PAR JEAN-MARIE NOL*
Alors que la France traverse une crise institutionnelle et budgétaire sans précédent, la Guadeloupe et la Martinique se retrouvent à un carrefour complexe, pris entre les contraintes d’un déficit public abyssal et les perspectives d’une chute du niveau de vie de la classe moyenne.
La chute du gouvernement Barnier a exacerbé une situation déjà critique, où le poids des responsabilités financières et les choix politiques nationaux semblent converger pour exiger des sacrifices inévitables de l’archipel. Il est incontestable que la censure qui a provoqué la chute du gouvernement Barnier entraîne avec elle son projet de budget.
Une « disparition » dont le monde de l’entreprise redoute qu’elle renforce encore son insécurité fiscale et financière. De fait depuis 6 mois et la dissolution, tous les indicateurs économiques français montrent que les entreprises freinent leurs décisions d’investissements et d’embauches. Un phénomène qui touche aussi les collectivités… Qui sont des clientes pour beaucoup d’entreprises.
En l’espèce, c’est un fait que l’argent magique n’existe plus, mais il y a toujours 60 milliards d’euros d’économies à trouver très rapidement. Certains pourtant espéraient qu’à la mesure du temps, les alternances passant, les exemples de réussites étrangères contre la crise de la dette finissant par faire pédagogie, la France allait enfin faire siens quelques rudiments en économie. Quelques principes tels qu’on ne dépense pas plus qu’on ne gagne, qu’on doit produire avant de distribuer, qu’il n’y a pas de richesse sans travail.
Mais, c’est l’image de la danse du limbo du président Emmanuel Macron et de nos députés qui résume le mieux les obstacles qui nous attendent de façon crantée avec la baisse de la croissance et la hausse exponentielle des défaillances d’entreprises attendues dans les prochains mois en France. Et pourtant, Nul entreprise de remise en cause des responsables politiques à l’horizon, ni d’un sursaut de clairvoyance que nous vivons au dessus de nos moyens.
Sans conteste, aujourd’hui nos élus et responsables publics dansent le limbo sur le Tempo du président et la petite musique d’une politique française qui devient incandescente. Cette métaphore de la danse limbo sous une barre de fer qui devient incandescente est une expression imagée .
Elle signifie que la situation politique en France atteint de manière graduelle un niveau de tension ou d’intensité très élevé, au point final de devenir brûlante, difficile à maîtriser ou explosive.
Pour mieux comprendre cette métaphore de la danse limbo qui est le contraire de l’image d’Épinal , qui désigne elle une vision emphatique, traditionnelle et naïve, et qui ne montre que le bon côté des choses, il convient d’en expliciter le sens traditionnel et de le transposer à la politique actuelle française qui évoque une atmosphère brûlante ou en effervescence depuis la censure.
En Guadeloupe, le limbo est une sorte de danse qui consiste à passer et repasser le buste tourné vers le ciel sous un bâton ou une barre de fer horizontal, que l’on descend au fur et à mesure et que parfois l’on enflamme au moment crescendo, c’est à dire à l’instant où le danseur est placé de plus en plus près du sol, sans jamais le toucher.
Appliqué à la politique, cela suggère une montée des conflits au fur et à mesure, des débats houleux, des divisions profondes ou une crise majeure. Cela peut également refléter des manifestations, des désaccords violents, ou une situation où les décisions ou les positions politiques deviennent particulièrement passionnées ou polarisées.
En clair , cette danse limbo indique que la scène politique française est marquée par des tensions extrêmes et une intensité inhabituelle. Et c’est cette image de la barre enflammée qui est descendu depuis la censure d’un cran par le président Emmanuel Macron, le maître du Tempo qui caractérise le mieux la situation difficile des danseurs , en l’occurrence les députés , découlant de la gestion acrobatique des finances publiques de la France.
La trajectoire incertaine des finances publiques françaises laisse entrevoir des conséquences significatives et souvent insoupçonnées pour la Guadeloupe et la Martinique . Dans un contexte où le climat social et l’état des comptes publics français suscite des alertes à la fois au sein du ministère des Finances et de l’Union européenne, les perspectives économiques des pays de l’Outre Mer paraissent étroitement liées à la situation budgétaire nationale. Une réalité qui, si elle demeure souvent perçue comme lointaine, pourrait pourtant amplifier les fragilités structurelles des territoires .
Les chiffres parlent d’eux-mêmes et dessinent un tableau préoccupant, tant pour la France que pour ses territoires ultramarins.
