunérés. Aujourd’hui, ces dépôts atteignent 2,4 milliards d’euros, soit une augmentation de 64 millions en quelques mois seulement.

Ce comportement s’explique en partie par le contexte économique et politique global. La hausse des taux d’intérêt, qui avait rendu certains produits d’épargne comme le Livret A plus attractifs, a été suivie d’un retournement. Face aux incertitudes géopolitiques, notamment au Proche-Orient, et aux fluctuations économiques mondiales, les ménages préfèrent la prudence. Même avec un recul de l’inflation, la peur d’un nouveau choc économique persiste, poussant les Guadeloupéens à conserver leur argent plutôt que de le placer.

Cependant, cette prudence a un coût. En laissant leur épargne sur des comptes non rémunérés, les Guadeloupéens manquent des opportunités de rendement qui pourraient être réinjectées dans l’économie locale. Les fonds en euros, par exemple, présentent un attrait certain avec leur effet cliquet, où les intérêts générés chaque année sont capitalisés et deviennent à leur tour rémunérateurs.

Ces fonds représentent aujourd’hui 60% des sommes investies dans l’assurance-vie en France, soulignant un changement progressif mais significatif dans les comportements d’épargne. La Guadeloupe pourrait tirer parti de cette épargne pour financer des projets structurants, créateurs d’emplois et de richesse.

Pour cela, il est crucial de réorienter les mentalités vers des investissements plus productifs. Une sensibilisation accrue des ménages aux divers produits financiers et à leurs avantages pourrait ainsi transformer cette épargne dormante en un véritable moteur de développement. Ce changement de paradigme serait un pas décisif vers un nouveau modèle économique, où l’épargne locale joue un rôle central dans la construction d’une économie plus résiliente et dynamique.

En Guadeloupe, l’épargne représente un levier économique considérable qui, pourtant, demeure sous-exploité dans la dynamique de développement endogène et productif. Bien que l’épargne accumulée par la population, en particulier celle de la classe moyenne, atteigne des montants significatifs, sa mobilisation en faveur de l’économie locale se heurte à plusieurs obstacles structurels et culturels.

L’une des premières barrières identifiées est la faiblesse structurelle des entreprises locales. En Guadeloupe, les entreprises sont majoritairement de très petite taille, souvent sous-capitalisées, et présentent un fort taux de mortalité dès leur création. Cette fragilité décourage les organismes de capital-risque externes, tandis que les solutions internes, lorsqu’elles existent, sont souvent marginales ou dysfonctionnelles.

Ce manque de soutien financier pour les entreprises locales, pourtant au cœur du tissu économique de l’île, est exacerbé par une solidarité financière pratiquement inexistante, malgré une solidarité sociale bien ancrée dans la population. Le contexte fiscal guadeloupéen est pourtant attractif, avec une épargne totale dépassant les 4 milliards d’euros.

Un simple redéploiement de 10 % de cette somme suffirait à combler les besoins de financement des très petites entreprises (TPE). Cependant, l’épargne des Guadeloupéens s’oriente principalement vers l’immobilier ou les produits financiers des banques métropolitaines, au détriment de l’investissement local.

Cette tendance est en partie due à une aversion pour le risque et à une préférence marquée pour les placements sécurisés, notamment en immobilier. Les banques, quant à elles, limitent leurs concours aux TPE en raison d’une perception de risque élevé en Guadeloupe et de la pression des nouvelles normes financières. Cette situation pose la question de l’efficacité des dispositifs actuels pour mobiliser l’épargne vers des investissements productifs.

Des solutions telles que les clubs d’investissements et la création d’une société financière de développement pourraient potentiellement réorienter cette épargne vers des projets locaux, mais ces initiatives restent aujourd’hui encore inexistantes voire marginales.

Le contexte économique et social mondial, marqué par des tensions commerciales entre grandes puissances comme les États-Unis et la Chine, ainsi que par l’évolution rapide des nouvelles technologies, impose une révision du modèle économique des DROM, dont la Guadeloupe fait partie. Les économistes sont unanimes : le modèle actuel de consommation, fondé sur une dépendance aux aides publiques et sur un secteur public hypertrophié, est voué à une transformation profonde.

La France, confrontée à une dette publique écrasante et à des déficits budgétaires chroniques, n’a plus la capacité de maintenir le niveau actuel de subventions et d’avantages sociaux dans les DROM. Cette réalité impose une transition vers un modèle économique plus autonome, centré sur la production locale. Pour que cette transition soit possible, il est crucial de réveiller le potentiel de l’épargne locale.

La Guadeloupe dispose d’une capacité de production largement sous-exploitée, et les entreprises locales ont la possibilité de s’ouvrir à des marchés régionaux, notamment dans la zone Caraïbe. Cependant, l’économie guadeloupéenne a été maintenue dans un état d’anesthésie par un système d’assistanat et des aides publiques qui n’ont pas réussi à stimuler un développement économique durable ni à réduire efficacement le chômage.

Les défis actuels sont donc multiples : réorienter l’épargne des ménages vers des investissements productifs, sensibiliser la population aux opportunités d’investissement local, et repenser les politiques publiques pour favoriser un développement économique qui ne repose plus uniquement sur la consommation et les aides extérieures, mais sur une production locale dynamique.La prudence des Guadeloupéens, illustrée par une augmentation des dépôts à vue non rémunérés, reflète un climat d’incertitude économique et politique.

Face aux risques perçus, notamment ceux liés à la géopolitique et aux fluctuations économiques mondiales, les ménages préfèrent conserver leur argent plutôt que de l’investir. Cette prudence, bien que compréhensible, a un coût important pour l’économie locale, car elle prive la Guadeloupe de ressources qui pourraient être mobilisées pour financer des projets structurants et créateurs d’emplois.

En somme, la situation économique de la Guadeloupe requiert un changement de paradigme. Il est nécessaire de transformer cette épargne dormante en un moteur de développement, en réorientant les mentalités vers des investissements plus productifs et en exploitant pleinement les opportunités offertes par les fonds locaux.

Une telle évolution pourrait permettre à la Guadeloupe de construire une économie de production plus résiliente, moins dépendante des aides extérieures, et capable de s’adapter aux défis d’un monde en constante mutation économique et technologique .

« L’argent parle raison dans un langage que comprennent toutes les nations. »

Economiste et ancien directeur de banque 

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