Opinion. Le rôle des Amériques dans la crise alimentaire mondiale

Directeur général de l’Institut interaméricain de coopération agricole, le Dr Manuel Otero considère que la guerre ne fait que réaffirmer que la région américaine, incluant les pays de la Caraïbe, devrait renforcer son rôle de premier plan en tant que garant d’un approvisionnement alimentaire mondial sain et abondant.

Il y a eu une convergence des pires facteurs possibles : une pandémie, la désintégration des chaînes logistiques, des sécheresses extrêmes, la vulnérabilité climatique globale et une guerre entre deux acteurs de premier plan de l’agroalimentaire et de la production et du commerce d’énergie, perturbant ainsi les marchés et détruisant les infrastructures de production.

Les tensions croissantes déstabilisent le fragile équilibre de la sécurité alimentaire, nutritionnelle et environnementale de la planète. Pendant ce temps, l’inquiétude persistante des pays au sujet d’une autre équation sensible s’intensifie également : comment fournir à leur population de la nourriture à des prix abordables, tout en assurant aux agriculteurs un niveau minimal de rentabilité ?

Développer l’exportation et le commerce intrarégional

L’Amérique latine et les Caraïbes sont la principale région exportatrice nette de produits alimentaires du monde. Si l’on inclut l’Amérique du Nord, près d’un tiers des aliments produits et consommés sur la planète proviennent des Amériques.

Cependant, cette vision à vol d’oiseau ne révèle pas les réalités contrastées d’une région hétérogène dans laquelle les grands exportateurs (principalement les pays du Mercosur) coexistent avec les importateurs nets de produits alimentaires. La région a un panier d’exportations à valeur ajoutée relativement faible et un faible niveau de commerce intrarégional (14 %), par rapport au commerce en Amérique du Nord (46 %) et dans l’Union européenne (65 %).

La pauvreté et l’extrême pauvreté se multiplient

Socialement, la pandémie nous a fait reculer de près de deux décennies. La pauvreté et l’extrême pauvreté se sont multipliées, de même que l’insécurité alimentaire, tandis que les projections d’une faible expansion économique sont préoccupantes, car nous pourrions être confrontés à une autre décennie perdue en termes de développement.

La guerre crée une pression supplémentaire et frappe des exportations spécifiques de pays tels que l’Équateur, la Colombie, le Paraguay et l’Uruguay, qui ont une quantité importante d’échanges commerciaux avec le marché russe dans des produits tels que la banane, le bœuf et les produits laitiers.

Un coup dur pour les pays où la malnutrition est répandue

La hausse du prix des denrées alimentaires sera un coup dur pour les pays où la malnutrition est répandue, comme Haïti, les pays du Triangle du Nord de l’Amérique centrale, ainsi que la Grenade, le Venezuela, la Bolivie, le Nicaragua et Sainte-Lucie.

La hausse des prix de l’énergie a également un effet multiplicateur sur les coûts des intrants, des produits et des services tout au long des chaînes agroalimentaires.

Pendant ce temps, la Russie et la Biélorussie – les principaux fournisseurs traditionnels d’engrais à base d’azote, de phosphore et de potassium – ont maintenant été frappées par des sanctions commerciales.

Favoriser le commerce agricole entre l’Amérique latine et les Caraïbes

L’apaisement de ces crises obligera la région – en tant que pilier de la sécurité alimentaire et nutritionnelle de la planète et pilier de la durabilité et de la diversité environnementales – à concentrer ses efforts sur les populations vulnérables et à faciliter le commerce intrarégional et international en cours, en favorisant un véritable partenariat du commerce agricole en Amérique latine et dans les Caraïbes.

Les pays devront unir leurs forces, renforcer les organes de coordination des politiques sectorielles, en donnant la priorité à l’action collective dans l’intérêt de tous.

Un effort coordonné entre science, technologie et innovation

Dans le même temps, pour répondre stratégiquement aux besoins à court et à moyen terme, il est impératif qu’il y ait un effort coordonné majeur entre la science, la technologie et l’innovation, associé au cadre de politique publique et d’investissement correspondant, tout en fixant des objectifs ambitieux et structurés.

Nos systèmes agroalimentaires doivent utiliser les ressources naturelles de la manière la plus efficace possible, en créant des emplois décents et socialement inclusifs et en facilitant des régimes alimentaires sains et durables, d’un point de vue environnemental.

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