Le déficit public français, qui devrait dépasser 6 % du PIB cette année contre 5,1 % initialement prévu, témoigne d’une dérive budgétaire alarmante. Cette situation s’explique par des recettes fiscales inférieures aux attentes, conséquence d’une croissance davantage portée par les exportations que par la consommation interne, et par des dépenses des collectivités locales excédant les prévisions à hauteur de 16 milliards d’euros.
Le constat est sans appel : en 2023, les dépenses de l’État ont atteint 454 milliards d’euros, avec un déficit de 173 milliards, soit un trou équivalent à 38 % des dépenses effectuées. À titre de comparaison, c’est comme si un ménage gagnait 1 000 euros par mois tout en dépensant 1 380 euros.
Cette gestion déficitaire a entraîné une explosion de la dette publique, qui s’élève désormais à 112 % du PIB, soit 3 228,4 milliards d’euros à la fin du deuxième trimestre 2024. Cette augmentation résulte principalement de l’endettement de l’État, qui a bondi de près de 70 milliards d’euros en seulement peu de temps.
Cette situation n’est pas sans conséquence sur la capacité de la France à emprunter sur les marchés : le taux d’emprunt à 10 ans a récemment dépassé celui de la Grèce et de l’Espagne, une première en près de 18 ans, reflétant la perte de confiance des investisseurs. Avec un programme d’emprunt qui pourrait franchir la barre symbolique des 300 milliards d’euros en 2025, la France se trouve dans une position délicate où chaque décision budgétaire devient critique.
Au-delà des chiffres nationaux, les répercussions sur la Guadeloupe et la Martinique s’annoncent particulièrement complexes. Déjà confrontée à des défis économiques et sociaux de grande ampleur, l’archipel guadeloupéen pourrait voir ses fragilités exacerbées par une réduction des soutiens financiers de l’État.
Les conséquences d’un « budget technique », si celui-ci devait être reconduit en l’absence d’un accord sur le budget 2025, seraient lourdes pour les collectivités locales et les ménages ultramarins. Les secteurs clés comme la santé, l’éducation ou encore les infrastructures risquent de subir d’importantes coupes budgétaires, accentuant les inégalités et limitant les perspectives de développement.
La situation budgétaire française est également source de tensions au sein de l’Union européenne. Avec une procédure de déficit excessif engagée contre la France et six autres pays de la zone euro, les règles européennes imposant une limite de 3 % de déficit public et de 60 % d’endettement par rapport au PIB semblent de plus en plus hors de portée pour Paris. Si la France pourrait éviter des sanctions financières en proposant des mesures d’économies, ces ajustements risquent de se faire au détriment des territoires les plus vulnérables, dont la Guadeloupe et la Martinique.
Les îles des Antilles, déjà marquées par des inégalités sociales persistantes et un sous-financement chronique de leurs infrastructures, pourraient ainsi pâtir des arbitrages budgétaires nationaux.
Malgré ce tableau inquiétant, des solutions temporaires pourraient permettre d’éviter une crise immédiate. La mise en œuvre de lois spéciales ou d’ordonnances pourrait assurer la continuité des paiements pour les fonctionnaires et les prestations sociales. Toutefois, ces mesures d’urgence ne suffiront pas à pallier les défis structurels auxquels la Guadeloupe et surtout la Martinique restent confrontées.
La question de l’autonomie, évoquée comme une réponse potentielle à la crise, reste complexe et source de division. Si elle offre l’opportunité de prendre en main le destin du territoire, elle implique également des responsabilités budgétaires accrues, nécessitant des sacrifices importants pour les ménages et les collectivités.
La Guadeloupe, déjà confrontée à des défis structurels, se retrouve à un tournant historique marqué par les bouleversements politiques et économiques en France. La chute récente du gouvernement Barnier, alimentée par une opposition massive des députés ultramarins, place l’archipel dans une situation de vulnérabilité accrue.
Cette instabilité, associée à une orientation vers une stagflation de l’économie, risque d’exiger des sacrifices importants des Guadeloupéens. Ces sacrifices, inévitables selon les économistes, découlent autant de facteurs internes que des choix politiques et budgétaires de l’État français.
Les chiffres de la crise budgétaire française sont rappelons le alarmants : un déficit public record de 178,2 milliards d’euros en 2024, atteignant 6,1 % du PIB, une dette nationale dépassant les 3 200 milliards d’euros, et des taux d’emprunt en hausse constante. À ces données s’ajoutent les failles structurelles de l’économie guadeloupéenne et Martiniquaise, marquée par un taux de chômage élevé, une dépendance quasi-totale aux transferts financiers de l’État et une fragilité des entreprises voire même des infrastructures souvent vétustes à l’image des réseaux d’eau et d’assainissement.
Dans ce contexte délétère, la situation s’apparente déjà présentement avec la crise de la vie chère en Martinique à une danse Limbo périlleuse, où chaque faux pas de ses responsables politiques et économiques qui dansent en équilibre précaire sous le passage d’une barre incandescente et qui descend de cran en cran pourrait précipiter l’île dans une crise plus profonde.
De plus, les dépenses sociales, automatiquement indexées sur l’inflation, continueront d’augmenter, réduisant les marges de manœuvre pour d’autres investissements et pénalisant la gestion budgétaire des collectivités locales .
La suppression envisagée de certaines hausses d’impôts, notamment sur les très hauts revenus et les grandes entreprises, privera également l’État de recettes nécessaires pour soutenir financièrement les territoires en difficulté. Dans ce contexte, la Guadeloupe et la Martinique, déjà confrontées à un sous-financement chronique de leurs infrastructures, pourrait voir les besoins financiers relégués au second plan.
Le renversement du gouvernement Barnier, symbolise la fracture croissante entre Paris et ses territoires d’outre-mer. Si ce geste politique reflète une volonté d’autonomie et une contestation des politiques nationales jugées inadaptées, il a également eu pour effet de plonger la France dans une instabilité budgétaire dont les répercussions se feront lourdement sentir en Guadeloupe et surtout en Martinique .
Pour les habitants de l’archipel guadeloupéen et de la Martinique , les sacrifices à venir semblent inéluctables. L’un des premiers impacts tangibles pourrait se traduire par une hausse des impôts, notamment de l’impôt sur le revenu, en raison de l’absence de réindexation du barème des tranches d’imposition. En métropole, près de 18 millions de contribuables seront touchés, et les Guadeloupéens et Martiniquais, jusque-là relativement protégés, ne seront pas épargnés.
Par ailleurs, le ralentissement des investissements publics, combiné à l’augmentation des charges des collectivités, risque d’entraîner une hausse des impôts locaux et de creuser davantage les disparités économiques et sociales. Les ménages et les petites entreprises, déjà fragilisés par la crise économique et les tensions sociales d’origine inflationnistes, pourraient être les premières victimes de ces ajustements.
Malgré ces sombres perspectives, certains experts estiment que la Guadeloupe pourrait éviter une « tempête économique » totale grâce à des mesures transitoires mises en œuvre par l’État, telles que des ordonnances ou des lois spéciales. Ces mécanismes permettraient de maintenir une continuité administrative minimale .
Cependant, ces solutions ne résoudront pas les problèmes structurels auxquels l’île est confrontée. La dépendance à l’État central, la vie chère, le manque de diversification économique et les inégalités sociales persistantes nécessitent des réformes profondes, qui devront être portées par une vision politique claire et une mobilisation collective.
La Guadeloupe se trouve à un moment charnière de son avenir. Entre les contraintes budgétaires imposées par la France, les aspirations autonomistes et les défis économiques locaux, le chemin à suivre sera semé d’embûches. Les sacrifices, bien que douloureux, pourraient ouvrir la voie à une plus grande résilience et à une prise de responsabilité collective. L’avenir de la Guadeloupe se joue donc à la croisée de choix politiques délicats et de contraintes économiques grandissantes. Les sacrifices à venir, bien qu’inévitables, posent une question essentielle : permettront-ils de construire un territoire plus autonome et résilient, ou approfondiront-ils les fractures existantes ? Dans un contexte de pressions financières sans précédent, la réponse à cette question déterminera le visage de la Guadeloupe dans les décennies à venir.
Mais reste à savoir si les dirigeants locaux et nationaux sauront transformer cette période de crise en une opportunité pour réinventer la relation entre Paris et ses territoires d’outre-mer, en plaçant enfin la Guadeloupe sur la voie d’un développement durable et équitable. Pas sûr du tout que celà s’avère possible de passer le dernier cran de la barre enflammée dans le cadre actuel du climat devenu incandescent de la danse limbo et éviter ainsi une situation sacrificielle pour la France et l’Outre Mer .
« Avan tiraj tout lotri bèl »
Traduction Littérale : Avant le tirage toutes les loteries sont belles
Moralité : L’espoir fait vivre en période précédent la joie comme la déception …
*Economiste